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Citations sur Ailleurs : Voyage en Grande Garabagne - Au pays de la.. (50)

Sur une grande route, il n’est pas rare de voir une vague, une vague toute seule, une vague à part de l’océan.
Elle n’a aucune utilité, ne constitue pas un jeu.
C’est un cas de spontanéité magique.
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La vieille haine venue de l'enfance remontait en eux petit-à-petit, tandis qu'ils passaient l'un sur l'autre la lèpre gluante de la terre et le danger montait au nez, aux yeux, aux oreilles, sombre avertissement. Et tout d'un coup ce furent deux démons. Mais il n'y eut qu'une prise. Emporté par l'élan, l'aîné tomba avec l'autre dans la boue. Quelle frénésie en-dessous! Immenses secondes! Ni l'un ni l'autre ne se releva. Le dos de l'aîné apparut un instant, mais sa tête ne put se détourner du marécage et s'y renfonça irrésistiblement.
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Sans motifs apparents, tout à coup un Emanglon se met à pleurer, soit qu'il voie trembler une feuille ou tomber une poussière, ou une feuille en sa mémoire tomber, frôlant d'autres souvenirs divers, lointains, soit encore que son destin d'homme, en lui apparaissant, le fasse souffrir.
Personne ne demande d'explications. On comprend et par sympathie on se détourne de lui pour qu'il soit à son aise.
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En Emangle, il y a aussi beaucoup de lacs. Sans les lacs, on ne pourrait comprendre les Emanglons.
Ils se collent à l'eau, des lanières passées sous le ventre, attachées à deux planches, et ils restent ainsi sans bouger, pendant des heures.
Si une tempête s'élève et que des vagues successives et déferlantes les bousculent et les empêchent de respirer, ils cèdent sans cris, sans appels, lâchent leurs appuis et se laissent couler au fond. Ils ne luttent pas, quand même ils le pourraient.
Un Emanglon qui rentrerait, ruisselant, agité par l'effort et la fièvre, aurait peur du ridicule.
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CHEZ LES HACS

Comme j’entrais dans ce village, je fus conduit par un bruit étrange vers une place pleine de monde au milieu de laquelle, sur une estrade, deux hommes presque nus, chaussés de lourds sabots de bois, solidement fixés, se battaient à mort.
Quoique loin d’assister pour la première fois à un spectacle sauvage, un malaise me prenait à entendre certains coups de sabots au corps, si sourds, souterrains.
Le public ne parlait pas, ne criait pas, mais uhuhait. Râles de passions complexes, ces plaintes inhumaines s’élevaient comme d’immenses tentures autour de ce combat bien « vache », où un homme allait mourir sans aucune grandeur.
Et ce qui arrive toujours arriva : un sabot dur et bête frappant une tête. Les nobles traits, comme sont même les plus ignobles, les traits de cette face étaient piétinés comme betterave sans importance. La langue à paroles tombe, tandis que le cerveau à l’intérieur ne mijote plus une pensée, et le cœur, faible marteau, à son tour reçoit des coups, mais quels coups !
Allons, il est bien mort à présent ! A l’autre donc la bourse et le contentement.
« Alors, me demanda mon voisin, que pensez-vous de cela ?
— Et vous ? dis-je, car il faut être prudent en ces pays.
— Eh bien ! reprit-il, c’est un spectacle, un spectacle parmi d’autres. Dans la tradition, il porte le numéro 24. »
Et sur ces paroles, il me salua cordialement.

p.11-12
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Nuits interminables! Une lumière argentée et comme indépendante de sa source semble descendre les coteaux, fluvialement, immensément, paternellement vers la rivière et les pêcheurs. Le rivière, elle-même féminine, adoucit les hommes et les soustrait à eux-mêmes. Enfin, vers une heure du matin, une vraie obscurité s'établit. En quelques minutes, il n'y a plus personne. Chacun est rentré chez soi.
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LES BORDÊTES


