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3,71

sur 645 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Il est des romans étiquetés «  polars » qui dansent autour des codes habituels de ce genre en les épurant a minima pour les envelopper d'une atmosphère étrange et inquiétante qui happe le lecteur dès les premières pages.

Il faut dire que cela commence comme une légende au fin fond du Québec, à la frontière du Maine, sur les rivages du lac Boundary, la légende d'un trappeur solitaire qui y avait trouvé refuge pour fuir la conscription de la Deuxième guerre mondiale puis s'était suicidé lorsqu'une femme trop belle pour lui s'était refusée à lui. Les enfants aiment invoquer son esprit pour jouer à se faire peur comme aiment à le faire les enfants. Mais voilà que ses pièges ours semblent ressurgir de la terre noire de la forêt, une adolescente est retrouvée morte, déchirée par un de ces pièges. Puis une deuxième. Comme une malédiction posthume pour détruire la beauté de la jeunesse. Nous sommes en 1967.

C'est peut-être la première fois que je lis un polar en ne m'intéressant pas à l'intrigue de l'enquête à proprement parler : il y a bien une traque de l'assassin, des interrogatoires, une autopsie, des suspects, mais la tension n'est pas crée par une multiplication de rebondissements et de fausses pistes. L'essentiel réside ailleurs car ces crimes tendent un miroir à la population qui les subit. Et c'est cela qui est formidablement désossé, les lignes de fracture que créent les meurtres des jeunes filles lorsqu'il déchire la langueur du Summer of love, leurs répercussions sur la communauté au sein de laquelle tout le monde se connaît et qui héberge le meurtrier.

En alternant les chapitres menés par un narrateur omniscient ou par la jeune Andrée qui se souvient à la première personne, l'auteure sait puissamment dire la montée des tensions, la méfiance qui s'insinue, la colère, la tristesse, la peur qui remplacent la sidération initiale. L'acuité psychologique dont fait montre l'auteure est remarquable. le lecteur est comme envahi par les pensées de chacun, témoins, victimes, enquêteurs, assassin. Un flot d'émotions jaillit des pages et m'a habitée durant toute la lecture.

Cette intensité naît de la force d'évocation de l'écriture, d'une richesse incroyable qui célèbre la francophonie en la mariant à des anglicismes et des québécismes qui jaillissent et régalent. Cette explosion des frontières linguistiques est une véritable performance stylistique tant la langue est virtuose, sensuelle et sensorielle. de nombreux passages m'ont éblouie et donnée des frissons, aussi bien lors des descriptions quasi impressionnistes de la nature, lacustre ou forestière, que lorsque Andrée A. Michaud se place au chevet des âmes. Comme lorsqu'elle se penche sur celle d'une voisine de l'adolescente tuée dont son mari à retrouver le corps :

« Celle-ci avait confirmé que son mari s'absentait souvent de longues heures pour revenir l'haleine chargée d'odeurs de gomme d'épinette, les yeux remplis de lueurs prises à l'eau des ruisseaux ou à l'oeil des bêtes tapies dans l'obscurité verte des sous-bois. Elle ne connaissait pas la véritable origine de ces lueurs, ne comprenait pas que l'eau froide puisse se transformer en lumière au coin d'un oeil, mais elle pouvait décrire le goût amer de la forêt, qui demeurait longtemps dans sa bouche après que son mari, à coups de langue lumineuse, avait tenté de lui inoculer cette essence contenant la beauté des arbres. Elle n'avait cependant rien pour leur apprendre sur Zaza Mulligan, sinon que son corps fantomatique marchait depuis la veille au côté de celui de son mari, qui lui avait parlé de la jambe déchirée de Zaza, mais surtout de sa chevelure, de cette trainée de lumière éteinte dans l'ombre verte. C'est ce qu'avait d'abord vu Ménard en s'écartant du sentier, une longue chevelure rousse, ne comprenant pas bien ce qu'était cet enchevêtrement soyeux. Il avait ressenti un violent coup au sternum en l'apercevant, pareil à ceux qui lui transperçaient la poitrine quand sa petite Marie lui échappait pour traverser la rue. »

J'ai été hypnotisée même si j'ai parfois décroché dans le dernier tiers à cause de quelques longueurs et d'une révélation de l'identité du coupable qui ne m'a pas convaincue.

