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sur 3731 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Mesdames et Messieurs, prenez place.
Le royaume de circé se présente à vous, 549 pages, des Dieux, des mythes, des nymphes, des mortels, de la magie, voici venir le temps d'un autre temps, où le temps n'existe plus, où l'éternité est de mise, où une année dure une journée, le temps où les histoires et les mythes se racontent pour faire battre le coeur des petits et des grands.

Voici donc circé. Ma première incursion dans le monde de la mythologie grecque. Merci à mon ado de 16 ans qui m'a aidé à comprendre et m'immerger pleinement dans ce livre. Pour lui, ce livre est un carton plein. Mais il est fan de mythologie grecque, fin connaisseur aussi, une mémoire d'enfer. Sans lui, j'aurai certainement eu un peu de mal à rentrer dans cet univers tellement à part. Grâce à nos discussions, à ces différents « arrêts sur image », circé m'est devenu passionnant, un voyage livresque innovant et totalement dépaysant.

circé, déesse immortelle, fille d'Hélios et de Persé n'a d'un dieu que l'immortalité. Une voix criarde, un pouvoir absent, elle est la risée de la cour d'Hélios. Exilée sur l'île d'Aela pour avoir usé de sorcellerie et transformé un homme en Dieu et sa rivale en monstre, circé deviendra pleinement qui elle est : une femme libre et libérée des contraintes de la cour, découvrant ses facultés de sorcière et y travaillant jour après jour. La solitude la rattrape peu à peu. Quelques parenthèses sociales s'offriront à elles, à travers Hermès le Dieu voyageur ou Dédalle. Puis il y a ce jour où quelqu'un de spécial arrive, ou Personne devrai-je dire. Car Personne a battu le géant Polyphème, fils de Poséidon. Ce Personne se prénomme Ulysse et vient de remporter la guerre de Troie.

La première partie de circé, plus fidèle à la mythologie grecque a été pour moi, intrigante, sujet à de nombreux « arrêts sur image » avec mon fils. Une première partie où l'on apprend comme circé à prendre racine, à s'acclimater à cet univers si particulier.
La seconde partie est plus fictive (moitié du livre), c'est à partir de là que j'ai été happée entièrement par cette histoire, impossible à lâcher. Comme un sort jeté sur moi, j'ai totalement été sous le charme de circé et de son univers de femme, de mère. Subjuguée par sa patience, ses talents, son intelligence, circé m'a envoûtée.

Voyage littéraire incroyable entre ces dieux, monstres et héros grecs.
Voyage passionnant auprès de cette figure féminine travaillée à la perfection.
Nul ombre d'ennui.

circé se lit, se dévore, se vit, se partage avec l'envie que certaines histoires soient elles aussi immortelles nous donnant la curiosité d'en savoir plus sur ces mythes qui ont façonné les hommes il y a bien des années.
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Ignorée par son père, le puissant titan Hélios, et moquée par sa mère, la sublime nymphe Perséis, circé, à la voix trop humaine, au physique et au caractère trop discrets, aux dons divins inexistants, n'a capté l'attention de son illustre famille que lorsqu'elle a défié Zeus en utilisant la magie. Par amour, elle a transformé un humain en Dieu et sa rivale en monstre, s'attirant l'ire de son père qui la condamne à l'exil. C'est sur l'île d'Æaea que la déesse se construit une vie, seule certes, mais libérée des intrigues de la cour d'Hélios. Là, elle perfectionne son don pour les poisons et la magie. Æaea est paisible, les plantes y abondent, les lions et les renards sont ses amis. Abandonnée des dieux, circé ne l'est pas des hommes. C'est par la mer qu'ils viennent à elle, animés parfois de mauvaises intentions. Mais la déesse solitaire sait transformer les hommes en porcs, Ulysse le découvrira à ses dépens, lui qui verra son équipage patauger dans la boue. Pourtant ''le meilleur homme de Grèce'' saura apprivoiser circé, ou du moins conclure un accord avec la magicienne. Son passage sur l'île laissera des traces...Télégonos, fils d'un mortel et d'une déesse.

Quel magnifique voyage littéraire auprès de circé, figure mythologique intrigante, déesse immortelle à qui Madeline Miller donne tant d'humanité et de sagesse. On la découvre fille, maîtresse, mère, épouse et surtout femme. D'abord une femme effacée, victime des dieux et des hommes et puis une femme forte qui se révélera à elle-même, prendra son destin en main et défiera les dieux et les hommes. Courageuse et éternelle circé, bien plus sage, plus forte que tous les hommes, les héros, les dieux qui croisent sa route, forts de leurs exploits, fiers de leurs guerres, fidèles seulement à leur ego. Dans ce monde où règnent la violence et la peur, où les hommes sont soumis aux caprices de dieux tout puissants, circé reste debout, admirable, sensible, passionnée, dangereuse aussi pour qui s'y frotte.
D'une plume légère et poétique, Madeline Miller s'empare de la mythologie pour la dépoussiérer, la réinterpréter, la féminiser. Captivante et attachante, sa circé est un roman coup de coeur que l'on quitte avec un serrement au coeur. A lire pour s'instruire et se divertir.
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Coup de coeur pour une Nymphe, divinité secondaire aux modestes pouvoirs qui garantissaient tout juste l'éternité : circé, fille d'Hélios et de la naïade Perseis, fille Océan, circé, pour qui tout espoir de rencontrer l'amour semble vain, circé chahutée par sa soeur Pasiphaé et son frère Persès, circé la divinité à la voix de mortel, qu'aucun roi ne veut pour épouse… sera-t-elle condamnée à l'errance éternelle ?

