Le football est reconnu pour son universalité, « un facteur de rapprochement entre les peuples », selon les écrits de Jules Rimet, fondateur de la Coupe du monde, publiés en 1954 au crépuscule de sa vie, à l'occasion du cinquantième anniversaire de la FIFA, organisation dont il a été durant plus de trois décennies le président emblématique. Illustration d'un projet universaliste que les historiens pourraient inscrire dans le cadre des relations culturelles internationales, ce manifeste met en exergue les atouts du football pour une plus grande compréhension mutuelle des sociétés. « Établir la paix universelle », tel est le projet commun en cet après-guerre chargé d'espérance en un monde meilleur : la FIFA comme l'UNESCO se chargent d'œuvrer pour un avenir sans discrimination. Dans une réflexion sur les « horizons du football », le journaliste François Thébaud ne voyait pas autre chose au début de l'année 1954 dans Miroir Sprint : « Qu'ils soient jaunes, blancs ou noirs, le football les unit car il constitue une langue universelle. »
Sans doute, la vocation pacifiste de Jules Rimet a connu bien des renoncements : une fois rapprochées, les populations du football ont souvent cédé à l'intolérance. Mais quelle qu'en soit sa lecture, l'histoire du football est faite de rencontres. Jamais remise en cause, cette capacité du ballon rond à envisager l'altérité se confirme et s'amplifie tout au long du XXe siècle.
Sur la scène internationale, le football accompagne les crises les plus graves : on y joue parfois sous les bombes contre son ennemi ou contre ses amis. L'épisode des fraternisations survenues au front dans le nord de la France lors de la trêve de Noël en 1914 entre soldats alliés et allemands, marquées notamment par des matchs de football qui se sont disputés sur le no man's land entre les tranchées, en constitue sans doute le cas le plus significatif. Même chose pendant la Seconde Guerre mondiale : bien que ralentie et perturbée, la pratique du ballon rond ne s'éteint pas, les championnats se poursuivent et même les rencontres internationales.
On lui confère parfois un rôle de précurseur dans les processus de rapprochement. Ainsi, la Coupe d'Europe des clubs champions lancée en 1955 par le quotidien L'Équipe aurait constitué une étape non négligeable de la construction européenne concrétisée deux ans plus tard par la signature du traité de Rome. Le football est également un baromètre permettant au travers des rencontres internationales de mesurer la vitalité d'un peuple et d'étalonner sa puissance. Ainsi, neuf ans après la capitulation nazie, l'Allemagne renaît grâce à la victoire de son équipe nationale lors de la Coupe du monde de 1954.
Phénomène culturel, le football occupe évidemment une place de choix dans la structuration et les représentations de l'espace social. Les clubs cristallisent certains antagonismes. Par le biais de la Juventus et du Torino, on perçoit ainsi toute la complexité de la société turinoise à l'ombre d'une grande entreprise, la Fiat. Les rituels et les sociabilités liés à ce sport sont autant d'éléments qui interrogent la thématique du peuple dans ses composantes sociales et symboliques. Il en va des comportements au stade, devant l'écran, au bar, dans la rue ou encore dans le bus lorsqu'on est supporteur. Les passions que suscite le ballon rond irriguent l'ensemble du corps social et mettent à mal les cadres traditionnels par le biais de processus de recomposition. Naples et Marseille fournissent à cet égard des exemples saisissants.
La violence dans les stades, manifestée par le phénomène hooligan, que la tragédie du Heysel révèle à tous en 1985, met les sociétés européennes face à leurs contradictions. De même les manifestations racistes dans les tribunes tendent à remettre en cause l'adhésion à certaines valeurs fondamentales et l'acceptation du multiculturalisme .
Par appropriation et par effet de résonance, intellectuels et artistes érigent le football en objet de culture. Mais il ne fait guère de doute que la perspective peut être renversée en admettant qu'ils sont aussi imprégnés de valeurs et de représentations produites par ce sport. Le football constituerait-il dans ces conditions un langage commun ? La règle en constitue certes sa grammaire tandis que son vocabulaire s'enrichit de sa pratique : « libero », « catenaccio » ou « panenka » ne sont à cet égard que quelques exemples. Les médias en fournissent le corpus et le principal vecteur de diffusion. La presse écrite fait la part belle au football par le biais de multiples supports spécialisés tandis que la presse sportive, en constant développement au cours du XXe siècle, accorde presque toujours une place de choix à ce sport. La presse généraliste n'est pas en reste, ouvrant de plus en plus largement ses colonnes aux comptes rendus et aux commentaires. Les médias de masse, radio et télévision, ont accru de manière considérable l'audience du football. Intégré dans des stratégies commerciales agressives, le football élargit plus encore son cercle de passionnés.
Se forge alors, dès le début du XXe siècle, la vocation universelle du football à laquelle le célèbre journaliste Jean Eskenazi fait écho, non sans lyrisme, plusieurs décennies plus tard, en 1955 :
"Le seul dénominateur commun à tous les peuples, le seul espéranto universel, c'est le football [...] Quoi de plus différent que ce grand gaillard aux cheveux filasses, solide comme le roc de Gibraltar, qui frappe dans la balle avec l'automatisme qu'une tradition bientôt séculaire lui a enseigné, et cette longue liane filiforme des tropiques, mince, élancée, désinvolte, qui s'amuse de cette même balle de cuir avec une adresse stupéfiante et lui fait traduire tous les caprices de sa fantaisie nonchalante [...]. Le football, par cette grâce qui lui est propre, est devenu le plus grand spectacle du monde [...] Il n'est pas un pays d'Europe qui boude le football. De Lisbonne à Oslo, les foules ont le même goût, la même passion pour la balle ronde".