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sur 645 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
La nuit était trop belle, les étoiles trop lumineuses en cet été flamboyant de 1967 pour que Zaza rentre chez elle aussitôt après quitté son amie de toujours, Sissy. Fredonnant, insouciante, enivrée, elle marche sans but, profitant de cet instant. Une fois engagée dans Otter Trail, non loin du chalet familial, elle entend un léger craquement derrière elle. Puis un second, un peu plus fort. Prenant soudainement peur, elle demande qui est là. Aucune réponse mais une ombre furtive. Une main qui s'empare d'elle et des cris dans la nuit.. le corps de Zaza Mulligan est retrouvé seulement deux jours plus tard par un riverain, Gilles Ménard, très choqué par cette découverte. La jambe sectionnée par un vieux piège à ours. le lac de Boundary Pound étant à la frontière entre le Canada et les États-Unis, l'enquête est tout de même confiée à Stan Michaud, l'inspecteur en chef de la police du Maine, et de son assistant, Jim Cusack, d'autant que la victime est de nationalité américaine. Très vite, ils concluent à un tragique accident. Dès lors, l'été, à Bondrée, perdra de ses saveurs, de ses couleurs, de son insouciance, d'autant qu'un nouveau drame ne va pas tarder à surgir...

C'est l'été, une période de certaine insouciance et légèreté. L'on fredonne "Lucy in the sky with diamonds". C'est près du lac de Poundary, près de la frontière américaine, que plusieurs familles, aussi bien canadiennes qu'américaines, viennent profiter de ces jours d'été, entre baignades, barbecues ou parties de pêche... Les adolescents, eux, jouissent de leur nouvelle liberté. Parmi eux, Zaza Mulligan et Sissy Morgan, deux amies, à la vie à la mort. La blonde et la rousse, inséparables, un brin provocantes parfois ou désinvoltes. À la mort aussi dramatique qu'incompréhensible de Zaza, toute la communauté de Bondrée s'en trouve bouleversée, vacille et doute fortement. Y aurait-il un tueur parmi tous ces vacanciers ? Aux questionnements et aux tâtonnements de l'inspecteur Stan Michaud s'intercalent les pensées d'une jeune narratrice, Andrée, adolescente admirative de Zaza et Sissy. Outre cette enquête policière finement menée, Andrée A. Michaud installe une atmosphère dense, pesante, un brin onirique et comme hors-du-temps. Aux expressions québécoises, mélangeant français et anglais, la plume acérée, descriptive, parfois poétique de l'auteur se révèle dépaysante.
Un roman d'atmosphère captivant...
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Eté 1967. Boundary Pound fait le bonheur des vacanciers. du soleil, un lac entouré d'une forêt profonde. Nature et farniente, chasse et pêche, confitures et barbecues. Ils s'appellent Duchamp ou McBain, Larue ou Latimer, viennent du Maine ou du Québec et partagent tous la douceur de vivre de ce lieu paradisiaque. Les femmes préparent des tartes, les enfants barbotent et les maris arrivent pour le week-end pour un repos bien mérité. Andrée est encore une enfant même si elle se donne des airs de grande et rêve de s'immiscer dans le duo formé par Zaza Mulligan et Sissi Morgan. Une blonde, l'autre rousse, deux gamines tout juste sorties de l'adolescence qui exhibent leurs longues jambes, chantent les Beatles à tue-tête, cigarettes fines au bec. Andrée les admire, les femmes leur jettent des regards réprobateurs et les hommes tentent de cacher la convoitise honteuse qu'elles allument dans leurs yeux. Rien de grave, rien de bien méchant. Mais tout bascule le jour où Zaza disparaît jusqu'à ce qu'un promeneur la retrouve dans les bois. Morte, la jambe coincée dans un piège à ours, elle s'est vidée de son sang. L'enquête menée par Stan Muchaud et son adjoint Jim Cusack conclut à un accident. Mais la quiétude de l'été a disparu avec Zaza. On s'inquiète, on organise des battues pour déloger les pièges, on déterre les histoires du passé. Celle de Pierre Landry, un déserteur qui voulait échapper à la seconde guerre mondiale et s'est réfugié dans les bois de Boundary. Un trappeur, un ermite, un sauvage, mort d'amour pour les beaux yeux d'une estivante qui ne l'aimait pas en retour. Son fantôme a-t-il tendu un piège à Zaza ? Quand une deuxième jeune fille disparaît, le doute n'est plus permis. Ce n'est pas un fantôme qui lui a rasé la tête et coupé la jambe...Michaud revient et cherche un meurtrier.