Mais la fille du soleil, intelligente et vive, saura se servir de ses erreurs pour forger elle-même sa destinée, elle n'hésitera pas à affronter les dieux de l'Olympe,puissants, jaloux, vindicatifs, belliqueux, concupiscents, inflexibles. Reine solitaire de l'île Æaea, elle deviendra redoutable sorcière qui livrera quelques- une de ses effroyables recettes. Elle évoluera aux côtés de héros célèbres que l'on aura plaisir à redécouvrir.

Le lecteur tremblera face aux monstres redoutables et impitoyables qu'il rencontrera, redoutera la colère des dieux, admirera la persévérance de l'héroïne et cherchera à comprendre ses ruses.

Ce fut une grande joie d'accompagner cette figure de la mythologie grecque, d'abord simple nymphe, puis grande magicienne crainte des dieux comme des mortels.

Ce livre m'a permis de retrouver une de mes passions éteintes : la mythologie grecque, il m'a amenée à fouiller dans ma mémoire, à consulter des ouvrages pour aider les connaissances assoupies à refaire surface, connaissances indispensable pour visiter un musée, pour observer une oeuvre de peintre ou de sculpteur, pour se promener dans une ville inconnue…

Mais ce roman est plus que le parcours d'une sorcière, c'est une belle oeuvre poétique, ode à la nature riche des divinités qui la peuplent. Puissions nous imaginer la nature qui nous entoure, regorgeant de ces divinités afin de faire preuve à son égard, du plus profond respect. Car c'est bien à cela que devait conduire cette religion antique : se sentir tout petit face aux éléments, face à une nature toute puissante.

Je remercie infiniment les babeliotes qui ont lu ce fabuleux récit avant moi, et qui m'ont donné envie de le découvrir.

