La légende de Hawkmoon, tome 3 : L'épée de l'aurore

Selon lui le paysage était codé. Il pensait trouver la solution de conflits intérieurs dont il n'était lui-même qu'à moitié conscient. Les lagunes sombres et les îles rousses lui apparaissaient comme autant de hiéroglyphes d'une langue primordiale.

La blonde madone des lagunes montée à cru sur un cheval blanc à corne de Kamarg et qui semblait une apparition surnaturelle dans sa longue robe bleu flottant au vent. Assaut d'une mystérieuse dessinée sur ses lèvres, comme si elle aussi connaissait un secret qu’il ne pourrait jamais vraiment partager.

— Ne dit-on pas la compagnie du lion moins redoutable à l’intérieur qu’à l’extérieur de sa propre cage ?
— Certes, mais il est plus sûr encore de vivre en un lieu où les lions n’existent pas […].

- Ma mission s'inscrit dans un vaste dessein ignoré de moi. Je suis l'esclave obligé de ma propre destinée. Alors même que je désire qu'un peu d'amour, un peu de paix et surtout tirer vengeance ceux qui ont ravagé la terre de mes ancêtres.

Habiles stratèges, guerriers au courage féroce, peu soucieux de leurs vies, corrompus et pervers, acharnés à semer la mort et la destruction, les barons de Granbretanne détenaient le pouvoir et la force mais ignoraient la moralité et la justice. L’étendard du roi-empereur Huon, leur souverain, flottait aux vents de toutes les régions d’Europe et le continent tout entier leur était soumis ; d’ouest en est, ils avaient porté leur sinistre bannière jusqu’aux lointaines contrées qu’ils prétendaient dominer également. Aucune force au monde ne semblait exister qui pût endiguer la démence de ce flot meurtrier. À vrai dire, nul ne songeait même à leur résister. D’un orgueil insolent, glacé et implacable, ils exigeaient des nations entières pour tribut et l’obtenaient si bien que des populations entières gémissaient sous le joug sanglant de ces hordes impitoyables.

Rien sur terre, aucune humanité, pas même la leur, ne trouvait grâce à leurs yeux, voilà ce qui faisait la force terrifiante des Seigneurs du Ténébreux Empire. La conquête de pillage, la terreur la désolation n'étaient qu'un jeu, une manière comme une autre de passer le temps en attendant la mort. Pour eux, guerroyer était encore le moyen le plus satisfaisant de tromper leur ennui.

— Son acharnement pourrait bien causer notre perte à tous, murmura l’un d’eux.
— Quelle importance ? Lança Shenegar Trott, si tout disparaît avec nous.
En échos à ses paroles, un rire sauvage monta de sous les heaumes luisants. Un rire de déments où à la haine de l’univers se mêlait la haine de leurs propres existences.

Flana de Kanberry était entièrement vouée à la satisfaction de ce club des villes, occupée à dissiper cette ombre d'étrange mélancolie qui habitait son âme, elle ne montrait aucune curiosité pour les affaires qui faisaient agiter ceux de ce rang. Beaucoup s'interrogeaient à son sujet, ils cherchaient à attirer son regard, à seule fin de déchirer le voile mystérieux qui l'enveloppait. Mais son beau visage, sa peau transparente, ses joues légèrement rosées, et ses grands yeux ombrés, dissimulait mieux encore que tous les masques tissés d'or une énigme impénétrable.

Une violente quinte de toux secoua le Français.
— Si Hawkmoon n’est que l’esclave de sa destinée, que devrais-je dire, moi ? Quel benêt je fais ! Affligé d’une santé déplorable, je me retrouve entraîné à l’autre bout du monde au service de ce mythique Bâton Runique. Enfin, je suppose que c’est ma manière à moi de tuer le temps !

Le guerrier d'or et de jais affirme que ma mission s'inscrit dans un vaste dessein ignoré de moi. Pour l'instant, je ne suis que l'esclave obligé de ma propre destinée. Alors même que je ne désire qu'un peu d'amour, un peu de paix et surtout tirer vengeance de ceux qui ont ravagé la terre de mes ancêtres, me voici au contraire errant à des milliers de lieues de l'endroit où je voudrais être, sur le point de partir de nouveau et à contre coeur en quête d'un autre objet mystérieux. Enfin, peut être un jour me sera t-il donné de comprendre....