Quel magnifique roman ! Grâce à sa plume alerte et sensuelle, sa langue colorée mixant anglais et français, Andrée Michaud nous emmène avec elle au bord de ce lac qui marque la frontière entre Canada et Maine, dans les petits chalets habités par les familles d'estivants, au coeur de la forêt profonde qui l'entoure et contribue au mystère des lieux. C'est dans ce décor bucolique qui invite au farniente ou à l'exploration de la nature qu'elle instille discrètement un parfum de drame. Malgré les enfants qui s'ébattent dans les eaux du lac, les femmes qui confectionnent à tour de bras tartes et confitures, les hommes bienheureux qui viennent goûter ici au repos du guerrier, il y a quelque chose de pourri à Boundary, une odeur de mort qui vient peut-être de la triste histoire de Peter Landry...A la suite de ses personnages si attachants, du flic surmené, hanté par une affaire non résolue et profondément humain, à la petite Andrée qui fait une entrée fracassante dans l'âge adulte, jusqu'à ces mères autoritaires et protectrices dignes représentantes de la bonne ménagère des années 60, on parcourt les sentiers de Boundary, on profite de la chaleur estivale et puis on craint le pire, on cherche un coupable, on voit voler en éclat la douce langueur d'un dernier été au bord du lac.
Bref, plus qu'un polar c'est un roman d'atmosphère, extrêmement bien écrit, aux personnages marquants, dans un décor dépaysant. Un coup de coeur.
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Eté 1967, Summer of love, au bord du lac de Boundary Pound, cerné de forêts profondes, à la frontière entre le Canada et les Etats-Unis.
Bondrée, pour les intimes.
Endroit propice aux légendes tressées autour du personnage d'un trappeur dont certains se souviennent et qui flanque le frisson à tout le monde...
Le lieu de villégiature fait le plein de vacanciers canadiens et américains, qui reviennent année après année. Ils ne se fréquentent pas forcément, mais ils se connaissent tous.

Parmi eux, les Mulligan et les Morgan, dont les filles, Zaza et Sissy, deux amies fusionnelles, laissent derrière elles un sillage d'attirance sexuelle chez bien des hommes et de jalousie chez bien des femmes.

Et les Duchamp, qui viennent aussi chaque année avec leurs trois enfants, Bob, Andrée et Millie.

Une nuit, Zaza disparaît. Elle est retrouvée morte, dans une clairière, la jambe prise dans un vieux piège à ours.
L'inspecteur Michaud conclut à un accident.
Mais trois semaines après, une autre jeune fille est engloutie à son tour dans le crépuscule...

Que l'on accompagne Andrée Duchamp dans ses vacances adolescentes bouleversées par la disparition de Zaza puis par l'angoisse grandissante parmi les vacanciers, ou bien l'inspecteur Michaud venu du Maine enquêter sur cet "accident", les personnages sont bien campés, les caractères finement évoqués.

Zaza et Sissy font écho aux Zaza-et-Sissy que nous avons tous pu croiser.
Les vedettes de la villégiature.
Tout le monde les connaît. Tout le monde a un avis sur elles. Tout le monde les regarde.
Elles fascinent Andrée, litteldole so cut, Sissy, à qui elles donnent des gommes ballounes.
Deux jeunes filles qui se jouent du désir qu'elles éveillent chez les hommes, qui se fichent que les femmes en prennent ombrage, riant au nez de tous ces bien-pensants qui les toisent de haut.
Deux jeunes filles insouciantes et libres.
Pas si chanceuses qu'on veut le croire, ni si bien-aimées non plus.
Plutôt délaissées par leurs parents, gâtées à hauteur de leur désintérêt pour elles et qui ne comptent que l'une sur l'autre.
Dont le souvenir égratignera la mauvaise conscience de tous ceux qui en pensent tant de mal... révélant malgré elles le meilleur et le pire en chacun.