Challenge pavés
Challenge multi- défis
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« L'éternité, c'est long, surtout vers la fin » a dit Woody Allen, qui en sait quelque chose sur le sujet. Peut-être que circé condamnée à l'exil éternel sur son île d'Ééa le pensait aussi...
Depuis tout enfant j'ai été passionné, - et je continue de l'être, par les contes et récits de la mythologie grecque et je ne saurai encore dire pourquoi.
Je vous avouerai que je ne connaissais pas bien le personnage de circé, ou du moins je m'en étais fait quelques idées préconçues, une magicienne maléfique, une sorcière capricieuse aux pouvoirs démesurés, une mante religieuse prête à séduire les hommes qui accostent sur son île d'Ééa, à les faire tomber dans sa nasse, à les droguer, puis à les transformer en pourceaux...
Il faut dire que le poète Homère ne lui a pas fait de cadeau, il ne lui a peut-être pas offert une image très flatteuse, digne de sa personnalité et du rôle qu'elle a incarné...
Heureusement une autre conteuse vint à moi, en la personne de Madeline Miller...
Mais quel est donc le désir qui m'a fait aller vers ce long récit, véritable odyssée de près de six cents pages... Et d'où vient ce sentiment étrange qui m'a fait être séduit à mon tour ?
Quel est donc ce sort qui m'a été jeté ? Est-ce la manière envoûtante que possède Madeline Miller de nous raconter cette histoire ? Ou bien est-ce circé elle-même traversant les pages et venant jusqu'à moi pour me chercher ?
D'ailleurs, 2500 ans après les récits d'Homère, qu'est-ce qui peut encore nous séduire aujourd'hui dans la mythologie grecque ? J'ai l'impression que ces mythes recèlent plus de jeunesse et d'inspiration pour nous dire d'où nous venons et de quoi seront faits nos lendemains désenchantés que n'importe quel roman de gare ou précepte de développement personnel. Peut-être finalement que rien n'a changé depuis lors, l'humanité est toujours la même, misérable et grandiose, continuant de déverser sa jalousie et sa rage sur des champs de bataille, un monde plein de bruit et de fureur avec ses guerres, son pouvoir, l'argent, les fourberies, le malheur du monde et la mort en bout de course.
De temps en temps, quelques rais de lumière, de poésie et de gourmandise traversent ce chaos et nous donnent à rêver, à croire en cette fugitive illusion qu'il y a un sens à vouloir tenir debout, aimer, avancer, se perdre dans des archipels ou sur des chemins...
Nous vivons une époque moderne qui n'a peut-être pas changé dans bien des aspects depuis la nuit des temps. Certes on pourrait prétendre que certains hommes n'ont pas eu besoin qu'on les ensorcelle pour qu'ils se transforment d'eux-mêmes en pourceaux, mais n'est-ce pas plutôt un pouvoir,- non pas magique mais improbable, celui de quelques femmes mortelles et d'une volonté farouche bravant les oracles, qui aura su vaincre l'impunité derrière laquelle ils s'étaient drapés et se sentaient protégés ?
Et puis, n'avez-vous pas eu, certains d'entre vous, l'impression ces tous derniers jours d'être comme Ulysse approchant à quelques kilomètres à peine des côtes d'Ithaque, entrevoyant sur la frange de l'horizon les contours d'un rivage somptueux, et brusquement d'être refoulés par une maudite vague vers le large, une méchante vague appelée « réforme des retraites »... Mais je divague...
Et puis il y a ces mythes éternels dans lesquels nous puisons des allégories vieilles comme le monde, Prométhée, Sisyphe, Orphée, Pandore, Tantale... Mais que savons-nous d'eux et de leur histoire, en vérité ?
Enfin il y a l'imaginaire, peut-être et avant tout. Et ça, l'imaginaire c'est mon philtre d'amour...
Ainsi, j'ai poussé ma barque vers l'île d'Ééa... Je m'apprêtais peut-être à faire venir enfin une divinité immortelle dans mon panthéon littéraire. Certes il y avait déjà Anna Karénine, Emma Bovary, Jane Eyre... toutes devenues immortelles à leur tour par la magie de la littérature. circé n'aurait qu'à bien se tenir et faire sa place parmi les copines, après tout elle n'avait pas le monopole de l'immortalité...
Dans ce récit convoquant une cohorte de personnages, j'y ai découvert un casting fabuleux, des Dieux, des Déesses, des Nymphes, des Titans, des héros revenant de la guerre de Troie, des figures que je connaissais déjà, mais dont je ne savais pas faire la relation entre les uns et les autres... Et parmi cette aréopage de gens très bien comme il faut et tout à fait respectables, elle se tient là figure magnifique, imposante et fragile, personnage féminin tissant les liens, donnant sens à cette épopée universelle, seule parmi tous...
Il y était aussi question d'un fameux labyrinthe et son Minotaure. Je me suis alors rendu compte que de précédentes lectures telles que La maison des feuilles de Mark Z. Danielewski et Fictions de Jorge Luis Borges, qui s'en étaient fortement inspirés, m'avaient conduit naturellement vers circé.
Les Dieux de l'Olympe seraient-ils donc un jour tombés sur la tête ? Ce n'était pas assez de se jouer de nous, pauvres humains, comme avec des marionnettes, tirant les fils parfois emmêlés, jouant notre destin à coup de dés jusqu'à s'en délecter, ils avaient créé aussi d'étranges divinités dites inférieures, demi-dieux, mélange d'eux-mêmes dans l'immortalité et ressemblant à des êtres humains dans cette apparence fragile qui fait peut-être notre force. Elle fait partie de ceux-là, circé...
Homère peut aller se rhabiller, Madeline Miller en a fait un personnage féminin qui force le respect, si ressemblante, dans sa condition de femme, à l'être humain qu'elle ne sera jamais, condamnée à ne jamais trouver l'amour, avisée, fragile, doutant, se trompant, agissant, mettant ses sentiments à vif dans une générosité auprès des siens et des mortels qu'elle a appris à aimer...
Madeline Miller fait de circé un personnage féminin à part entière, on oublierait presque qu'elle est une divinité immortelle.
Aurais-je aimé la rencontrer ? J'en ai un peu rêvé, je dois vous l'avouer... Mais qu'aurais-je pu, - moi pauvre lecteur mortel, trouver pour la séduire ? Je n'ai pas la beauté d'Apollon... Je n'ai pas la sagesse d'Hermès... Je n'ai pas l'ingéniosité de Dédale... Je n'ai pas la musculature d'Ulysse... Je ne savais que raconter des histoires... Et là j'ai pris conscience qu'il fallait jouer de modestie avec les divinités, même inférieures, pour ne pas heurter leur susceptibilité. Disons plutôt que je tentais de raconter des histoires...
« Madame, cria l'une des nymphes remontant du rivage, un homme vient d'accoster sur l'île avec son embarcation, un sinagot...
- Un sinagot ? fit circé intriguée.
- Oui, fit la nymphe, c'est un petit voilier breton.
- Et que nous vaut la visite de ce marin breton ?
- Il prétend qu'il peut raconter des histoires...
- Tiens donc, voilà que nous pourrions trouver ici un fort divertissement pour rompre ce mortel ennui... Fais le monter dans le palais et prépare lui une chambre, il sera notre hôte au dîner de ce soir... »
La chambre était confortable, il y avait une vue imprenable sur l'océan. Une autre nymphe vint me chercher et je me retrouvai brusquement dans une immense pièce face à circé. Elle était fidèle à l'image que je me faisais d'elle, avec peut-être quelque chose en plus, une sorte de bonheur triste qui s'affichait dans son regard... Elle me dévisagea longuement de la tête aux pieds, sous toutes les coutures, s'approchant, tournant autour de moi. Cela en devenait gênant. Je sentais bien que venir après Ulysse n'était pas forcément à mon avantage...
Elle m'invita à m'asseoir près d'elle sur un large canapé...
Une nymphe vint nous servir une boisson. Je ne sais pas pourquoi, j'ai eu quelques réticences, il y avait sans doute une mauvaise réputation qui courait autour de la dame...
« Alors comme ça tu sais raconter des histoires...
- J'essaie, madame.
- Ne sois pas modeste. Tu imagines ? si Ulysse m'avait répondu : j'essaie de naviguer, j'essaie de combattre... J'essaie de... »
Son ton était persifleur. Elle se mit à rire, d'un air moqueur. Les autres nymphes autour d'elle l'ont imitée. Ça s'emboîtait mal, cette aventure.
« Allons, raconte-nous une histoire... fit-elle d'une voix plus avenante.
Je réfléchis longuement... Je fouillais dans ma mémoire, je fermais les yeux cherchant à visionner mon répertoire. Une histoire des p'tites poules ? Non peut-être pas. L'histoire de Princesse Prout ? Je crois bien que cela aurait été d'un mauvais goût... Une histoire de Bouffanges ? Ah tiens pourquoi pas ! Une histoire de zombies alors, ça lui aurait bien plu j'en suis sûr... Des monstres devenus immortels. Et puis je me suis ravisé, me rappelant quelques mauvais souvenirs qu'elle avait eu avec des monstres... Je ne devais pas à mon tour tomber de Charybde en Scylla...
- Alors, fit-elle redevenant impatiente.
- Ça y est, j'ai trouvé, j'ai répondu en retrouvant ma sérénité. Je vais vous raconter un récit magnifique écrit par Madeline Miller, il s'appelle circé.

