AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Ecuador : Journal de voyage (38)

JE VOUS ÉCRIS D’UN PAYS LOINTAIN (extraits)

Nous n’avons ici, dit-elle, qu’un soleil par mois, et pour peu de temps.
On se frotte les yeux des jours en avance. Mais en vain. Temps inexorable. Soleil n’arrive qu’en son heure.
Ensuite on a un monde de choses à faire, tant qu’il y a de la clarté, si bien qu’on a à peine le temps de se regarder un peu.
La contrariété, pour nous, dans la nuit, c’est quand il faut travailler, et il le faut : il naît des nains continuellement.

II

Quand on marche dans la campagne, lui confie-t-elle encore, il arrive que l’on rencontre sur son chemin des masses considérables.
Ce sont des montagnes, et il faut tôt ou tard se mettre à plier les genoux.
Rien ne sert de résister, on ne pourrait plus avancer, même en se faisant du mal.
Ce n’est pas pour blesser que je le dis.
Je pourrais dire d’autres choses, si je voulais vraiment blesser.

III

L’aurore est grise ici, lui dit-elle encore. Il n’en fut pas toujours ainsi.
Nous ne savons qui accuser.
Dans la nuit le bétail pousse de grands mugissements, longs et flûtes pour finir.
On a de la compassion, mais que faire ?
L’odeur des eucalyptus nous entoure : bienfait, sérénité, mais elle ne peut préserver de tout, ou bien pensez-vous qu’elle puisse réellement préserver de tout ?

IV

Je vous ajoute encore un mot, une question plutôt.
Est-ce que l’eau coule aussi dans votre pays ? (je ne me souviens pas si vous me l’avez dit) et elle donne aussi des frissons, si c’est bien elle.

Est-ce que je l’aime ? Je ne sais. On se sent si seule dedans, quand elle est froide. C’est tout autre chose quand elle est chaude.
Alors ? Comment juger ? Comment jugez-vous, vous autres, dites-moi, quand vous parlez d’elle sans déguisement, à cœur ouvert?

V

Je vous écris du bout du monde. Il faut que vous le sachiez.
Souvent les arbres tremblent. On recueille les feuilles. Elles ont un nombre fou de nervures. Mais à quoi bon ? Plus rien entre elles et l’arbre, et nous nous dispersons, gênées.
Est-ce que la vie sur terre ne pourrait pas se poursuivre sans vent ?
Ou faut-il que tout tremble, toujours, toujours ?

Il y a aussi des remuements souterrains, et dans la maison comme des colères qui viendraient au-devant de vous, comme des êtres sévères qui voudraient arracher des
confessions.

On ne voit rien, que ce qu’il importe si peu de voir.
Rien, et cependant on tremble.
Pourquoi ?
Commenter  J’apprécie          00
S'ils venaient les Jivaros, qu'est ce qu'on ferait ? Moi, répond-il, c'est bien simple. Cinq balles pour eux et la sixième pour moi. Je ne tiens pas à servir d'expérience amusante à ces gens-là. (p141)
Commenter  J’apprécie          00
Il nous fallut d'abord, pour rentrer dans cette ville payer l'impôt du visage. (p34)
Commenter  J’apprécie          00
Peu me sépare de l’extérieur. Je suis presque dehors. Une grêle de lumières, mille couteaux viennent vers moi. Le bambou laisse passer les cris, les bruits et même les chuchotements et, si de l’autre côté quelqu’un s’approche de la paroi on croit que c’est pour vous dire un secret, ou qu’il vous épie. Le bambou n’est pas non plus sans traduire tous les mouvements des alentours. Dehors, cette partie apprivoisée de forêt, tous pavillons déployés et les mâts de fêtes des palmiers chonta. Des drapeaux déchiquetés, enlevés à l’ennemi, ses feuilles lacérées, et son corps est noir comme s’il sortait du feu. C’est ainsi qu’il est quand il est vieux, le bananier.
Commenter  J’apprécie          00
Curaçao à tribord. On longe l’île, de loin, des heures durant. Puis tout à coup on a mis le cap sur l’entrée du port. On est entouré, à moins d’une encâblure, de toutes choses, et notre oeil ne voit rien, et notre cerveau ne comprend rien. Ils restent marins encore quelque temps. La cristallisation se fait trop rapide. On nous eût encore donné une seule maison dans l’Atlantique, une porte et un auvent, et, le jour suivant un bébé près d’un seau de sable, quelle joie ! Mais non, on me prive de tout pendant quinze jours, puis en une minute toute une ville se pousse contre moi, des maisons par centaines, des hangars, des cheminées… des constructions inconnues, je ne sais quoi encore, et je ne sais qu’en faire.
Commenter  J’apprécie          00
Je viens de jouer… comme ça dilate… Excellent contre la pétrification qui est tout l’écrivain. Il y a quelques minutes j’étais large. Mais écrire, écrire : tuer, quoi.
Commenter  J’apprécie          00
"PRÉFACE
Un homme qui ne sait ni voyager ni tenir un journal a composé ce journal de voyage. Mais, au moment de signer, tout à coup pris de peur, il se jette la première pierre. Voilà.
L’AUTEUR."
Commenter  J’apprécie          00
J'arrivai pour la première fois dans ce pays, comme il faisait à peu près nuit déjà. Il restait deux heures à faire à cheval. Trois cavaliers allaient m'accompagner. Je m'attendais à trotter. On se mit, au contraire, à descendre dans d'invraisemblables pierres, où bientôt, dans l'ombre épaisse, j'étais comme un aveugle. Le cheval connaissait le chemin. A mesure que l'obscurité se faisait plus pleine, son pas devenait plus prudent et sensé. Je le laissais faire. Il tournait ici, puis là, puis atterrissait à un palier plus bas. Il était le plus lent, je perdais de vue les autres, même la jument blanche de Mortensen. On était obligé de m'attendre.
Commenter  J’apprécie          00






    Lecteurs (167) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

    Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

    Paris
    Marseille
    Bruxelles
    Londres

    10 questions
    1228 lecteurs ont répondu
    Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

    {* *}