La plume d'Andrée A. Michaud a une force d'évocation remarquable. Elle enveloppe la narration de bribes de conversation en anglais, tics de langage, expressions québecoises, jurons, passant d'une langue à l'autre dans la même phrase si naturellement qu'on croit l'entendre.
Tous ces voisins prennent vie, les anglophones, les francophones. La lumière scintille en poudre d'or sur le lac. La forêt se pare du chatoiement de toutes ses nuances d'émeraude. Les journées vibrent dans une chaleur harassante avant la déferlante d'orage. Mais une inquiétude pesante rampe autour de Bondrée... Elle monte avec le crépuscule, soir après soir, semaine après semaine, retombe un peu, un court répit, pour assurer ensuite davantage son emprise sur la communauté...

A l'aise dans la peau d'une adolescente comme dans celle d'un inspecteur au bord de rendre son insigne, hanté par les fantômes d'affaires abominables, l'auteur tisse subtilement la toile de cet été 67, où viennent se prendre jeunes filles, illusions, enfance, tranquillité et innocence...
Tout y est juste, le ton, les préoccupations, les descriptions, les relations familiales, amicales, de voisinage.
Tout peut réveiller un souvenir enfoui en soi, qui dit les incertitudes de l'adolescence, les odeurs de barbecue, les voix appelant les enfants dans le soir d'été, la ligne rose vif au-dessus des cîmes suivant l'engloutissement du soleil, les mères, les pères, leur regard sur leurs enfants, leur absence aussi...
Au fil des pages, l'ambiance se tend, une sourde anxiété fait place à l'angoisse, l'air devient irrespirable.

J'ai été très impressionnée par la maîtrise, la profondeur, la finesse d'observation d'Andrée A. Michaud, sa délicatesse et sa poésie.
Bondrée est pour moi un grand roman, j'en ai suivi chaque méandre avec délectation.

Encore une découverte que je dois à la lecture commune polar,
merci !
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Superbe...
Il y a les romans policiers , et puis les romans policiers excellemment écrits..
Andrée A Michaud réussit à raconter une très bonne histoire, avec un climat particulier et un vocabulaire très riche et ciselé.
Dans la forêt de Boundary Pond , il y a un lac ; on surnomme cet endroit : Bondrée .
C'est un endroit qui sent bon les vacances, la nature et la paix...
Des chalets disséminés, suffisamment éloignés pour que chacun se sente indépendant. Des enfants qui se baladent en totale sécurité et des parents qui peuvent souffler...
Mais l' été 1967, deux adolescentes se sentent un peu trop " en liberté", maquillées, n'ayant peur de rien, effrontées et bruyantes, elles font parler d'elles et pas en bien. Andrée, une gamine, les admire et aimerait intégrer le duo, mais elle est trop jeune et naïve. alors, elle se contente d'observer...
Et ce qu'elle verra cette année là, sonnera le glas de son insouciance et son enfance.
L'une des adolescentes, disparaît..
Et l'enquête peut commencer , menée par la police du Maine, on est à cheval entre les USA et le Canada. Et tout au long du roman, on percevra cette double culture. Parfois l'auteur, sans crier gare, passera du français- canadien à l'anglais, ce qui donne une couleur singulière au roman, un charme fou. ( Les expressions Québécoises sont savoureuses ).
Trois cultures, trois personnages phares : celui du traducteur qui fait partie des résidents et qui se retrouve dans l'enquête , sans le vouloir, témoin tenu au secret.
Puis le chef de la police habité par des "cas boomerangs" , des enquêtes qui se rappellent à vous , à n'importe quel moment. Un flic hanté qui porte le même nom de famille que l'auteure, et un personnage de gamine qui porte son prénom...
Trois personnes qui pourraient être l'auteur , laquelle se souviendrait d'un fait divers qui aurait percuté son enfance...
Parce qu'il y a de ça dans ce roman, une ambiance particulière, lancinante, qui rappelle des souvenirs, des mauvais rêves...
Comme un caillou qu'on jetterait dans l'eau trouble de Bondrée et qui ferait des ronds de plus en plus grands. Car la fin de l'été 1967 ne ressemblera pas au début...
Cela fait une semaine que j'ai fini ce roman, et les ronds dans l'eau continuent dans ma tête...j'y pense encore . Je l'ai prêté, histoire qu'il fasse encore des petits ronds ailleurs...