Merci à Sandrine (HundredDreams) de m'avoir donné envie de venir m'échouer sur l'île d'Ééa, grâce à son magnifique billet.
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Depuis toute petite, j'ai une affection toute particulière pour les contes mythologiques. L'Iliade et l'Odyssée ont fait partie de mes livres de chevet, lus et relus. Certains personnages féminins avaient ma préférence et parmi eux, la grande magicienne circé, évoquée dans l'Odyssée d'Homère.

Madeline Miller reste assez proche de l'épopée homérique, mais elle fait de cette magnifique héroïne, un personnage très moderne en dressant le portrait d'une demi-déesse, à la fois femme, maîtresse, épouse, mère.

*
Nous faisons la connaissance de circé alors qu'elle n'est qu'une jeune enfant naïve. Fille du plus puissant des Titans, le dieu du soleil Hélios, et de la belle océanide Perséis, elle est une enfant délaissée, étrange et mystérieuse. Malgré la position élevée de son père, elle n'est qu'une petite nymphe mineure qui ne possède ni la puissance et l'insensibilité de son père, ni le charme froid et envoûtant de sa mère.

Attirée par les mortels, c'est en voulant aider l'un d'entre eux qu'elle découvre ses dons en sorcellerie. Elle ne les mesure pas encore vraiment, mais s'attire la colère de Zeus qui redoute ses pouvoirs grandissants.

« Tu oses me contredire ? Toi qui ne sais pas allumer la moindre flamme, ni invoquer une seule goutte de pluie ? La pire de mes enfants, terne et abîmée, dont aucun homme ne me débarrassera jamais, même si je le paie. Alors que je t'ai prise en pitié et tolérée depuis ta naissance, tu es devenue désobéissante et fière. Vas-tu t'arranger pour que je te déteste encore davantage ? »

Bannie sur l'île déserte d'Eéa, circé va perfectionner sa connaissance des plantes, sa maîtrise des poisons et des sorts, apprivoiser les bêtes sauvages, croiser la route de marins et de guerriers intrépides et brutaux, métamorphosant en créatures monstrueuses ou en bêtes ceux qui lui veulent du mal.

« La sorcellerie ne s'apprend pas. On la trouve soi-même, ou pas. »

*
Madeline Miller est une autrice passionnante, captivante.
Elle a accompli un immense travail de recherche pour développer son personnage, tout en élargissant le cadre du récit vers d'autres personnages. Elle offre, de ce fait, différents regards sur sa personnalité, sur le monde plein de dangers dans lequel elle vit.

Ainsi, à l'histoire de circé, s'entrecroisent et se mêlent d'autres histoires, toutes plus passionnantes les unes que les autres, celles de Prométhée, de Dédale et Icare, du Minotaure, de Scylla, de Jason et de sa nièce la magicienne Médée, de Pénélope et d'Ulysse bien sûr.

*
Bien que circé ait un côté sombre, elle est aussi une femme généreuse, aimante, fière, intelligente, profondément humaine.
Loin des clichés modernes de la méchante sorcière au nez crochu et pustuleux, la séduisante circé est un personnage complexe et équivoque dont l'auteur souligne parfaitement la dualité. J'ai aimé naviguer dans ses pensées, effleurer sa douceur autant que sa puissance, osciller entre sa fragilité et son courage, partager sa solitude autant que son besoin d'attention et d'amour.

« J'avais éliminé l'essentiel de la lâcheté en transpirant un bon coup. Une étincelle joyeuse l'avait remplacée. Je ne serais plus un oiseau en cage, trop borné pour m'envoler alors même que les portes sont ouvertes. »

*
Dans un monde dominé par la violence des hommes et l'arrogance des dieux, la magicienne est désignée comme une femme dangereuse, manipulatrice, séductrice et peu vertueuse qu'il faut briser, soumettre et vaincre absolument. Elle leur fait peur.

« Il semble que punir les femmes soit le passe temps favori des poètes. Comme s'il ne pouvait pas y avoir d'histoire à moins que nous rampions en pleurant... »

En intégrant au récit ses pensées les plus intimes, la magicienne nous apparaît très proche, et on ne peut qu'être sensible à son combat, à sa force de caractère.

