L’eau en son absence
…Traces, elle se réduit en sels, lente sœur de la cendre, elle voile le cristal, cerne de fantômes les gouttes. Évaporée…
Ce sont les végétaux, ses enfants premiers, qui portent les stigmates majeurs de sa perte. Cellulose disent les clercs. Tiges rameaux, os fragiles de créatures brutalement vieillies…
Des restes donc et ceux-ci, plus volontiers que les œuvres d’art, je les collecte, rangés en boîtes et en tiroirs. Insectes secs, mues de reptiles, feuilles mortes, fruits rabougris, bois et écorces chus, voilà mon miel. Couleurs, palettes inimaginables aux passages subtils, sources et désespoirs de peintres. L’eau en se retirant a repris l’éclat ; mais le sec avec ses tons d’ordres mendiants, aiguise le regard et force à gérer les grâces sourdes d’automnes que l’on voudrait interminables. Pour mieux observer, bien transcrire.
Vieux rêve de teinturier : fixer la couleur.
Vieux rêve d’homme : fixer le temps.
~ Jean-Pierre Rose
pp. 211-212