Un suspens poétique et raffiné : un coup de coeur...

Challenge Mauvais Genres
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Bondrée c'est un roman policier qui parle aux gens, qui parle à l'enfance, qui vous emmène dans les recoins enfouis de votre tête avec une touche énorme de poésie. Vous cherchez un tueur, vous y trouverez l'âme pleine de boomerangs d'un policier, les senteurs des confitures, l'amour d'une fratrie, les réflexes protecteurs des mères et même un peu plus. J'ai beaucoup aimé ce roman parce qu'Andrée A. Michaud sait autant faire parler les adultes que les enfants. Sous ce dernier aspect, j'ai eu l'impression de retrouver une part de l'esprit de Scout chez la Punaise. Et puis ce livre c'est aussi un parler qui mêle anglais et français, « une langue métissée, une langue bâtarde incapable de trouver sa juste place » avec des expressions qui sentent bon le lointain, le tout accentué par le lieu où se déroule l'histoire. Bondrée, Boundary, cette terre, qui relie les Etats-Unis au Canada, « apatride, un no man's land englobant un lac, Boundary Pond, et une montagne que les chasseurs ont rebaptisée Moose Trap, le Piège de l'orignal ». Un no man's land où se promène des girls qui partagent une amitié indéfectible, du genre de celle qui lie Anna et Francesca D'acier, des beautés devenues proies des fantasmes. L'écriture est charnelle, profonde, intelligente et je ne peux que conseiller fortement ce roman.
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1967.
C'est l'été, les vacances. Et dans la forêt de Bondrée, vaste région boisée située dans le Maine près de la frontière canadienne, résonnent les voix de Zaza Mulligan et de Sissy Morvan. Elles sont jeunes, belles, ont les jambes démesurément longues et bronzées. Elles chantent « Lucy in the sky with diamonds », rient. Elles ont la vie devant elles...

La forêt de Bondrée est un endroit magique, loin des villes et de la fureur de vivre. Tout y est simple et naturel. On se promène. On se baigne. On observe la faune et la flore. On y côtoie Canadiens et Américains. On y parle français et anglais. Tous les estivants se connaissent plus ou moins. C'est un petit coin de paradis pour chacun où voisins, parents, amis aiment à se ressourcer.
Mais lorsque Zaza Mulligan est retrouvée déchiquetée par un piège à ours, il y plane un sentiment de mal-être qui trouble profondément chaque vacancier. Comment un lieu si charmant peut-il encore receler de pareils pièges ? Quel accident absurde !
Et lorsque son inséparable amie, Sissy Morvan, est à son tour retrouvée morte dans les mêmes conditions, tout le monde comprend qu'un tueur fou règne au sein de cette forêt...

« Mais il était trop tard et personne ne saurait jamais si Zaza et Sissy étaient pourries à l'os, destinées à devenir ce qu'on appelait des bitches et des vieilles bitches. Alors on leur en voulait presque d'être mortes et de provoquer ces examens de conscience où on prenait la mesure de sa banalité et de sa mesquinerie, de l'aisance avec laquelle on parvenait à juger et à condamner sans d'abord se regarder bien en face dans le miroir. »


Voici un roman noir très marquant. Très marquant d'abord par son écriture très littéraire, au vocabulaire riche et soutenu, où les descriptions sont de véritables tableaux, où les sentiments et émotions sont minutieusement rapportés et traduits, où la langue même est un délicieux mélange de français et d'anglais.

