Je vous emmène en Iran, ou plus précisément en Irlande, en compagnie d'une auteure iranienne,
Marsha Mehran, décédée dans un petit village du comté de Mayo (Irlande) en 2014 à l'âge de 37 ans. Dans «
Une soupe à la grenade », elle met en scène trois soeurs, Marjan, Bahar et Layla, qui ont fui l'Iran au moment de la révolution de 1979 pour la Grande-Bretagne d'abord, avant d'arriver à Ballinacroagh, au bord de la baie de Clew, à l'ouest de l'Irlande. Elles y ouvrent le Babylon Café, où elles proposent aux habitants du village suffisamment curieux pour entrer des boissons et des plats, salés comme sucrés, tous plus parfumés et réconfortants les uns que les autres. Avant chaque début de chapitre, une recette évoquée dans le chapitre en question nous est présentée, ce qui permet à ceux qui le souhaitent de donner une dimension totalement différente à la lecture en la reproduisant (elles sont toutes accessibles).
Quel livre agréable à lire, lorsqu'on aime manger et que l'on peut se représenter les saveurs et odeurs alléchantes qui s'échappent des casseroles ou du samovar ! Si l'arrivée des soeurs en Irlande ne s'est pas réalisée dans des conditions faciles (loin de là), si leur intégration dans le village n'est pas aisée – même si Thomas McGuire y veille de toute sa rage et sa frustration – c'est néanmoins un très beau portrait de famille que nous offrent la résilience de Marjan, la fragilité de Bahar et la fougue de la jeunesse de Layla, dont les longs cheveux noirs, les belles jambes et le parfum à l'eau de rose et à la cannelle ne laissent pas Malachy indifférent. En même temps, par petites touches, sont distillés les faits qui ont conduit les trois soeurs à leur départ précipité de l'Iran, dans le contexte précédant tout juste le renversement du shah et l'arrivée de l'allatoyah Khomeyni.
Marsha Mehran a dit à propos de ce roman : « Cuisiner, c'est une façon parfaite d'exprimer son amour. Quand vous préparez un plat, vous n'êtes pas seulement en train de combler une faim physique, mais aussi un désir plus profond, le désir d'un foyer, d'un endroit sûr où l'on peut se reposer. » Et en effet, c'est le sentiment qu'elle réussit à retranscrire tout au long des pages : lorsqu'on est déraciné, la cuisine et ce qu'elle nous apporte en termes de joie, de souvenirs, de consolation… est une médecine pour le corps et pour l'âme. Il y a d'ailleurs une scène très touchante où Estelle Delmonico, leur gentille et attentionnée propriétaire d'origine italienne, vient amener à Marjan du minestrone, qui est SA recette pour réconforter quelqu'un.
En résumé, une lecture qui fait chaud au coeur et au ventre, et de belles rencontres humaines.