La grande épreuveEtienne de Montety
grand prix du roman
De l'Académie Française 2020
Stock, 300p
L'Académie décerne annuellement depuis 1914 ce prix, doté de 10.000 euros, afin de récompenser l'auteur du livre qui lui a paru le meilleur de l'année en cours.
Pour moi, mais je ne suis pas de l'Académie, ce n'est pas le meilleur. En raison du style. C'est un style plat, qui ne s'embarrasse d'aucun effet. Non pas un style de journaliste, mais l'écriture de qui se focalise sur un fait réel et récent (2016, le meurtre d'un prêtre d'une petite ville), dont la violence l'a frappé et qui se demande pourquoi un tel acte a été possible. L'événement de Nice en 2020 pose aussi cette question.
L'histoire, comme la mayonnaise, prend indéniablement. Bien qu'on la connaisse, on se demande comment elle a pu arriver, et le rythme qui va s'accélérant met à la fin le lecteur hors de souffle, lui qui veut suivre les personnages.
Ils sont cinq : Hicham, celui qui ne supporte pas que son père doive baisser la tête. C'est une blessure d'orgueil qui l'anime. Lui dominera. Il veut gagner de l'argent rapidement, ce qui lui vaut quelques séjours en prison où il se radicalise, et sa petite copine se lasse de ses incartades. le (très) jeune homme cherche ailleurs une oreille qui l'écoute. Daoud est aussi un tout jeune homme, fils adoptif de parents aisés, bourgeois, aimants. Il est né d'une mère algérienne. Quand la copine de sa petite amie le traite de beur, il reçoit le qualificatif en pleine figure, se laisse séduire par une couguar, mener à la mosquée par un copain du rugby. Il y trouve une sorte de paix, se sent bien au milieu de croyants. Il écoute nombre de sites djihadistes, et Montety ne se prive pas de les citer, sans qu'il soit inquiété par la police.
Le troisième personnage est d'ascendance vietnamienne. On l'appelle le Chinois. Lui, ce qu'il aime, c'est sa moto et aussi une fille qui pragmatique, souhaite qu'il ait un métier et l'inscrit au concours de police. Il interviendra contre les terrorristes.
S'ajoutent deux personnages beaucoup plus âgés, la petite soeur Agnès, qui est devenue religieuse assez tard, fille de bourgeois qui n'ont pas vu d'un bon oeil cette vocation. Elle sait que c'est par les femmes que le monde changera. Elle apprend ainsi à connaître de jeunes Maghrébines. Enfin, il y a le prêtre Georges le Tellier, un ancien instituteur qui exerçait en Algérie. Il a participé à la guerre d'Algérie, y a vu mourir un camarade qui le fascinait parce qu'il connaissait toutes les répliques de Cyrano. Cette mort l'a profondément troublé, il a lu Matinale de mon peuple, le livre du poète chrétien
Jean Sénac (1926-1973), qui a revendiqué son identité algérienne, et qui souhaitait un monde de beauté et de fraternité. Georges devient prêtre et ne se lasse pas de la Transfiguration. Montety rend très bien l'ambiance des années 60. le port du voile pose déjà question. Après 20 ans de prêtrise, il s'éprend d'une jeune paroissienne et se demande s'il est bien le prêtre dont Dieu a besoin. Il se met alors au service de ceux qui sont sur le point de mourir. Il prend aussi conscience qu'il a peu fréquenté les Musulmans.
Montety parle des affaires qui secouent l'époque, le burkini, le catholicisme mou, mou, mou, les églises qui se vident, les jeunes à la dérive attirés par l'Islam et que certains fanatiques prennent dans leurs filets, le respect que tout un chacun réclame à tout va. Aujourd'hui, le mot totem, ce n'est plus liberté, c'est respect. Tout le monde a à la bouche le respect, pour se justifier, tout le monde le brandit, pour défendre son mode de vie, ses convictions.
Comment on achète une kalashnikov sur Internet, comment on prend facilement contact avec Daech, comment on sert une cause qu'on ne comprend pas, comment on s'exerce à égorger un lapin ou un chat avant d'égorger un homme, comment on voit tranquillement des décapitations sur vidéo, comment on tue de façon barbare pour passer à la télé. Combien la motivation de l'épreuve paraît dérisoire, pourquoi ces jeunes s'offrent à la mort. C'est ce que Montety fait voir, et l'on comprend qu'il faut s'occuper de ces jeunes intérieurement blessés et qui ont besoin que des gens disposant d'une formation adéquate s'occupent d'eux. La mère de Daoud l'aime, elle sent bien que quelque chose de fort chamboule son fils, mais elle est impuissante à l'aider. Elle sait avant même qu'on le lui dise qu'un des assassins est son fils.
Et finalement quand on voit que l'on songe à la famille de le Tellier qui a perdu un être cher, que le policier tient à rendre hommage au prêtre, on se rend compte que les deux meurtriers sont oubliés. Déjà leur façon d'accomplir leur affaire en montrait tout le ridicule. Ce qu'on retient, c'est la barbarie et que l'islam n'est pas une religion qui réclame des atrocités. Ce qui pose question, c'est comment deux jeunes peuvent être amenés à devenir des meurtriers sanguinaires que cependant en mourant le prêtre aime.
le livre n'est sûrement pas un bon roman, tant par sa construction que par son style, mais il vaut parce qu'il revient sur un fait et oblige ainsi son lecteur à sortir de son indifférence et à réfléchir.