Très marquant aussi par sa construction qui ne comporte aucun dialogue, mais dont la narration est celle de deux personnes. Celle de la romancière d'abord qui cerne admirablement la communauté et les policiers responsables de l'enquête en leur apportant crédibilité et précision. Celle ensuite d'une fillette de douze ans, grande admiratrice des deux jeunes filles, qui par son regard enfantin et joueur apporte de la fraîcheur, mais qui peu à peu va perdre sa spontanéité et être propulsée dans le monde des adultes face aux évènements tragiques qui se déroulent sous ses yeux.
« Ce n'est qu'au cours de cet été, quand les événements se sont précipités et que mes repères ont commencé à vaciller que j'ai compris que ces peurs enfouies au coeur de toute enfance refont instantanément surface lorsque vous constatez que la stabilité du monde repose sur des assises qu'un simple coup de vent mauvais peut emporter. »

Marquant enfin par les légendes qui continuent de courir sur Bondrée et laissent planer le doute jusqu'à la fin du roman.

Un roman que j'ai adoré par son atmosphère envoûtante, sa description d'une nature foisonnante, ses personnages richement observés et en particulier celui de l'inspecteur Michaud, policier bourru au professionnalisme à l'ancienne, attaché à des valeurs humaines profondes et entouré de ses fantômes.
Une auteure canadienne à découvrir, un roman à lire !
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C'était un été, celui ou Lucy se promenait dans le ciel avec des diamants en guise d'étoiles. C'était à Boundary, un no man's land perdu entre la frontière du Maine et celle du Québec. Un lac, des cabanes en bois, une chaleur moite, et l'insouciance de l'époque. Tout le monde se connait, vient ici pour quelques semaines de vacances, ou trapper le castor. Des provisions de sirop d'érable, de bières et de whisky pour tenir le choc, celui d'un retour à la nature, celui qu'on ne souhaite jamais vivre. C'était l'été 67 et je sifflote un air de Procol Harum en descendant vers le lac de Bondrée.

Avec des senteurs de pin et d'érables, j'écoute le chant des grenouilles qui croassent aux abords d'un lac. Croa-Croa me susurrent-elles, rien d'érotique dans leurs mots, plutôt genre fais gaffe toé avec tes gros sabots poussiéreux à ne pas m'écraser les cuisses. Alors je pourrais me croire dans un petit coin de paradis, quelques crisses par ci, quelques câlisses par là, histoire de me rappeler que je suis du bon côté de la frontière, et pourtant… oui parce qu'il y a un pourtant à tout image d'Épinal même collée au sirop d'érable, une petite fille vient d'être retrouvée, aux abords d'une clairière, morte, sauvagement mutilée. Une bête sauvage ? ou un monstre humain. Un piège à ours rouillé à ses pieds - ou du moins dans sa jambe déchiquetée. Faut-il poser des pièges à bête humaine pour survivre dans cette contrée ?

Un flic lessivé par la vie, par la poussière et par les horreurs de son taf… Faut-il le rappeler… Lorsqu'on voit le corps d'une gamine… Puis une seconde, aux abords d'un même coin. Là, on ne parle plus accident d'un vieux piège laissé à l'abandon, mais bien d'un second meurtre. Toujours aussi sauvages, les hommes perdus dans cette luxuriante forêt aux odeurs de pins et de champignons. C'est là que j'entre en scène, dans un polar nature-writing, car tout aussi prenant soit l'histoire, celle-ci, sombre et sans guère d'espoir, est servie par une magnifique plume, aussi belle que celle d'un lagopède à queue blanche, aussi envoûtante qu'un slow de Procol Harum, qu'une mélodie inspirée par J.S. Bach. Je tourne les pages, pour l'ambiance sublimante de ces mots aux détours d'un coin de forêt perdue dans un no man's land, aux abords d'un lac, à Bondrée, un été 1967, l'été où de jeunes filles insouciantes sifflotent A Whiter Shade of Pale en faisant voler leur mini-mini jupes en poil de castor.

