Qu'est-ce que
Carbone modifié ? Un cyber-polar écrit 20 ans après Neuromancien et 60 ans après le Grand sommeil. En effet,
Carbone modifié mélange deux mythologies et leurs clichés associés, en intégrant une idée neuve. Dans un futur où l'âme humaine se stocke dans un disque dur implanté dans la nuque et peut se télécharger après la mort dans un autre corps, un ancien soldat d'élite enquête sur le suicide d'un magnat, pour le compte de celui-ci, implanté dans un nouveau corps avec une sauvegarde vieille de 24h. du cyberpunk,
Carbone modifié reprend les Intelligences Artificielles, les univers virtuels, la biotechnologie, les ordinateurs; du roman noir, on récupère le héros dur à cuir, les femmes fatales, les passages à tabac, et les retournements de situation. le mélange n'est pas nouveau, d'autres avant Morgan l'ont tenté et réussi. le problème, c'est que Morgan en maîtrise mal les composants :
- cyber : toute l'ossature technologique du roman, et en premier lieu celle de numérisation de l'esprit, la nouveauté du roman, est gérée exactement comme la magie dans un univers de Fantasy. Cela existe, cela donne des possibilités, et on s'en sert pour l'histoire. Si ce n'est pas un "plot device", c'est a minima un élément de décor. le comment, les conséquences sociales, les limites, tout cela n'intéresse que peu Morgan, dont l'approche est du coup très différente de celle d'un auteur de SF.
- punk : en dehors de l'aspect élitiste de la numérisation de l'esprit et de son refus par les catholiques (un "plot device", car l'aspect spirituel n'est pas plus creusé que les autres considérations), rien de social ne transparaît dans le livre. Il y a bien un quartier populaire où l'on peut se rendre pour se procurer de la drogue ou des putes, mais en dehors de ça, on sait bien peu de choses sur le monde du 26e siècle, et son histoire encore moins.
- roman noir : là où le héros hard-boiled est torturé, avec des nerfs à fleur de peau, Kovacs ne souffre de pas grand-chose d'autre qu'un cauchemar récurrent, et cela ne l'empêche pas de tuer - définitivement - à tour de bras. Il viole la loi à chaque acte qu'il commet, mais il est tellement irrésistible que la fliquette intègre qui lui colle aux basques lui pardonne tout.
Ce salmigondis aurait pu être lisible si l'intrigue avait été intéressante, mais elle s'enlise dès le 3e chapitre, pour ne progresser qu'à chaque fois qu'un indice tombe tout cuit dans le bec du héros. Ses pouvoirs quasi-mystiques de déduction - pour lesquels il avait été recruté en premier lieu - ne se mettent en branle que dans les derniers chapitres, exactement comme dans Usual Suspects ou le 6e Sens.
Plombé par une intrigue mollassonne et maladroite et un univers peu crédible, le livre ne sera pas sauvé par ses scènes de violence et de sexe.
Lien :
http://hu-mu.blogspot.com/20..