« Bien que toute ma vie n'ait été qu'opacité et profondeurs, je ne faisais pas partie de cette eau sombre. J'étais simplement une créature vivant de l'intérieur. »

Le lecteur voit peu à peu son caractère évoluer et s'affirmer. Autrefois victime, rudoyée, méprisée, rejetée et humiliée, circé s'émancipe peu à peu jusqu'à devenir déterminée, puissante et crainte. Je me suis attachée à cette femme. Je l'ai suivie sans hésiter, au fond de l'océan, dans la solitude d'Eéa, à la rencontre de Scylla et du Minotaure, redoutable, audacieuse, patiente, sincère, fidèle à ses principes, libre quoi qu'il lui en coute.

En cela, elle s'oppose à la vertueuse et douce Pénélope. C'est intéressant d'assister à leur rencontre et de les voir s'apprivoiser.

« On affirme souvent que les femmes sont des créatures délicates, comme les fleurs, les oeufs et tout ce qui peut être écrasé dans un moment d'inattention. Si je l'avais jamais cru, ce n'est plus le cas désormais. »

Si circé m'a totalement envoûtée, j'ai aimé aussi ma rencontre avec Prométhée et Dédale. Ils se détachent des autres hommes par leur bonté.

« Néanmoins, dans une existence solitaire, il existe des moments rares où une autre âme plonge tout près de la vôtre, comme les étoiles qui s'approchent de la terre une fois par an. Pour moi, il (Dédale) avait été ce genre de constellation-là. »

*
« circé » est magnifiquement écrit. J'ai ressenti comme un rythme poétique, une mélodie comme une vague douce et puissante qui m'a envoutée, chavirée, absorbée, emportée.
Madeline Miller a su la dépeindre dans toute sa complexité, dans ses qualités comme dans ses défauts, dans ses forces comme dans ses faiblesses, dans son humanité comme dans sa fragilité.

Mais, ce qui fait encore le charme et la force de ce récit, c'est le côté onirique et envoûtant du récit contrebalancé par le ton employé par circé.
Le timbre de sa voix, plein de nuances, même s'il laisse transparaître des notes nostalgiques et tendres, est souvent ironique, sarcastique.

*
Pour conclure, "circé" est une magnifique histoire de femme, d'amour, de vengeance, de perte, de pardon. Je connaissais en partie les récits évoqués, mais j'ai aimé cette héroïne particulièrement attachante dont le regard féminin pose un regard inflexible sur le monde des hommes.

Si vous aimez la mythologie grecque, je vous recommande cette magnifique histoire.
Un joli coup de coeur.
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4 ans que ce livre était dans ma PAL !

Je l'avais acheté suite à tous les avis dithyrambiques de l'époque et après j'ai eu peur de le lire ou plutôt d'être déçue par sa lecture ! J'adore la mythologie grecque et je lis régulièrement Homère, Ovide, Sophocle, Eschyle et Euripide... alors je redoutais une certaine "facilité" (un truc trop romancé) dans la réinterprétation du mythe de circé par Madeline Miller.

Et bien que nenni ! Contre toute attente j'ai ADORÉ la circé de Madeline Miller et c'est même un énorme COUP DE COeUR !

Madeline Miller est une tisseuse (d'histoires) digne de Penélope... elle a remis son livre sur le métier pendant 7 ans pour que la trame en soit parfaite !

Et la mieux placée pour en parler, c'est Madeline Miller elle-même. Voici quelques extraits d'une interview qu'elle a accordée à Mélina Juin pour la revue 🐘 l'éléphant (mars 2021) :

"Le Chant d'Achille et circé sont nés du désir de faire la lumière sur des éléments présents dans les textes originels, mais ayant été par la suite omis, ignorés ou oubliés."

"J'ai choisi circé car j'ai été attirée par sa sorcellerie. C'est une nymphe, l'échelon le plus bas dans la hiérarchie des dieux grecs : son pouvoir n'est pas issu d'un privilège divin mais d'un travail acharné et d'un grand dévouement. Cela m'a semblé être une métaphore du processus créatif. Comme pour Achille et Patrocle, je me sentais frustrée de l'injustice avec laquelle elle avait été traitée. Dans l'Odyssée, c'est un personnage très secondaire, et pourtant extrêmement intéressant ! Ulysse, qui raconte l'histoire, parle d'elle d'une façon très objectivante – il n'a de cesse de répéter qu'elle est belle et mystérieuse, mais n'explique jamais ses motivations. J'avais envie d'en dire plus à son sujet : qui est-elle ? Pourquoi change-t-elle les hommes en cochons ?"

