Citations sur Anima (177)
Nous sommes une multitude aux abords du chemin herbeux, blottis aux creux des cailloux ou dans les feuillages des buissons pour choyer notre lumière. Nous luisons loin de l'éclat du jour, loin des villes et loin des humains. Il y aura éternellement des ténèbres où il nous sera possible de tracer nos lignes évanescentes et cela durera tant que dureront les nuits obscures.
Leur disparition signera notre disparition. Ce sera la fin des temps primitifs. Il n'y aura plus personne pour transporter, dans l'intimité des lacs et des rivières, les éclats phosphorescents qui sauront répondre aux étoiles.
Mais tant que la lumière aveuglante n'aura pas décimé le monde des ombres, nous pourrons égrainer nos lueurs. Nous n'abandonnerons pas. Nous luirons.
La persistance des lucioles teintera les vallées, tout comme le chien sauvage sauvera l’homme évanoui. Il sera son ombre et lui sa lumière. Il en fera son maître et l'homme en fera son chien. Rien ne saura les séparer. L'un, gardien de l'autre, l'un, dans les pas de l'autre, ils iront, liant leur destin, jusqu'aux abords des confins et n'auront plus peur de la peur de la mort.
Nous sommes perdus, toi et moi, mais toi plus que moi. Laisse-moi prier pour toi puisque tu es sans cette dans ton silence. Laisse-moi prier pour toi puisqu’il y a longtemps, lorsque nous avons été enterrés vivants, je n’avais rien su dire ni rien su faire pour consoler es semblables. Eux sont morts et m’ont sauvé. J’ai survécu à l’hécatombe
Il a écrit jusqu'à l'aube et s'est couché au matin. Il a fermé les yeux sur lui-même, pour ainsi dire, mais quelque chose en lui, qui compte les heures et attend son tour, ne s'est pas endormi.
On a beau tourner la chose dans tous les sens, on a beau avoir essayé le détachement, l'amour, le pardon, la loi, la réincarnation, la démocratie, les utopies, les religions, on ne s'en sort pas : un dimanche matin, un homme, exaspéré par son voisin à cause d'une histoire de déneigement, le tuera à coups de pelle dans la face.
Le jour fond. L'orage éclate. Par la porte, je vois chuter les étoiles de la nuit, défaites de leurs ciels sous les coups de tonnerre. Elles tombent, elles pleuvent, elles gèlent contre le plafond de la carlingue.
Se sont-ils salués comme se saluent les humains, tendant leur mystérieuse main libre vers celle de l’autre pour y déposer un rien bouleversant ?
Le vent était trempé par la fin de l'hiver.
J'ai vérifié sur une carte. Je les ai imaginés tous les trois monter encore plus haut, pour arriver à Inuvik, attendre la glaciation, avant de poursuivre le long des chenaux gelés, vers Tuktoyaktuk, dans la baie de Kugmallit, ouverte sur la mer de Beaufort et le grand océan Arctique.
Que jetteront-ils dans le tumulte des vagues ? Que voudront-ils confier aux abysses ? Quelle douleur ? Quel chagrin ? Il existe, tout au fond des mers,des poissons monstrueux doués de parole, gardiens d'une langue ancienne, oubliée, parlée jadis par les humains et par les bêtes aux rivages des paradis perdus.[...] Nous réapprendrions à parler. Nous inventerions des mots nouveaux Wahhch retrouverait son nom. Tout ne serait pas perdu..
mais jusqu'à l'aurore, jusqu'au soleil, il a cherché le sommeil, ne trouvant que la glu de lui- même, sassant et ressassant tourments et inquiétudes au carrousel de son âme.
- Si le cri est perpétuel, plus rien n'est visible.
- Bingo ! Chaque cri doit être suivi par un silence pour faire entendre son écho. Celui qui ne fait que hurler sa douleur n'en verra jamais le visage tout autant que celui qui s'obstine à la taire. C'est la leçon des chauves-souris : pour voir le visage de ce qui te fait souffrir, tu dois faire de ta douleur un collier qui enchaîne des perles de silence aux perles de tes cris.