Un polar d'atmosphère atypique et puissant par la force d'évocation qu'il distille, porté par une plume rare et superbe.
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Au fin fond du Canada, dans une région qui s'appelle « Bondrée », quelques familles se sont regroupées comme chaque année pour passer l'été au bord d'un lac. Trois adolescentes profitent de leurs vacances, insouciantes, Zaza et Sissy, que l'on pourrait prendre pour des jumelles car elles sont inséparables et Frenchie, dernière arrivée qui s'est liée au duo de délurées. Elles ne se doutent pas que dans la forêt environnante, un être sanguinaire et malfaisant rode…
Tout l'intérêt du roman d'Andrée Michaud réside dans l'atmosphère pesante qu'elle a parfaitement su recréer autour des meurtres perpétrés par un psychopathe. Même la nature participe à cette tragédie, une forêt primaire, des montagnes et un lac.
« Bondrée » est un polar à la Hitchcock où le lecteur est gardé à distance de l'intrigue et l'auteur lui lâche les éléments au compte-goutte derrière un voile opaque, un peu comme dans un cauchemar. Rien n'est dit ouvertement, tout est centré sur l'ambiance de cette région qui va s'avérer hostile, et sur les caractères des personnages, des gens simples, des ermites, des gueules cassées de la vie.
Il manque mal grès tout la pression crescendo d'une enquête qui livre ses éléments, des pistes élaborées pour accompagner ou perdre le lecteur. L'auteur a trop axé son récit sur la psychologie de ses personnages ce qui affaiblit la tension narrative. Il y a tous les éléments d'un très bon polar mais trop dilués dans un flot de détails sur le caractère des protagonistes.
« Bondrée » est une enquête hors des sentiers battus de ce type de littérature où le venin envahit lentement le corps de cette histoire.
Editions Rivages / noir, 380 pages.
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Chaque livre a son atmosphère, dans Bondrée, elle est envoûtante, voire hypnotique. le type d'atmosphère qui vous colle à la peau et ne vous lâche pas avant longtemps.
Un lac entouré de grandes forêts entre le Québec et le Maine, des estivants , deux jeunes filles, Zaza et Sissy qui découvrent le pouvoir de leur jeunesse, de leur corps, le plaisir de la première cigarette ...
Après la mort de Zaza qui bouleverse tout ce petit monde, la thèse de l'accident va être mise à mal avec une deuxième mort qui va plonger alors les habitants et estivants dans une peur, une angoisse, une colère.
En tant que lecteur, nous vivons à travers les personnages ces différents sentiments. Andrée A. Michaud nous décrit avec soin la psychologie des personnages à tel point que leurs réflexions deviennent nôtres et leurs émotions presque palpables.
Le choix de mélanger le français avec quelques phrases en anglais m'a un peu déstabilisée au début mais très vite, je me suis habituée à ce style et même apprécié.
C'est un livre qui m'a été conseillé par ma libraire et je suis ravie de l'avoir écoutée !
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Il est courant d'hésiter entre polar et thriller lorsqu'on a entre les mains un roman noir immersif où il y a crime et tension à la fois. Dans "Bondrée", il y a les deux mais c'est un troisième élément qui m'a séduite, davantage encore que les premiers : l'atmosphère.

"Bondrée" est une plongée dans un environnement qui offre de nombreux contrastes : le lieu idéal pour une villégiature pleine nature, l'oppression de la forêt profonde et de ses fantômes ; la jeunesse pleine de torpeur en cette fin de sixties, l'activité des adultes ; le passé spectral et le présent brumeux.

Comme je le disais, ce que j'ai le plus apprécié, c'est moins l'histoire et l'enquête (dont je trouve d'ailleurs l'issue un peu décevante) que l'atmosphère de sauvagerie latente parfaitement rendue par l'auteure. Jusqu'à l'étouffement. Evocation d'une nature trop dense qui recèle trop d'ombres et de secrets, souvenir de la trappe et des chasseurs que la solitude des bois pouvait rendre fous après les avoir marginalisés. Les descriptions sont terriblement réalistes : on perçoit l'humidité, la chaleur, on s'agace du vol des mouches, de la piqûre des moustiques, on a soif, on se sent perdu, on cherche la lumière.

Une belle rencontre qui laisse sa trace et qu'on est heureux de voir s'achever, histoire de respirer un grand coup pour se sentir vivant.


Challenge ATOUT PRIX 2022
Challenge MULTI-DEFIS 2022
Challenge PLUMES FEMININES 2022
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À l'été 67, une jeune fille disparaît dans les épaisses forêts entourant Boundary Pond, un lac des confins du Québec rebaptisé Bondrée par un trappeur mort depuis longtemps. le surlendemain, on retrouve le corps de la jeune fille, la jambe prise dans un piège à ours rouillé.

Accident ou meurtre ? Stan Michaud, l'inspecteur chargé de l'enquête est américain ; il sera secondé par Cusack, son adjoint. Dès que Michaud apprend les circonstances de la mort de la jeune adolescente, il se rappelle immédiatement le crime, non-résolu,seize ans avant...