"circé est une sorcière, et derrière ce terme se cache toujours la même idée : celle d'une femme ayant acquis plus de pouvoir que ce que la société ne tolère. C'est une idée qui est déjà présente dans le texte d'origine car circé, qui a acquis la maîtrise des plantes et de leurs pouvoirs, a été bannie et exilée sur une île. La peur et la misogynie qu'inspirent les femmes puissantes ont indéniablement influencé les différentes interprétations du personnage, qui a été diabolisé au fil des siècles. Dans le texte originel, circé est d'une grande aide pour l'équipage d'Ulysse, mais les versions ultérieures n'ont retenu qu'une déesse-magicienne terrifiante qui transforme les hommes en animaux sans raison. En oubliant sa bienveillance, ces relectures nous disent : « Attention, voilà ce qui arrive quand une femme devient puissante : elle vous transforme en cochon ! »"

"... les mythes sont intemporels car ils sont malléables. Chaque génération peut les réécrire, les redécouvrir, les développer… Ils ont une capacité infinie à se réinventer pour refléter le moment présent. Certains des éléments que j'ai utilisés pour écrire circé n'étaient pas dans le texte originel – je les ai interprétés depuis mon point de vue contemporain, et je pense que c'est tout à fait légitime. C'est ce pour quoi les mythes sont faits ! Et ce n'est pas nouveau : dès lors que l'Iliade et l'Odyssée ont existé, elles ont été contées, racontées, modifiées… La tradition de la réinterprétation des mythes est aussi vieille que les mythes eux-mêmes."

À mon sens, Madeline Miller a saisi l'universalité de ce que c'est d'être une femme aujourd'hui et elle a réussi le tour de force d'écrire un livre qui est accessible sans pour autant oublier d'être complexe !


circé de Madeline Miller, traduit par Christine Auché
GF : Éditions Rue Fromentin
Poche : Éditions Pocket

PS 1 : L'interview de Madeline Miller par Mélina Juin pour la revue 🐘 l'éléphant (mars 2021) est passionnante et disponible sur le net :
https://lelephant-larevue.fr/thematiques/madeline-miller-la-profondeur-des-mythes-vient-de-la-multiplicite-des-interpretations-quils-permettent/

PS 2 : Madeline Miller a annoncé avoir terminé un nouveau livre : Perséphone
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Ce que j'ai ressenti:

▪️circé, femme d'action.

« Quand je suis née, le mot désignant ce que j'étais n'existait pas. »

❤ circé ❤ . Pas un seul mot pour la désigner, mais plusieurs: Nymphe, Déesse, Magicienne, Sorcière. Tant de féminité et de pouvoir dans cette figure de la mythologie, qu'elle en devient éblouissante. Une héroïne moderne dans un univers de dieux impitoyables et d'hommes assoiffés d'aventures, qui se réinvente et prends en main son destin. Une femme forte, courageuse qui fera plier rien de moins qu'un dieu, un monstre invincible et toute une palanquée d'hommes avides, à la seule force de sa volonté. circé la rebelle, ne veut pas de ce monde où les dieux déterminent la destinée des mortels, dictent la conduite des demi-divinités, imposent leurs caprices. circé veut un monde où elle aurait une place, une fonction et elle travaillera à cela, jour et nuit s'il le faut, pour être une Pharmakis. Admirable circé. Quand je vous le dis, une femme éblouissante…Forte, moderne, éternelle…

Je pensai: Je ne pourrai pas supporter ce monde un instant de plus.
Alors fabriques-en un autre, mon enfant.

▪️circé ou le pouvoir des fleurs.

Rien qu'avec cette magnifique couverture de chez Pocket, on saisit déjà toute l'importance des fleurs dans cette histoire. En plus, pour ne rien gâcher, il sort au mois de mai, le moment où la nature sort ses plus beaux trésors de terre, et nous inonde de parfums et de couleurs. J'ai pris le temps de lire circé, beaucoup de temps et de plaisir, à lire et à relire des passages. Durant tout le mois de mai, j'ai redécouvert le charme de l'Odyssée et me suis délectée de cette histoire mythologique revisitée et je n'aurai jamais imaginé meilleur moment pour cette lecture, pour être encore plus dans l'ambiance de ce roman. Une lecture donc au plus proche de l'environnement, entre contemplation et pouvoir magique. Je dirai même envoûtante comme si dans ces lignes, les sortilèges et le pouvoir de la poésie de Madeline Miller, m'avait ensorcelée…Un roman d'aventures et de passions! Un roman aussi qui résonne féministe et prône plus de bienveillance. circé, ce n'est pas qu'une jolie fleur dans un coin d'histoire, c'est une magicienne audacieuse avec de l'empathie, une mère protectrice, une amante passionnée, une sorcière redoutable, une femme libre. Pour les siens et pour ses choix, elle n'hésite pas défier les dieux, inventer mille sorts, communiquer avec la faune et la flore, risquer sa propre vie…Une fleur qui s'épanouit à force de courage et d'amour, de confiance et de sérénité, circé, la mauvaise graine, se révèle être la plus éclatante des éclosions de ce mois de mai.

« Il est difficile de décrire ce qui arriva ensuite. Une certitude monta dans les profondeurs de mes veines: elle murmurait que la force de ses fleurs résidait dans leur sève, qui transformerait n'importe quelle créature en son moi véritable. »



▪️circé, une héroïne à découvrir ou redécouvrir.

Madeline Miller nous embarque au coeur de la mythologie grecque, dans les mondanités de l'Olympe, et autres secrets divins. En faisant rejaillir cette belle circé, on est pris dans les flots des rivalités tragiques, on plonge dans les amours interdits, on nage dans le bonheur de voir revivre toutes ses figures d'un temps passé. circé n'est pas seulement la femme qui transforme des hommes en porcs, non, elle est une puissante sorcière et une femme inspirante, à l'heure de nos jours. Il m'a été difficile de la quitter, de tourner la dernière page du livre, de poser mon ressenti, tellement j'ai été touchée par cette lecture. circé est un coup de foudre, un coup de coeur et sans doute, une de mes héroïnes préférées à l'heure actuelle. Mon coeur s'est ouvert pour circé, et je la garderai, à jamais, dans le jardin de mon imagination.

