Citations sur Le Fils (294)
J'ai toujours eu peur qu'il ne se fasse mordre par un serpent, frapper par un sabot de cheval, encorner ou piétiner ; il a survécu à tout cela et pourtant c'était comme si j'avais échoué à le protéger. Il était là, en nage malgré le froid de la nuit, agrippé à sa carabine, prêt à faire la guerre à des hommes qui avaient assisté à son baptême.
- Ah. Pour une fois tes lèvres remuent et on n'entend pas que des conneries.
Toshaway parlait toujours : "Bien sûr, nous ne sommes pas idiots, la terre n'a pas toujours appartenu aux Comanches. Il y a bien des années de cela, elle était aux Tonkawas, mais elle nous plaisait, alors nous avons tué les Tonkawas et nous la leur avons prise… et maintenant ils essaient de nous tuer dès qu'ils nous voient. Mais les Blancs ne raisonnent pas comme ça : ils préfèrent oublier que ce qu'ils convoitent a d'abord appartenu à quelqu'un d'autre. Ils pensent : "Ah, je suis blanc, ça doit être à moi". Et il y croient vraiment, Tiehteti. Je n'ai jamais vu un Blanc ne pas avoir l'air surpris de se faire tuer." Il haussa les épaules. "Moi, quand je vole une chose, je m'attends à ce que la personne à qui je l'ai volée essaie de me tuer, et je sais ce que je chanterai en mourant. "
Un être humain, une vie — ça méritait à peine qu’on s’y arrête. Les Wisigoths avaient détruit les Romains avant d’être détruits par les musulmans, eux-même détruits par les Espagnols et les Portugais. Pas besoin d’Hitler pour comprendre qu’on n’était pas dans une jolie petite histoire. Et pourtant, elle était là. À respirer, à penser tout cela. Le sang qui coulait à travers les siècles pouvait bien remplir toutes les rivières et tous les océans, en dépit de l’immense boucherie, la vie demeurait.
Avant leur arrivée, on tenait pour impossible de faire du beurre dans ce climat méridional. Impossible aussi, pensait-on, de cultiver du blé. Tels sont les dégâts d'une économie esclavagiste sur l'être humain. Mais les Allemands, n'étant pas prévenus, se mirent à faire du beurre de premier choix et à produire d'abondantes récoltes de la noble céréale qu'ils vendirent un bon prix à leurs voisins ahuris.
Certes, on voulait toujours pour ses enfants une vie meilleure que la sienne. Mais à partir de quand le mieux devenait-il l'ennemi du bien ? Sans incertitude matérielle, les êtres humains s'autodétruisaient. Elle pensa à ses petits-enfants, à tous ceux qui suivraient.
La bonne société les voyait en effet peu ou prou comme des prostituées, vu qu'elles s'étaient fait violer par un troupeau d'étalons indiens. Mais contrairement aux prostituées, qui pouvaient renoncer à leurs choix immoraux et se racheter, ces femmes n'étaient pour rien dans ce qui leur était arrivé ; elles n'avaient donc pas le pouvoir de le défaire non plus.
On apprit avant l'été que les Penatekas, les plus nombreux et les plus riches des Comanches, avaient presque totalement disparu. L'épidémie de petite vérole de l'année précédente avait laissé place au choléra - maladies propagées dans les deux cas par les chercheurs d'or qui faisaient leurs besoins dans les cours d'eau - et un hiver rigoureux avait achevé les survivants.
Je ne peux pas m'empêcher d'avoir de l'empathie pour les Mexicains. Leurs voisins blancs les considèrent à peu près comme des coyotes qui seraient nés sous forme humaine, et c'est en coyotes qu'on les traite encore quand ils meurent. Mon réflexe est de les soutenir, et pour ça, ils me méprisent. Je me reconnais en eux ; ils se sentent insultés. Peut-être qu'on ne peut pas respecter un homme qui possède ce qu'on n'a pas. Sauf si on l'estime capable de nous tuer.
N'être qu'un animal, comme mon père, libre de toute mauvaise conscience – de toute conscience, en fait. Dormir profondément, rempli de certitudes tranquilles, toute vie humaine ne pesant que son poids de viande.