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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Étéri approche le demi-siècle. Elle vit seule, dans la campagne géorgienne ; savoure cette solitude qui lui permet de se reposer de la vie d'esclave qu'elle a menée à la mort de sa mère, parce qu'elle avait un père et un frère, et parce qu'elle était de sexe féminin.

Aujourd'hui, ce qu'elle fait, elle le fait pour elle. Quand à ses vieux jours, ils seront le lieu d'un délicieux repos. Elle a tout prévu, et ce n'est pas à la vue du quotidien de ses comparses qu'elle échangerait tout cela pour une vie de couple. Vie de couple, tu parles ! Vie de servitude serait plus juste. D'abord un homme, puis les enfants, les petits-enfants, à cette vie-là, il n'y a pas de retraite. Une femme y sera toujours perdante.

Un jour en ramassant des mûres pour ses confitures un faux-pas près du fleuve la conduit à tutoyer l'idée de sa propre mort. Profondément chamboulée, elle se surprend à laisser libre cours à la passion et à son attirance pour un livreur de lessive.

Ce roman se présente sous la forme d'un dialogue interne intense, honnête, fort de ses contradictions. Qui peut prétendre être cohérent quand il nage en eaux troubles ? Il faut en intégrer le contexte, être humble sur ses propres fébrilités, reconnaître que nous aussi sommes le fruit de nos perceptions, en boucle sur nos obsessions et perturbés par nos pulsions.

Étéri peut paraître acariâtre, elle peut être parfois énervante je le concède volontiers, mais elle est palpable, si réelle, si intense, si unique et forte de ses convictions dans cet environnement ultra-patriarcal.

J'ai la sensation que ce roman sera sans doute clivant, personnellement il m'a saisie et sa fin m'a bouleversée.
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Écoutez voir Tamta Mélachvili ! L'éminente littérature !
Posséder ce livre, c'est comme se voir offrir une corbeille de mûres sucrées et juteuses.
Splendide, magnétique, « Merle, merle, mûre » est le fronton d'une histoire belle et triste.
D'une élégance rare, c'est le portrait sensible et sublime d'Étéri qu'on aime d'emblée de toutes nos forces.
Solitaire, célibataire, elle cueille des mûres sauvages comme un rite.
« Et savez-vous ce qui m'a sauvée l'hiver dernier, ce qui m'a permis de survivre ? Ma confiture de mûres ! Non, vraiment, je dois avouer que cette confiture de mûres était la seule raison pour laquelle j'arrivais à me lever le matin, cette confiture et du pain tout chaud…. Voilà, lorsque j'aurai traverser le pont, les mûres commenceront à luire dans les fourrés de ronces ».
Dans cette aube auréolée de silence, elle cueille les mûres. Rite pavlovien , « je cueillerai les mûres avant elles ». Mais le seau sombre dans le fleuve Rioni. Elle perd l'équilibre et manque de se noyer. Elle ressent un déclic en plein coeur. Sa vulnérabilité mise à nue.
« Bon, enfin, me voilà déjà chez moi, mais pourquoi mes jambes tremblent-elles ainsi ? .
Étéri reprend des forces. Elle va bousculer son quotidien réglé comme une pendule. Seule trop longtemps, son père et son frère décédés, elle qui a depuis ses plus jeunes années été domestique dans la maisonnée comble d'hommes. Bien plus tard, elle achètera une petite parfumerie. Entre les savonnettes, les lessives, les clientes, comme des courtes visites. Elle retient tout. Elle est de mimétisme. Elle se fond dans le décor de ce village géorgien. Mais voilà, le risque de mourir, a bousculé ses jours. Elle pressent en elle, cette foudre qui la blesse. Elle remarque le spartiate de sa vie. Elle a faim d'amour et soif de désir. Elle veut s'éveiller. Elle sait l'urgence de l'heure. L'aube de ses cinquante ans est une robe sombre, laide et frustrante. Étéri va saisir l'opportunité de ses fragilités. En faire une force implacable et assouvir à grandes enjambées ce qui lui a toujours manqué : l'accolade d'un homme. « … Je le regarde, à genoux devant moi. Il me fait penser à un oiseau, à un oiseau de proie, mais un bon oiseau, gentil, serein. Je sens son odeur malgré la puanteur que dégage la lessive en poudre, l'odeur de son après-rasage, l'odeur de sa peau. Je sens l'odeur d'un être humain , d'un homme ! ». Elle est dans cette supériorité de clairvoyance. Elle ose le printemps. Se laisse apprivoiser par le livreur de lessives. L'émancipation comme une étoile de mer sur son coeur. Elle s'éveille à la cartographie de son corps. Désirable, malgré ses vieux habits et sa disgrâce brouillée par le manque d'une gestuelle masculine. Elle perce au grand jour l'abcès des silences. Les habitudes chamboulées, qu'importe si le lait déborde. Elle cache tout aux voisins qui épient ses faits et gestes. Elle met en sourdine cette mélopée viscérale qui fait rougir ses lèvres et briller ses yeux. Elle est l'écho entendu, enfin. Elle retient dans ses mains, cette relation adultère, avec ce livreur de cinquante ans et plus, grand-père aux cheveux blancs, un peu maladroit et fou amoureux d'Étéri.
Somptueux, grandiose, émouvant, l'idiosyncrasie géorgienne dévoile ses secrets. Les habitus, les coutumes, les petites manies, les faux-semblants. L'ère d'un conformisme où pas un faux-pli n'est visible. Nous sommes dans le charme de l'innocence, un couple qui se découvre dans les rebords d'une Géorgie empreinte de quand dira-t-on et de commérages. Étéri va être de panache et de romantisme. Sa vertu existentielle, elle va vivre une passion absolue.
« Je ne t'emmène pas n'importe où, tu sais ? Ses yeux verts brillent de plus en plus. -Je veux te montrer un endroit magique, magnifique, un endroit où il n'y a personne ! Je vais te montrer le Vardzia de l'Iméréthie ! ».
« Merle, merle, mûre » est une épopée gracieuse, sentimentale. Innovante car intuitive. Sa fulgurance est pudique. Stylistiquement brillant, nous sommes dans l'orée d'un féminisme qui se révèle au monde. le portrait d'une femme-merle, avec ses petites manies qui sont autant de tartines de confiture de mûres. C'est l'envol d'une relation crépusculaire avec l'ombre des passions rimbaldiennes. La poésie de la révélation amoureuse. La noblesse du commencement dans cette gloire des premiers pas. L'initiation à la féminité. le canevas d'Étéri qui découvre sa polyphonie intérieure. le chant du merle.
Ce touchant livre boréal, a fait l'objet d'un film par la réalisatrice Elene Naveriani, (Quinzaine des Cinéastes au Festival de Cannes). L'émancipation au garde à vous.
Traduit du géorgien par Alexander Bainbridge & Khatouna Kapanadzé. Publié par les majeures Tropismes éditions.
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Étéri, au seuil de la cinquantaine, tient une petite boutique avec des produits d'hygiène dans un garage bien aménagé à cet effet à deux pas de chez elle. Cet endroit, que tout le monde appelle une parfumerie, est son petit paradis à elle et aussi un ticket pour une future retraite tranquille. A ses clientes, elle offre, à part une large gamme de produits à des prix raisonnables, une oreille attentive (et une bouche cousue). Ainsi, elle connait leurs peines et leurs problèmes familiaux.