C'est quand que la neige viendra lessiver tous les mauvais esprits de cette contrée et que les aurores boréales illumineront les âmes perdues dans le ciel ?
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Bondrée est le premier livre de Andrée Michaud que je lis et surement pas le dernier.
Je reconnais que sans le Challenge Lecture Commune Polar animé par Sallyrose ( encore merci à elle ), je serais surement passé à côté de ce très bon livre encore un bon moment.
Bondrée : j'avoue qu'au tout début ce titre a évoqué certes la nature pour ma part, mais de manière erronée. Pour moi cela évoque un rapace la Bondrée apivore, et j'ignorais complétement que ici, Bondrée évoque un endroit bien précis, Boundary Pound qui est un lac dans l'état du Maine tout proche de la frontière canadienne .
Ce lac est un magnifique lieu de villégiature pour les amateurs de nature, de foret et de pêche.
En été 1967, les vacances sont au rendez-vous autour du lac. le soleil, le cadre sylvestre, les odeurs de fruits sauvages, les cris des enfants s ‘amusant dans l'eau, tous les ingrédients sont réunis pour décompresser. Deux jeunes filles à peine sorties de l'adolescence, à moins que nous parlions de deux jeunes adolescentes pas encore tout à fait des jeunes filles se démarquent un peu par leur joie de vivre et leur vitalité, mais après tout il faut bien que jeunesse se fasse… Zaza Mulligan et Sissy Morgan sont un duo que rien ne semble pouvoir séparer….Mais ….
Zaza va être découverte morte dans la foret, victime d'un ancien piège à ours… Très vite l'imagination collective s'enflamme et on fait le lien avec un ancien trappeur Pierre Landry ayant vécu dans la région bien des années avant. le fait que ce trappeur est officiellement mort depuis plusieurs années n'empêche évidemment pas les esprits de s'enflammer et on commence à considérer la foret d'un autre oeil…
Je n'en dirais pas plus sur cette histoire qui se lit, je dirais même qui se savoure car l'écriture de Andrée A. Michaud est vraiment délicieuse. Ses évocations de la nature, de la foret nous transportent là-bas et on sent le bruissement du vent qui agite les branches des arbres ….
Elle a su créer des personnages attachants, en particulier la petite Andrée Duchamp, une fillette aux portes de l'adolescente, et qui va essayer de comprendre pourquoi la vie de tous les vacanciers présent sera bouleversée à jamais par cette histoire…
En conclusion, je dirais que Bondrée est un excellent roman noir, doté d'une écriture à la fois puissante et poétique.


Lecture Commune Polar février 2019
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D'accord, les prix attribués à un roman ne sont pas une garantie absolue mais Bondrée vaut bien les nombreux prix qu'il a gagnés, notamment le Prix des lecteurs aux Quais du polar en 2017. C'est là que j'ai découvert ce livre. J'ai découvert par hasard que c'est la lecture polar de février sur Babelio et je l'ai donc sorti enfin de ma PAL.

Quel magnifique roman ! L'action est resserrée sur quelques jours, en un seul lieu, les abords du lac et la forêt de Bondrée, les acteurs sont obligés de rester sur place pour les besoins de l'enquête. le seul qui vient de l'extérieur, c'est l'officier de police Stan Michaud qui vient du Maine tout proche parce que Bondrée est à cheval sur la frontière entre le Canada et les Etats-Unis et que la première jeune fille morte est anglophone. le tout est très visuel, le lecteur se fait une parfaite idée des lieux et des personnages écrasés par la chaleur de l'été.

Une action resserrée, disais-je, sur quelques jours, quelques semaines de l'été 67 quand Lucy in the sky retentissait dans tous les postes de radio. En même temps, l'enquête semble d'abord déboucher sur la thèse d'un accident. Une impasse plutôt pour Stan Michaud qui sent que cette thèse lui reviendra bientôt comme un boomerang, ravivant l'obsession d'une ancienne affaire non résolue qui lui mord toujours le coeur. Andrée Michaud prend le temps de nous placer au coeur de cette enquête, multipliant les points de vue avec précision : des pages brèves nous emmènent tantôt la tête du meurtrier, tantôt dans celle de la jeune fille poursuivie ; de plus longs développements nous font suivre les pensées, les émotions, les doutes voire le désespoir de Stan Michaud ou les actions des estivants autour du lac ; des chapitres à la première personne nous font voir l'histoire par les yeux d'Andrée, garçon manqué de 12 ans, qui observe les adultes, absorbe leur angoisse et ne sera plus jamais une petite fille après cet été. (L'auteur connaît bien la région, elle y passait ses vacances enfant, c'est sans doute pour cela qu'elle a donné son prénom et son nom à deux de ses personnages.)