Y a-t-il un moment où un coeur s'ouvre?



Ma note Plaisir de Lecture 10/10
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Je meurs d'envie de vous relater les péripéties épiques de ce roman qui ne m'a pas seulement dépaysé mais qui m'a aussi démillésimé où j'ai côtoyé les Dieux, étreint les Déesses et guerroyé avec les Titans…
Tiens bon garçon, n'écoute pas le chant des sirènes, ne raconte pas que Prométhée qui pour avoir donné le feu au mortel a été enchaîné à un pic rocheux où un aigle lui mange le foie chaque jour et qui chaque jour se régénère.
Ne parle pas de Scylla aux six têtes et aux douze pattes pendantes qui dévorent les marins qui approchent de sa grotte.
Surtout n'explique pas que Pasiphaé, sorcière et épouse de Minos roi de Crête a donné naissance au taureau blanc, le Minotaure, toutefois sa fille Ariane a aidé Thésée à le tuer et à sortir du labyrinthe.
Ne dévoile pas que Dédale retenu en Crête par Pasiphaé a construit des ailes collées à la cire afin qu'Icare son fils s'évade mais qui en volant trop près du soleil a fait fondre la cire et s'est abimé en mer.
Enfin, ne retrace pas l'histoire d'Ulysse fier de ses triomphes et rongé par ses désillusions qui a soutenu durant treize ans le siège de Troie et qui revient désabusé sur son Ile d'Ithaque pour retrouver sa femme Pénélope et son fils Télémaque.

En fait, ces quelques phrases ne sont que des bribes de Mythologie glanées par les années mais enfouies en parcelles par le nul que j'étais.
Depuis que j'ai rencontré circé la sorcière, la fille d'Hélios, Dieu du soleil et de la nymphe Persé, recluse sur son île d'Aéaéa pour avoir affronté les Olympiens, tous ces mythes ont pris du sens et de l'épaisseur, se sont cristallisés dans ce roman dont circé est le coeur et quel coeur ! Aimée de Dédale, d'Ulysse et d'Hermès, elle comblera les uns de ses protections, de ses charmes et de ses baumes et détruira les autres par ses poisons, ses drogues et ses sorts.

Ce roman est passionnant, l'écriture de Madeline Miller possède la modernité que naïvement je n'associais pas à ce genre de récit. Je me suis régalé à perdre mes repères avec les nymphes, les déesses et les naïades, j'ai eu le privilège de combattre des monstres et des sorcières, protégé par des oracles et finalement j'ai donc généré ma propre Odyssée.
J'ai achevé ce livre les yeux dépoussiérés d'étoiles.

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La mythologie grecque ne compte dans ses rangs que deux sorcières, circé et Médée. Si elles possèdent des pouvoirs magiques quelque peu redoutables, leur apparence n'a toutefois rien d'effrayant. Elles sont jeunes et ravissantes. Madeline Miller a jeté son dévolu sur la première des deux pour nous faire partager sa vie. Une partie infinitésimale de celle-ci dois-je préciser car en sa qualité de déesse sa vie ne saurait connaître de fin. Et à l'heure où j'écris ces mots peut-être circé me regarde-t-elle de je ne sais quelle hauteur, peut-être est-elle penchée sur mon clavier à s'intéresser à ce que je pourrais dévoiler de ses péripéties affectives. Aussi dois-je prendre garde de ne pas la vexer.

Ce bout de chemin que Madeline Miller nous propose en sa compagnie nous projette dans un monde où le fantastique et le réel sont intimement liés. Un monde que nous relate les premiers poètes grecs, lesquels envisageaient des dieux à leur image, non seulement d'apparence mais aussi de comportement. Une façon de les apprivoiser, de se rassurer surtout, en leur prêtant des défauts et qualités bien connus d'eux et fidèlement transmis à nous autres leurs descendants. Car il faut préciser que de tous temps, aussi puissants et omniscients qu'ils pussent être, les dieux n'en étaient pas moins dangereux dans leurs colères et donc craints des mortels, dont le modeste représentant que je suis.

circé a été bannie et condamnée à l'exil sur l'île de AEaea, où elle réside peut-être encore. Telle fut la sentence de son père Hélios, dieu du soleil, lequel avait tenu conseil avec Zeus, après que celle-ci eût fait absorber à la nymphe Scylla, sa rivale de coeur, un philtre qui la transforma en monstre hideux à six têtes et tentacules. Je prendrai donc garde à ce que j'absorberai après avoir publié cette chronique.

Expatriée en face de Charybde elle fit du détroit (de Messine) l'écueil redouté de tous les marins et accessoirement l'origine du dicton dont on use encore de nos jours : tomber de Charybde en Scylla. Éviter un péril pour succomber à un autre. circé n'en était d'ailleurs pas à son coup d'essai pour provoquer la colère de ses illustres parents. N'avait-elle pas auparavant tenté d'adoucir le sort de Prométhée, lui-même condamné au supplice par Zeus pour avoir donné le feu aux hommes. Je lui dois donc de pouvoir faire quelques grillades sur mon barbecue, mais là encore point trop n'en faut, au risque d'attirer les foudres de Zeus.