Un vrai bijou littéraire que ce livre québécois sorti d'un peu nulle part chez Rivages Noires ( après le roman d' Emily St John Mandel déjà exceptionnel dont on a parlé le mois dernier .

En effet, ce Bondrée est un roman magnifiquement écrit, qui prend aux tripes, de par les émotions qu'il génère et avec les angoisses qu'il dégage, et dans laquelle la langue d'Andrée A. Michaud épate par sa fluidité et son inventivité permanente.

Quelle maitrise chez une romancière québécoise réputée que cette Andrée A. Michaud qui n'aime rien de moins que mener ce lecteur par le bout du nez avec toujours au bout de la plume, une virtuosité dans la façon dont l'auteur joue avec la langue, en utilisant comme rarement des frontières poreuses entre la langue française et la langue anglaise :

« Il semblait alors à Michaud que Zaza souriait, que dans cette lumière s'épanouissait l'ultime ravissement de la jeune fille, transgressant la douleur devant l'évocation d'un jour d'été ayant la perfection de la jeunesse. How, Elisabeth ? Why ? Mais le jour demeurait silencieux ».

Fasciné, le lecteur se laissera happer par la chape de plomb qui s'abat sur la communauté de Bondrée, une communauté confrontée à ses lâchetés humaines et son impuissance face à l'horreur..

Tout cela fait de Bondrée un roman d'une rare puissance, de ceux qui résonneront longtemps en tête après les avoir lus...


Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Une jeune fille est disparue, puis retrouvée morte, et le lieu de villégiature du petit lac Boundary devient une frontière du paradis et de l'enfer.

C'est l'été 67 au bord d'un lac à la limite du Québec et du Maine américain. La petite Andrée admire les grandes, des élégantes qui fument sur le quai en chantant « Lucy in the sky… » et attirent les regards. Mais lorsque la belle Zaza disparait, c'est la magie de l'enfance qui s'efface aussi peu à peu.

Un roman à plusieurs voix, celle de la petite Andrée, mais aussi celle de l'enquêteur et même celles de la victime et du meurtrier. Ces voix semblent authentiques, comme semblent tangibles l'ambiance d'époque et l'atmosphère de vacances dans la nature encore sauvage.

Un texte joliment écrit qui inclut un vocabulaire québécois, qui tient compte aussi du milieu anglophone de ce lac Boundary, devenu Bondrée pour les francophones. C'est parfois humoristique, par exemple lorsque la jeune Andrée s'exerce à dire « foc » comme les Américaines, sans savoir ce que ça veut dire.

L'ensemble est un bon polar d'une auteure que j'ai été heureuse de découvrir grâce à Babelio !
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Bondrée...au départ, je pensais qu'il s'agissait d'une expression québécoise, c'est juste une déformation de l'américain " boundary " signifiant frontière.

Et c'est vrai que le lieu où se déroule cette histoire est aux limites de deux mondes, entre les forêts du Maine et le Québec. Un lieu que l'auteure connaît bien puisqu'elle y a séjourné .

Été 1967. On écoute " a whiter shade of pale" ( je vous conseille la sublime version d'Annie Lennox) et " Lucy in the sky with diamonds" partout et aussi là, à Bondrée, où viennent surtout des vacanciers dans leurs maisons secondaires. Mais un été à jamais bouleversé par le crime de deux adolescentes inséparables, retrouvées l'une après l'autre prises dans un piège. L'enquête piétine, les esprits sont tourmentés par ces morts atroces...

Ce roman noir est tout en atmosphère, l'écriture est fiévreuse, sensuelle, nostalgique. L'envoûtement de cette nature sauvage opère sur le lecteur, hanté par l'homme des bois, Landry, qui y a vécu et dont on entretient la légende. Et la particularité aussi , c'est que de nombreuses expressions américaines, ainsi que quelques mots québécois ponctuent le récit, mimant parfaitement le mélange des deux langues dans ce no man's land mystérieux. On s'y habitue très vite et même on y prend grand plaisir.

D'autre part, le point de vue d'une fillette ( Tiens! Elle s'appelle Andrée...) , témoin indirect des événements, enrichit le texte. Il alterne avec celui de Stan Michaud ( même nom que l'auteure 😉), l'inspecteur charismatique.

Une réussite, selon moi, une ambiance , un ton originaux. Je reproche juste quelques longueurs. Mais une auteure canadienne à découvrir, c'est sûr!



