Birkenau, que ma mère nous traduisit approximativement par un "endroit où poussent des bouleaux", Birkenau, joli nom dont la résonance bucolique semblait en faire un lieu de séjour rassurant.
Le passé et le présent se mêlaient étrangement.
L'accueil du village, en dehors des quelques amis de toujours, fut indifférent, comme indifférentes avaient été les réactions lors de notre arrestation.
Les mois passaient avec toujours l'espoir que la guerre finisse, et que nous nous retrouvions tous ensemble comme avant.
Par la suite, plus jamais aucune nouvelle ne nous fut transmise, et la lueur progressivement s'éteignit comme une lointaine étoile qui meurt.
Pour nous préparer à nos nouveaux rôles, on nous apprit des prières. Je récitais: "Je vous salue Marie pleine de grâce..." mais je trouvais beaucoup plus drôle de dire: "Je vous salue Marie pleine de graisse... et de beurre..."
Elle vivait dans l'angoisse des événements, et en même temps dans l'espoir de nous retrouver.
Déjà plusieurs mois s'étaient écoulés depuis notre arrestation. De ce qui avait été avant, tout me paraissait lointain et comme un rêve...
J'étais très grossier et agressif. On ne me reconnaissait plus. Je disais des gros mots qui effrayaient tout le monde. Le petit enfant calme et poli que j'étais avait disparu dans le camp, par la force des choses, pour être remplacé par ce nouveau petit garçon qui n'en était plus vraiment un.
Pitchipoï revenait souvent dans la conversation. On était toujours un peu en partance pour Pitchipoï.