Les commerçants y sont mis à mort, cette
race abjecte étant capable de tout.
Comme il y a certaines difficultés parfois à
se procurer des choses sans intermédiaire, il y a
des marchandises déposées en certains lieux,
dont on fait des parts pour qui en veut et qui
le fait savoir.
Si le mot « commission » ou « bénéfice » était
seulement prononcé, c’est à coups de fouet que
serait châtié l’imprudent que sa bouche aurait
trahi.

p.73
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LES ORBUS

Plus visqueux et spectaculaires que les Émanglons.
Lents de nature et par calcul, d’une lenteur cérémonieuse et à la vaseline, au pas sûr, médité, retenu, conscient, se retournant malaisément comme s’ils étaient la proue d’un navire qu’ils traîneraient derrière eux, milieu et poupe ; s’il faut absolument se retourner, pivotant prudemment, ou plus volontiers parcourant un spacieux arc de cercle ; aux idées longues à mûrir, et la nuit de préférence (leur faire prendre soudain une décision, c’est les obliger à trancher dans la chair vive. Ils ne vous le pardonneront jamais) ; petits mangeurs, mais grands mâcheurs, interminables à des repas de rien, végétariens, sauf à prendre avec leur manioc, leurs patates et leur pâte de banane, une langue ou une cuillerée de cervelle.
Jeunes avec ces grands yeux de rêve, trop humains, comme en possèdent les bébés orangs-outangs prisonniers dans une cage.
Adultes, l’œil-globe imbécile, ou, chez les plus méditatifs, des yeux de vase.
Un regard feutré, sans cohésion, qu’on ne peut prendre, qui se défend par ubiquité, dont une branche, pourrait-on dire, va à votre front, dont une autre reste en lui, dont une troisième rampe vers votre passé, une quatrième est commune à vous et à lui, tandis qu’une cinquième, en îlot, reste en lui, à se demander ce que tout cela signifie.
S’ils viennent à faire votre connaissance, prenant et soupesant votre main, la jaugeant, l’interrogeant, la palpant interminablement, l’engluant dans on ne sait quoi dont on ne rêve plus que de se sauver au plus tôt, quoiqu’ils soient peut-être en ce moment distraits et occupés à ressasser en eux-mêmes quelque vieux propos qui leur a été tenu il y a quinze jours.…

p.57-58
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DANS LA FORÊT D’ORMAZ

À la saison d’amour, l’oiseau kuenca mâle sort de son cou, tuméfié de plus en plus, trois rangées en demi-cercle de plumes splendides et ainsi engoncé dans ses batteries étincelantes, oranges, vertes et rouges, il part en quête d’une compagne pour se satisfaire et pour le nid.
Mais quand il se trouve enfin en sa présence, il rentre aussitôt la tête ; soit qu’il la cache pour mieux sentir sa passion, soit par honte de se montrer demandeur devant une simple femelle grise et de peu de force. Peut-être simplement pour mieux faire valoir les splendeurs de son cou.
Mais dès qu’il l’a conquise, devenant paisible et effacé, ses plumes perdent leur éclat et leur ampleur et quand, après une quinzaine passée, on les observe tous deux au nid, on croirait voir deux femelles grises, habillées de loques et de découragement.
C’est vers la fin de novembre que la forêt d’Ormaz fournit le plus beau spectacle de surprises éclatantes, quand le mâle kuenca est au mieux de sa forme.

p.78-79
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Le dieu des eaux est couché. Il n'est pas question pour lui de se lever. Les prières des hommes ne l'intéressent guère, ni les serments, ni les engagements. Peu lui chaut un sacrifice. C'est le dieu de l'eau avant tout.
Il n'a jamais fait vraiment attention aux récoltes des Gaurs pourries par les pluies, à leurs troupeaux emportés par les inondations. C'est le dieu de l'eau avant tout. On a pourtant des prêtres bien instruits. Mais ils n'en savent pas véritablement assez pour le chatouiller. Ils étudient, fouillent les traditions, jeûnent, méditent et il est possible, à la longue, qu'ils arrivent à parvenir jusqu'à lui et à couvrir la voix des eaux, qui lui est si chère.

p.102
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