Châtiments

Quoi qu'il en soit , ça avait fait son effet sur Reekie .Il avait senti la remontée acide dans sa gorge , le cigare et l'alcool transformés en bile .

C'est dur de savoir qu'on est passé à côté d'un boulot parce qu'on était le deuxième sur la liste .

Malheureusement, ceux qui permettent l'arrestation d'un criminel n'ont jamais leur mot à dire une fois que celui-ci se retrouve dans le système carcéral.

s'évader c'est comme exécuter un tour de magie

C'était la seule chose dont personne ne parlait en évoquant la prison : on mentionnait toujours l'inconfort, les privations, la peur des codétenus, le manque d'intimité. Mais jamais l'horreur d'être privé de silence.

Quand il se remémorait son enfance, il retrouvait les mêmes éléments que dans la jeunesse des déséquilibrés qu'il soignait en tant que médecin ou qu'il traquait en tant que profileur. Un enfant privé d'amour, non désiré, sévèrement puni pour des bêtises sans importance ou des étourderies, étranger aux relations normales qui permettent de grandir et de se développer. Un père absent et une mère agressive. Quand il interrogeait les psychopathes qui devenaient ses patients, il entendait de nombreux échos de sa propre enfance. C'était selon lui la raison pour laquelle il excellait dans ce qu'il faisait. Il les comprenait parce qu'il avait bien failli devenir comme eux.

La prison avait presque été pour lui un soulagement. Bien sûr, il avait dû faire bonne figure devant les autorités. Mais derrière les barreaux, il avait eu de nombreuses occasions d'ôter son masque et de montrer le vrai Jacko Vance dans toute sa crudité et sa force. Il adorait ce moment où des prisonniers soi-disant endurcis prenaient conscience que Vance n'était pas le faiblard qu'ils avaient cru; ce moment où leurs yeux s'écarquillaient et où leur bouche se déformait en un rictus de peur quand ils comprenaient que ce type ne connaissait aucune lilmite. Qu'il était prêt à tout. Oui, la prison avait été le lieu idéal pour parfaire ses talents.

Même un samedi soir, il y avait tellement de monde à Heathrow qu'en dehors du personnel de sécurité personne ne prêtait attention aux voyageurs. Personne ne remarqua que l'homme brun aux yeux noisette portant lunettes et moustache qui était entré dans les toilettes en était ressorti avec une chevelure châtain clair coiffée différemment, les yeux bleus et le visage glabre. Patrick Gordon avait été remisé au placard, remplacé par Mark Curran, chef d'entreprise à NOtting Hill.
Il avait laissé le 4x4 sur un parking et une demi-heure plus tard s'était installé au volant d'une nouvelle Ford, une Focus grise cette fois, en écoutant Better Days, de Bruce Springsteen, qui lui promettait des jours meilleurs. Et en effet, l'avenir s'annonçait radieux pour lui. Ce soir, il dormirait dans son lit, à Vinton Woods. Il prendrait peut-être même une journée de repos le lendemain. Après tout, même le Seigneur s'était reposé le septième jour. Il lui restait quelques projets à accomplir, des projets sanglants. Ensuite, l'heure serait venue pour lui tourner le dos à ce bon vieux pays.