Montety Etienne de – "
La grande épreuve" – Stock, 2020 (ISBN 978-2-234-08841-2) – format 22x14cm, 300p. – Grand prix du roman
De l'Académie Française, 2020.
NB : d'après la quatrième de couverture, l'auteur dirige la revue "
Le Figaro littéraire".
Le récit s'inspire d'un fait réel : le 26 juillet 2016, à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine Maritime), le père Jacques Hamel (85 ans) est assassiné et décapité dans son église, à la fin de l'office matinal ; les deux assassins (âgés de 19 ans) sont abattus sur place par la police, ils se réclamaient de "l'Etat Islamique".
En ce mois de février 2021, après l'assassinat de l'enseignant Samuel Paty (16 octobre 2020), le monde de la politicaillerie s'est emparé du thème de l'islamisme radical. Les débats se sont rapidement enlisés dans les discours alambiqués et tortueux habituels, pour finir par accoucher d'un projet de loi au titre tellement contorsionné qu'il ne signifie plus grand chose, tout en ratissant tellement large (bien-pensance oblige) qu'il va empoisonner la vie de gens n'ayant rien à voir avec le moindre agissement extrémiste : c'est la sauce habituelle des politicard(e)s, toujours champions dans l'art de dire et écrire tout et son contraire de façon à garantir ses arrières, tout en produisant un maximum de sauce médiatique...
Ce roman d'Etienne de Montety – bien écrit, bien mené – ne va pas apporter grand chose dans ce débat. L'auteur décrit les itinéraires menant à ce genre de désastre : deux jeunes paumés d'origine plus ou moins maghrébine, un prêtre exemplaire, des adultes bien-pensants ne voyant rien venir.
La réflexion la plus intéressante, mais hélas peu approfondie, réside dans les allusions à la quasi disparition aujourd'hui de ce qui constituait la colonne vertébrale morale et idéologique de la société française, à savoir l'Église Catholique Romaine et son enseignement. Jusqu'au milieu du vingtième siècle, cette Église jouissait en France d'un "monopole monolithique" typique des pays latins, inconnu dans le monde germanique et anglo-saxon, où sont implantées des églises protestantes occupant une place au moins égale à celle de l'Église papiste.
La principale faiblesse de ce roman provient justement de l'absence totale de réflexion sur cette question pourtant essentiel : comment cette Eglise a-t-elle pu littéralement se suicider au point de ne plus s'incarner aujourd'hui que sous forme d'églises et de cathédrales vidées de leurs fidèles, un clergé masculin célibataire viellardisant accusé des pires turpitudes pédophiles, une institution fossilisée refusant tout rôle pastoral important aux femmes qui représentent pourtant l'écrasante majorité des quelques fidèles encore mobilisables (les premières femmes pasteurs furent intronisées dès la fin du dix-neuvième siècle dans les églises protestantes).
Face à ce désastre cultuel autant que culturel, l'auteur ne peut que s'étonner de la vivacité spectaculaire du monde musulman, des salles de prière débordant dans les rues...
L'Église catholique romaine participa largement à l'intégration de l'immigration italienne, espagnole, portugaise, polonaise et même parfois africaine. Elle s'avère totalement inopérante face à l'Islam, surtout dans sa version "moderniste" de type "gentils animateurs de club-mèd" et ne constitue plus en aucun cas un facteur possible d'intégration pour des gens venant d'une religion aussi structurée et profonde que l'Islam.
Le récit est bien écrit, bien mené, mais il esquive la question de fond.
Décevant.