Face aux ombres qui rôdent et aux nuits qui menacent, une hospitalité devenue universel et droit fondamental
Dans sa préface, publiée avec l'aimable autorisation des
Editions Syllepse,
Edwy Plenel parle du retour d'Ulysse et d'Eumée, « Lequel lui offre spontanément son hospitalité, sans hésiter ni barguigner, sans réserve ni condition ». Les êtres humains se déplacent, l'hospitalité offerte relève de notre humanité commune, « Faisant de l'homme qui se déplace l'envoyé du divin, cette vieille morale nous rappelle que le chemin du prochain passe par l'accueil du lointain, en d'autres termes que le souci de nous-mêmes, de nos solidarités et de nos fraternités, est en jeu dans notre relation aux étrangers qui viennent d'ailleurs. En somme, que l'hospitalité est l'épreuve de vérité de notre humanité ».
Le préfacier souligne que
Marie Laure Morin veut faire tomber « la frontière où s'est arrêtée la révolution qu'a constitué, avec la Déclaration de 1948, la proclamation de droits universels s'imposant aux États. Car, si son article 13 affirme la liberté de circulation, elle a laissé en jachère le droit d'immigrer, d'accéder et de s'installer dans un autre pays, qui ne relève d'aucune convention internationale ». La question des migrations et du droit des migrant·es montre que la révolution des droits des êtres humains n'est pas achevée, et que face aux obsessions anti-migratoire il convient d'imposer « le principe même de l'universalité des droits de la personne humaine », le droit d'avoir des droits pour toustes.
Edwy Plenel ajoute : « La révolution du droit que propose
Marie Laure Morin est la parade à cette catastrophe. En montrant comment consacrer le principe d'Hospitalité en droit fondamental, elle fait preuve d'une imagination juridique aussi politiquement décisive et fructueuse que le fut l'invention des notions de crime contre l'humanité et de génocide au mitan du siècle dernier ». Il s'agit donc de solidarité, de fraternité et de sororité, d'êtres humains hospitaliers, de droit…
Les mort·es aux frontières de l'Europe, l'hospitalité pour garantir la vie et sauvegarder la dignité humaine, les limites floues entre l'asile et l'exil. En préambule,
Marie Laure Morin souligne que « L'accueil accordé aux Ukrainiens montre qu'une autre voie est possible », le statut qu'il leur est appliqué « peut en effet préfigurer ce que l'hospitalité comme droit universel pourrait être pour tous ».
Je ne vais pas détailler les analyses et les propositions de l'autrice. La préface d'
Edwy Plenel et la postface de
Geneviève Jacques en soulignent les lignes directrices. Son entretien avec Basta (reproduit ci-dessous) illustre bien la souhaitable construction d'un autre droit des migrants et des migrantes.
« Donner à l'hospitalité une dimension juridique peut-il permettre de fonder un droit de l'accueil, ou plus largement un droit des mobilités humaines ? C'est à la réponse à cette question qu'est consacré le livre ».
Si certains points me paraissent discutables, comme par exemple les notions de « souveraineté de l'Etat » ou de « souveraineté nationale » qui ne sauraient se substituer aux débats autour de la souveraineté populaire et ses modes d'expressions ; l'ensemble est bien un refus non seulement les murs et les barbelés, les nationalismes identitaires, le mythe de l'invasion, mais surtout invitation aux propositions mobilisatrices pour une extension des droits des êtres humains au-delà de la liberté de circulation.
« on se sent réconforté par une approche juridique qui fait apparaître la référence à l'hospitalité non plus comme un idéal abstrait mais comme une utopie concrète susceptible de fonder de véritables alternatives aux politiques de non accueil et de peur de l'Autre étranger ! ». Dans sa postface,
Geneviève Jacques parle aussi d'imaginaires ravivés, de ressources pour alimenter les débats, des parcours d'exil et des maltraitances administratives et sociales, des dangers de l'« inhospitalité », de l'importance des mots, « Ce lui d'hospitalité est aux antipodes des propos cyniques de fermeture et de fermeté qui prétendent répondre à la sécurité alors qu'ils engendre en fait l'inhumanité »…
Le titre de cette note est inspirée du dernier paragraphe de la préface.
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