Grace O'Malley

En Irlande, on peut se tuer à la tâche tous les jours de sa vie sans jamais arriver nulle part. On ne peut même pas léguer à sa femme et à ses enfants la terre que l’on a travaillée toute son existence. Alors qu’en Amérique, si l’on se donne à fond, on peut devenir propriétaire de sa terre, et offrir à sa famille le fruit de son travail.

La fortune et les honneurs m’accompagnent, la richesse durable et la vertu sont avec moi. Mon fruit est meilleur que l’or, même que l’or pur, et ma récolte que
l’argent le plus fin. Je suis la voie de la vertu, j’emprunte les chemins de la justice, pour offrir à ceux qui m’aiment la richesse, pour remplir leurs trésors.

Son visage était celui de mille Irlandais qu'elle avait connus, elle savait qu'il avait une pipe en terre dans la poche de sa veste, elle connaissait l'odeur boisée de whiskey de sa barbe, elle devinait qu'il y avait de la terre sous ses ongles et cent chansons dans son cœur...

Ses yeux se remplirent de larmes et elle se pencha en avant pour implorer le pardon de son mari.
Mais avant qu'elle ait pu ouvrir la bouche, il la frappa.
Durement, la main ouverte, avec tout le poids de sa colère. Sa tête partit en arrière et heurta la poignée en laiton de la portière. Elle leva les mains devant son visage, mais dans le noir, les coups semblaient pleuvoir de tous côtés.

- La chance? C'est une malédiction, tu veux dire ! Avoir un esprit acéré... et un corps trop abîmé pour l'abriter.

Ton chez-toi ce n'est pas cette maison ; ton chez-toi c'est l'Irlande toute entière.

Je ne quitterai pas l'Irlande, madame. Pas maintenant que j'y ai enterré les miens, mon fils et sa femme. J'ai dit à Dieu, si Vous me laissez en vie, donnez-moi au moins un travail. Et il m'a conduit ici, alors c'est ici que je resterai. Je serai enterré en Irlande avec ceux que j'aime.

Les portiers chassèrent les mendiants, la fillette comprise, et entraînèrent Grace et Bram à l'intérieur, dans un autre monde, feutré, opulent, délicatement parfumé par les immenses bouquets de fleurs déposés dans des urnes de part et d'autre de l'escalier grandiose qui s'élevait élégamment au centre du hall

Certains habitent dans les marais et d’autres dorment sur le bas-côté des routes. Des gens respectables se retrouvent obligés de vivre comme des itinérants, en pire, car ils ne savent pas mendier leur nourriture sans perdre leur fierté.

Mais plus nombreux sont les mariages qui commencent comme le tien. L’amour viendra, comme le dit ton père. Le châtelain devrait être sourd et aveugle pour ne pas succomber à ton charme, et nous savons qu’il ne l’est pas.