L’automne passa. Dame cruelle aux doigts de givre, l’hiver embrassa la forêt dans son étreinte mortelle.
J'ai une dernière leçon pour toi, Mikhaïl, dit Wiktor d'une voix douce, alors que le sifflement du train mourait au loin. C'est peut-être la leçon la plus importante, et pourtant elle se résume en deux mots : « Vivre libre. » Même si ton corps est enchaîné, il faut vivre libre. Ici. (Il toucha son crâne chauve de l'index.) C'est le seul endroit où personne ne pourra jamais t'enchaîner, celui où les murs n'existent pas, si tu les refuses. Et c'est peut-être la leçon la plus difficile à apprendre, Mikhaïl. Chaque forme de liberté a son prix, mais la liberté de l'esprit est inestimable.
Et il y avait la lune.
Le loup la voyait tout autre que l'humain. L'astre de la nuit était comme une flaque d'argent pur dans la prairie sombre du ciel, parfois couronnée d'un bleu violent, parfois d'un pourpre profond, et en quelques occasions d'une couleur au-delà de toute description. La clarté lunaire tombait sur la forêt comme une pluie de flèches argentées, et les arbres se muaient alors en cathédrales. C'était un spectacle à nul autre pareil, et devant cette beauté presque terrifiante les loups s'assemblaient sur un promontoire rocheux pour saluer la déesse nocturne. Leur chant racontait les joies et les peines de leur double nature, la mélancolie du banni et l'exaltation du miraculé.
Mais j'imagine que le gouvernement des autres pays est plus ou moins semblable à celui de la Russie : une poignée d'hommes cupides qui cherchent le profit immédiat et négligent le futur. C'est la malédiction de l'homme : il a un esprit et ne sait pas s'en servir.
[...] et si j'avais le choix je ne voudrais pas vivre d'autre existence que celle du loup, et j'oublierais avec joie celle de l'animal le plus honteux de la création : l'être humain.
Les généraux et les commandants aboieraient des ordres, mais ce seraient les simples soldats qui mourraient en les exécutant. Ainsi en avait-il été depuis une éternité, et il était peu probable que ce système changeât un jour. Parce que les hommes ne changeraient pas.
À une cinquantaine de mètres, en plein centre du champ de mines, le loup s'arrêta et se retourna. Pendant un long moment il observa l'incendie, et dans ses prunelles vertes brillait le feu de la destruction.
[...] Vivre Libre. Même si ton corps est enchaîné, il faut vivre libre. Ici - Il toucha son crâne chauve de l'index - c'est le seul endroit où personne ne pourra jamais t'enchaîner, celui où les murs n'existent pas, si tu les refuses. Et c'est la leçon la plus difficile à apprendre, Mikhaïl. Chaque forme de liberté a son prix, mais la liberté de l'esprit est inestimable. [...]
Chapitre VIII, Partie 6, de Wiktor à Mikhaïl.
Si tu te fais une amie de la douleur, jamais elle ne te trahira...
La vérité est comme le feu, Mikhaïl, dit-il d'une voix songeuse. Elle peut guérir ou détruire, mais ce qu'elle touche n'est plus jamais pareil ensuite...