Un autre aspect passionnant de ce roman noir est la place tenue par les femmes face aux hommes : adultes, gamines ou ados délurées, victimes de la violence mais aussi femmes fortes, femmes de flics, mères de famille qui, tant bien que mal, résistent au malheur, qui font tenir debout, qui restent lucides dans la tempête. Les rôles traditionnels restent bien sûr dans leur époque mais on sent que les hommes censés protéger leurs familles vacillent durant ce terrible été 1967. A ce titre le personnage de Michaud est extraordinaire. Ceci dit il n'y a pas que Michaud et Andrée, les personnages secondaires sont bien travaillés aussi. Et l'écriture est belle, élégante et parfois pleine d'humour malgré tout.

Je pense que ce roman me restera longtemps en mémoire. Un coup de coeur que je vous recommande si vous ne l'avez pas encore lu (il est en poche maintenant).
Lien : https://desmotsetdesnotes.wo..
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Lors de ma découverte d'Andrée A. Michaud avec "Rivière Tremblante", j'étais totalement tombée sous le charme de sa plume. L'exploit s'est renouvelé avec "Bondrée" qui possède avec lui certaines similitudes, notamment l'omniprésence de la nature et la densité de l'histoire.

Été 1967, "Boundary Pound" (francisé en Bondrée), un lac, une forêt, un lieu de villégiature à la frontière du Maine et du Québec où se côtoient annuellement américains et canadiens. C'est dans cet univers plutôt conventionnel où les hommes partent au travail la semaine pour rejoindre femmes et enfants le week-end que souffle cette année-là un vent de liberté apporté par la présence de Zaza Mulligan et Sissy Morgan, deux amies inséparables qui, au son des tubes de l'époque, exposent la beauté de leur adolescence délurée. Mais deux drames consécutifs vont venir semer le trouble dans la communauté, réveillant le fantôme de Pierre Landry, un ancien trappeur qui pour fuir la guerre en 1940, s'était caché dans la région. Son histoire ainsi que son suicide par pendaison dans sa cabane au fond des bois hante encore la mémoire des estivants.

Ce que j'aime chez cette auteure, c'est la typicité de son écriture qui, au premier abord peut paraître comme très exigeante mais qui propulse le lecteur dans une atmosphère si réelle qu'il est difficile de s'en extraire. Dans ce titre, elle mêle habilement expressions québécoises et phrases françaises et anglaises pour souligner la pluralité de la population. de même, elle occulte les dialogues directs accentuant ainsi l' impénétrabilité du récit, à l'image de la forêt dans laquelle il se déroule. Une fois encore, l'enquête à proprement parler passe au second plan, Andrée A. Michaud propose d'abord au lecteur un microcosme d'apparence tranquille qu'elle va propulser dans un drame afin d'étudier les réactions de ceux qui l'habitent, comme elle jetterait un rocher dans les eaux calmes d'un lac pour en contempler les remous ainsi créés.
"Bondrée" est un récit multi-facettes, à la fois roman noir, thriller psychologique mais aussi roman d'apprentissage car de temps en temps, l'auteure donne la parole à Andrée Duchamp qui, du haut de ses douze ans, raconte sa propre vision des faits que ses parents tentent tant bien que mal de lui dissimuler. Mais la débrouillardise de la fillette et la curiosité mêlée d'envie qu'elle éprouvait pour la liberté du duo formé par Zaza et Sissy l'aideront à comprendre bien des choses et à quitter plus vite que prévu le domaine de l'enfance. Parmi la multitude de personnages, je retiendrai celui du flic Stan Michaud, hanté par ce qu'il appelle ses "boomerangs", des enquêtes particulièrement atroces auxquelles il a été confronté et qui ne cessent de lui revenir en mémoire.

"Boundry", la frontière entre deux pays, entre deux langues, entre deux âges, entre la vie d'avant et celle d'après un drame. Une vraie réussite à mes yeux, à laquelle j'accorde un 20/20.

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