Son cerveau, comme une éponge sèche, se gonfle des informations qu’il perçoit depuis ce monde avant le monde, depuis le seuil de cette porte qui le conduira dans quelques mois au point zéro de son existence terrestre. Les informations ne sont que violence, hurlements, terreur. Il perçoit les chocs, les vibrations des coups qui pleuvent sur sa mère. Les prémices de son destin s’articulent lentement dans sa gangue de chair et de sang, les balbutiements de sa vie prochaine, cette vie de criminel, celui qu’il deviendra…
Il absorbe les sons, les vibrations, les clameurs, la douleur, le sang.
Il entend la musique. Il danse au rythme des pas de sa mère, au rythme de son existence, au rythme de ses cauchemars. Il nage dans la tiédeur du liquide amniotique, en cadence, à mesure que ses songes s’égrènent, ces visions dans lesquelles baignent tant d’horreurs.
Il est inerte. C’est un embryon de quatre semaines qui sommeille dans le ventre de sa génitrice, un zygote évolué qui cherche à se développer comme s’il devait déjà sauver sa peau au détriment de celle des autres.
Non, il ne sait même pas qui il est, car il n’est pas encore né. Il mesure à peine dix millimètres et ressemble à un ver de farine recroquevillé sur lui-même.
Rien de ce à quoi il est prédestiné ne lui effleure l’esprit ; aucune image ne le frappe, ni le sens des mots « mort » ou « vie » ; absolument rien de son héritage génétique de futur meurtrier ne provoque de réaction en lui.
Son nom, qui deviendra tristement célèbre, il ne le porte pas encore. Il ne sait pas qui il est, il ne sait pas qu’il mutera plus tard en un redoutable prédateur, un tueur sanguinaire, froid, un tueur qui aimera répéter cet acte abominable qui consiste à briser des existences.
Blake memoria/in utero
Il ne sait pas encore comment il va s’appeler, ni même ce que sera son avenir.
l avait toujours ressenti une aversion particulière pour ce géniteur qu'il n'avait plus jamais revu après son exil au cœur de la vie sauvage. Qu'avait-il représenté à ses yeux, tout au long de ces années ? Un être qui lui avait donné la vie ? Une créature qui avait ensemencé sa mère pour y créer une entité hideuse, inhumaine, telle l'ignoble bête qu'il était devenu ? Oui, probablement, son père n'était qu'une paire de couilles venue arroser le jardin du mal, y faire fleurir une plante carnivore, une espèce cannibale qui avait, alors qu'elle n'était qu'un vulnérable embryon, dévoré le jumeau monozygote qui partageait l'œuf à ses côtés...
Ses actes criminels l'avait peut-être rendu plus humain, qui sait...
J’étais excité, fou de désir de le goûter ainsi, de l’avoir en bouche de cette manière. J’ai bouffé ses couilles et sa queue frites à la poêle, avec un petit filet de vinaigre balsamique et j’ai a-do-ré !