Une affaire de coeur est donc à l'origine du triste sort de circé dont Madeline Miller a décidé de nous entretenir, à mon grand plaisir de lecteur aux jours comptés. Car figurez vous que les dieux et déesses de la mythologie grecque éprouvent des sentiments et convolent entre eux sans préoccupation d'inceste et consanguinité mais pas seulement, ils ou elles convoitent aussi les faveurs des mortels, sans préoccupation de chronologie cette fois, car leur temps n'est pas le nôtre forcément. Avec donc la certitude de voir leurs amours se dissoudre dans l'éternité divine, petite fenêtre de concupiscence contre un espoir fou pour l'élu(e) d'accéder à l'immortalité. circé convoitait le coeur du modeste pêcheur Glaucos, en fit un immortel.

A ce propos circé si tu me regardes…
Non, bon, c'était juste une suggestion comme ça !

Mais pour en revenir à Glaucos, devenu immortel mais ingrat, ce dernier se laissa tenter par les charmes de Scylla. Pour le plus grand déboire des deux rivales et de nombre de ceux qui, en victimes expiatoires, croisèrent la route de chacune d'elles. C'est ce qu'on appelle des dommages collatéraux.

L'exil de circé sur son île sera toutefois adouci par quelques visiteurs. Au rang desquels Hermès, avec qui elle réchauffera sa couche, mais certes pas son coeur. Car le messager des dieux, que certains présentent comme ancêtre d'Ulysse, avait une attitude quelque peu ambiguë, voire déloyale vis-à-vis de l'exilée. Jason y fera escale aussi, de retour de sa quête de la toison d'or. Mais c'est surtout le héros de l'Odyssée dans son périple de retour vers sa chère Pénélope qui s'autorisera quelques mois de repos auprès de circé et conditionnera par là même une part de son avenir, dont on apprécie mal la durée tant il est confus de s'imaginer ce que peut-être l'avenir d'un immortel.

On a compris qu'Ulysse ne sera pas aussi fidèle que sa tendre et chère dont on connaît le stratagème pour repousser les prétendants convaincus de la disparition du héros de la guerre de Troie. Il faut bien dire qu'ayant provoqué le courroux de Poséidon, il était encore loin du terme de son errance sur les mers. Il quittera cependant circé sans savoir que le fruit de leurs amours sera un fils, Télégonos. Madeline Miller n'évoque que celui-là dans son ouvrage quand d'autres références mentionnent une filiation plus prolifique avec le roi d'Ithaque. Mais les sources de la mythologie étant ce qu'elles sont, les interprétations peuvent être diverses et contradictoires et donc aussi fantaisistes que plausibles.

"L'un de nous doit avoir du chagrin. Je n'allais pas accepter que ce soit lui". Voilà des propos empreints d'un amour tout maternel mis dans la bouche de circé à l'égard de ce fils bâtard d'Ulysse lorsque la puissante Athéna, également aussi belle que redoutable, réclama son tribut en compensation de la mort de son protégé, Ulysse. Cet épisode nous fait toucher du doigt l'humanité avec laquelle Madeline Miller s'est intéressée au sort de circé. Il nous ouvre sur la somptueuse dramaturgie en forme de réhabilitation d'une sorcière, car si l'on en croit cette auteure, circé n'avait de démoniaque que ses pouvoirs surnaturels et non les intentions malfaisantes que notre culture moderne serait tentée de lui attribuer. Ses écarts n'étaient que la conséquence d'un coeur en proie aux déboires d'une sensibilité toute féminine.

C'est ainsi qu'en recevant en son île Pénélope devenue veuve et son fils Télémaque, l'auteure nous offre une belle passe d'arme chargée d'émotions entre ces deux femmes, toutes deux mères d'un fils d'Ulysse. L'ouvrage déjà riche en péripéties que l'on imagine dans la fantasmagorie mythologique connaît un sursaut digne d'une tragédie classique dans lequel le devoir s'oppose à l'amour, filial celui-là. le sacrifice d'une mère, fut-elle déesse, pour un fils mortel. Une éternité de chagrin donc pour un fils qui sur terre ne fait que passer. Voilà bien la preuve que l'amour ne connaît d'échéance que la mort de celui qui l'éprouve. Et lorsque celui-là est immortel, l'amour l'est autant.

Magnifique ouvrage de Madeline Miller qui offre aux fervents des mythes et légendes une page d'émotions affranchie des contraintes du temps.

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Dans le Top-5 de mes lectures de 2020. circé raconte l'histoire de la mythologie grecque, allant jusqu'au delà de l'Odyssée, du point de vue de circé.

Madeline Miller maitrise parfaitement bien son sujet. Elle tire ses personnages tant des grecs que des latins et leur souffle une vie, une divinité, fascinante.

Presque toute l'histoire se déroule sur l'île où circé vit seule. Si vous cherchez un roman d'action, ce n'est pas le livre le vous. Mais croyez moi, malgré cela, on ne s'ennuie pas une seconde.

Lu en deux jours. Et je suis très lent, pour les romans, en temps normal.
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