Un jour, Étéri va vers le fleuve Rioni pour y cueillir des mûres et échappe de justesse à un accident. Elle a failli se noyer ! Cet événement lui servira de coup de fouet et elle fera ensuite une chose totalement imprévue. On suit donc une Etéri métamorphosée, revigorée qui commente sa vie et son entourage.

Même si quelques virus de passage dans notre famille m'ont contrainte à faire des pauses de lecture plus longues que souhaitées, je me suis glissée dans ce roman à chaque fois comme si je rentrais dans mes vieilles pantoufles favorites, bien adaptées à mon pied. J'ai tellement aimé suivre les pensées d'Étéri, la voir s'affranchir, prendre progressivement courage, donner symboliquement un coup dans les fesses des petits villageois. Naturellement et avec une belle fluidité, elle raconte son enfance difficile marquée par l'absence de sa mère, son travail dans la parfumerie et, à travers ses voisines et ses amies de jeunesse, elle donne une voix aux femmes dans cette société patriarcale. Derrière le tout ressort l'histoire de la Géorgie, d'un pays si abîmé, comme c'est le cas pour tant d'autres, par la présence de son voisin russe.
Lien : https://etsionbouquinait.com..
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Le livre étonnant et insolite d'une écrivaine géorgienne que j'ai lu avec grand plaisir ! Même si je ne peux pas dire que le personnage principal ne m' irritait pas par son esprit étroit de jugement, par son manque de perspective, de pensée critique et, de plus, par manque de sagesse. Mais! Il me semble que ce soit ainsi que l'auteur la voyait, telle qu'elle est, son héroïne Eteri, une femme de 48 ans et une ardente opposante au mariage.

L'objectif principal d'Eteri est d'économiser en vue d'une retraite tranquille afin de vivre grand style à la fin de sa vie : avec une grande télévision (et peut-être même avec Internet), avec une bonne bouffe et sans aucun trouble mental. Cependant, un incident sur la rivière qui a failli lui coûter la vie, où Eteri est allée pour cueillir des mûres, l'a poussée à un «amour» spontané avec l'un des fournisseurs de marchandises de son magasin. Et puis, il y a eu des rencontres, des conséquences et bien sûr des remords.

Un texte à la fois très subtil et simple sur une femme de l'arrière-pays géorgien, sur ses craintes éternelles que les gens penseront mal de telle ou telle chose, sur les «amies bien intentionnées » que presque toutes les femmes ont (et qui ne savent pas que parfois il vaut mieux ne pas avoir de telles amitiés du tout...). Sur l'esclavage domestique, quand la famille te considère comme une servante et, bien sûr, sur le fait que même à 50 ans, on peut se sentir aimée, désirée et regarder des sous-vêtements en dentelle rouge. Mais en acheter? Non! Qu'est-ce que les gens en penseront?!

C'est un très bon livre! Et même, si je n'ai rien vu de commun avec moi en Eteri, cela ne veut pas dire qu'elle mérite d'être condamnée.
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