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Un roman d'atmosphère pour amoureux des forêts sombres
*
Bondrée est un roman que je voulais lire depuis fort longtemps. Il a eu tellement d'éloges. Et cette lecture tombe à pic puisque depuis peu, suite à mon merveilleux séjour au Québec, je m'intéresse de plus près aux ouvrages de nos chers cousins.
Et, cerise sur le gateau, je l'ai lu en même temps qu'une fille québecoise (lecture commune avec Anne). Pour partager nos ressentis au cours de la lecture.
*
Il s'agit ici d'un roman d'atmosphère ou d'ambiance. Tout de suite, j'ai pensé à la très envoutante série vintage des années 90, "Twin Peaks", de David Lynch. Vous savez, celle qui parle d'un meurtre d'une jeune fille, Laura Palmer, retrouvée sur les berges d'une rivière encaissée dans un vallon très boisé.
Ici, dans Bondrée , on retrouve le même type d'intrigue, avec les mêmes codes. Un meurtre de jeune fille, un inspecteur tourmenté par un crime ancien assez sordide, dans un paysage hostile, forestier, ténébreux et oppressant.
*
Focus été 1967: Boundary Pond, un endroit isolé enclavé entre deux frontières, le Canada et le Maine (USA). Un lac peuplé de touristes et de mignons chalets en bois. Une forêt impénétrable, dense et un peu mystérieuse. Voilà pour le décor.
Une narratrice, Andrée (comme l'auteure), jeune demoiselle de 12 ans, en vacances avec sa famille.
Une légende: Pierre Landry, un trappeur canuck qui aurait été retrouvé pendu dans sa cabane suite à un intense chagrin d'amour.
Le temps est au rire et à l'insouciance. Certes. Mais le bonheur sera de courte durée. Puisque Zaza, jeune fille si jolie (et aussi sexy) est retrouvée morte près d'un piège à ours. Appartenant à.....Pierre Landry.
Et voilà le début d'une intrigue palpitante qui s'achèvera dans le sang et la fureur.
*
Le début a été chaotique. Beaucoup de noms de personnages à retenir tout d'abord. Puis le mélange de français et d'anglais a été déroutant. C'est certainement voulu et doit être assez authentique puisque nous nous retrouvons coincés entre deux cultures. C'est ce qui fait son charme. Et puis de nouveaux noms québecois (heureusement que ma co-lectrice m'a aidé !). Ensuite, vers la moitié du roman, tout s'enchaîne et je me suis retrouvée dans un tourbillon de sensations (olfactives, tactiles, musicales et visuelles).
Justement, c'est bien ce qui m'a plu ici, la description si "réelle" de cette nature hostile, cette angoisse latente et pernicieuse. Plusieurs fois, je me suis retournée (et même sursauté) au moindre bruissement de feuille tombée. Une immersion totale dans le paysage.
La psychologie des personnages est assez inégale. Certains, comme l'inspecteur sont décrits avec justesse et profondeur. Tandis que d'autres, notamment le meurtrier sont à peine esquissés.
La jeune Andrée paraît très mature (peut-être trop), et perd son innocence assez vite. Quelques chapitres aussi racontés par divers protagonistes (le meurtrier, les victimes juste avant leur mort) apportent une dynamique fort bien venue. Une plume poétique et assez souvent métaphorique qui rajoute une valeur ajoutée à l'intrigue policière.
*
Un roman teinté de mystère, parfois d'onirisme, m'a charmé et subjugué le temps d'un été caniculaire et moite.
Come on Zaza and Sissy , "le souvenir de la beauté peut blesser l'un d'entre nous"



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« Bondrée »: c'est ainsi que les francophones ont renommé « Boundary », aux confins du Maine et du Québec, zone boisée qu'un lac en son coeur rend propice aux évasions estivales en cet été 67.
« Boundary », c'est-à-dire « frontière », et c'est peu de dire qu'Andrée Michaud joue de tous les no man's land.
Entre le français et l'anglais: « Zaza racontait tout à Sissy, et vice versa. Elle ne croyait pas non plus à la possibilité que Sissy se soit enfuie avec Mark Meyer. Meyer était un imbécile, un prétentieux qui frenchait comme une limace. Elle l'avait essayé aussi, avant Zaza, après Zaza, qu'importe. Jamais Zaza ne serait partie avec this stupid guy, jamais sans le lui dire, never ! » (Soit dit en passant, j'adore ce verbe « frencher », embrasser à la française, avec la langue!).
Entre l'enfance et l'âge adulte, dans cette zone grise qui semble désormais ne plus avoir de fin et dont l'après-guerre signa l'acte de naissance, entre Zaza et Sissy, qui découvrent les joies du flirt et le pouvoir d'un corps aguichant et Andrée, prête à se vernir les ongles mais refusant de quitter ses chaussures plates qui permettent si bien de courir.
Entre le présent et la passé, puisque la mort de Zaza et de Sissy semble être la vengeance posthume de Pete Landry, trappeur misanthrope suicidé en mal d'amour, dont la cabane en ruine fait toujours flipper les âmes imaginatives.
Entre la fiction et l'autobiographie, quand la petite narratrice s'appelle Andrée et que le policier s'appelle Michaud. La romancière s'en explique en disant « Merci enfin à tous ceux et celles que j'oublie, à tous ceux et celles qui ont été là, près de moi, durant les trois années que j'ai passées à Bondrée, parmi lesquels il me faut compter ma mère, et aussi mon père, disparu depuis fort longtemps, depuis trop longtemps, pour m'avoir permis de connaître ce lieu qui a marqué mon enfance et, de ce fait, ne pouvait que devenir lieu de fiction. »
Et surtout entre la littérature blanche et la littérature noire. Si meurtres il y a, l'absence de dialogues, les pages d'atmosphère, la découverte d'un coupable assez peu vraisemblable risquent de décevoir les amateurs de pur polar. Mais si on aime lire pour être tour à tour bercé et exalté, il faut se laisser couler dans les eaux de Bondrée qui mêlent la nostalgie de l'enfance et la peur du passé, le désir et l'angoisse d'être aimé et protégé. « J'ai souvent repensé à cette soirée depuis, me demandant si quelqu'un nous avait réellement observées de loin, un homme, un chasseur de Tangara, mais je ne le saurai jamais, pas plus que je ne saurai si les images que je conserve de cette nuit ressemblent à celles qu'ont vues les chauves-souris ou si elles n'appartiennent qu'aux terreurs de l'enfance. Je me dis toutefois, quand je regarde la noirceur tomber à ma fenêtre, que la simple existence de ces images, que la simple persistance du craquement du bois sec dans mon souvenir attestent une forme de réalité que rien ne pourra jamais démentir. »
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Ce territoire, situé à la limite de l'Etat du Maine et de la Province de Québec, a été baptisé "Bondrée", de l'anglais "boundary" qui signifie frontière. C'est une contrée isolée qui s'anime chaque été quand arrivent les plaisanciers qui viennent profiter du lac, de la montagne et de la forêt profonde. Pendant deux mois, l'air s'imprègne de l'odeur des grillades ; les cris des enfants retentissent et se mêlent aux chants des oiseaux. Anglophones et francophones se côtoient sans toujours se comprendre. Mais en 1967, la torpeur estivale va être brisée par deux événements tragiques qui vont toucher Sissy et Zaza. Ces deux adolescentes inséparables affichent une sensualité insolente qui allume le désir des hommes et la jalousie des femmes. Mais tout bascule lorsque le corps de Zaza est retrouvé dans la forêt atrocement mutilé par un piège à ours. On pense d'abord à un accident quand on constate la disparition de Sissy...

Andrée A. Michaud décrit avec talent les conséquences d'un drame au sein d'une communauté. Elle s'attache moins aux rebondissements de l'enquête qu'à nous rendre les différents ressentis des témoins d'un fait divers. Après le choc de l'annonce, si les parents restent prostrés, pour les proches et les voisins, après le chagrin des premiers jours, la vie repend peu à peu ses droits. Les esprits sont envahis par une appréhension sourde et certains en viennent à invoquer les esprits qui hantent la forêt. Les soupçons ternissent la solidarité des premiers temps, il faut un coupable. Et puis il y a la honte, celle d'avoir eu des jugements trop durs envers les victimes, et celle d'avoir été soulagé de voir la foudre s'abattre sur la maison du voisin.

Plusieurs personnages prennent part au récit. L'inspecteur-chef Stan Michaud nous fait suivre le déroulement de l'enquête. le lecteur partage toute l'amertume de sa vie de flic pleine de sacrifices et de traumatismes. Andrée, âgée de douze ans, nous raconte des pans de l'histoire avec ses yeux d'enfant. Si Michaud nous livre le noyau de l'intrigue policière, (poursuite, découverte des corps, interrogatoire), Andrée, témoin d'événements qui la dépassent, relate les faits de manière plus intime, dans la limite du cadre familial. Ces événements auront une résonance particulière puisqu'ils vont la faire sortir de l'enfance.

Si l'intrigue est assez classique, j'ai apprécié l'approche de l'auteure qui mêle une enquête policière à un récit plus intime. J'ai aimé aussi l'étude psychologique des personnages et de la communauté de vacanciers. Une nouvelle voix que les lecteurs du vieux continent se doivent de découvrir.
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