Un froid matin hongrois. Un visage féminin émerge du brouillard. Sur un bureau, des mains d'homme tremblent des efforts fournis. le visage est celui de Aino Laine, Unique Vague, jeune femme finlandaise à la recherche d'un travail en tant que professeur. Les mains sont celles d' un haut fonctionnaire d'Etat, qui par ordre vient d'écrire un communiqué encore confidentiel annonçant l'entrée en guerre de la Hongrie dans le 2ième conflit mondial. Il pense avec effroi aux actions que ces mots imprimés vont immanquablement enclencher.
Cet homme et cette femme se rencontrent. L'homme est d'abord incrédule car il croit reconnaître en Aino Laine les traits de la femme qu'il a aimé et qui s'est donné la mort par amour pour un autre homme. Car cet homme doute de la réalité, ne la tient pas acquise, jamais. Se demande si la vie a un sens. Mais Aino Laine entend défendre qui elle est, bien vivante et non le fantôme d'une femme morte.Comme le vol léger et délicat d'une mouette qui défie la distance pour se nourrir, Unique Vague s'applique à vivre avec force et ivresse malgré un passé lui aussi douloureux "... oui, c'est vrai,
les mouettes sont visiblement obligées de fournir une énorme énergie pour exister et ne se demandent pas si la vie d'une mouette à un but".
Ce roman est le face à face diaphane de l'aube jusqu'à la fin de la nuit entre ces deux êtres ; ils se découvrent l'un l'autre, parlent de leur passé. Ils abordent aussi bien des thèmes intellectuels et généraux comme la grande Histoire, la solidarité et la guerre entre les peuples. Mais aussi des questions métaphysiques comme les lois de la répétition et de la nuance, du temps qui passe ou encore des sujets plus personnels et intimes qui touchent leur "moi", au sens de la vie, le destin, les rapports hommes-femmes, la fuite de la jeunesse, l'amour et l'émerveillement.
L'homme et la femme se plaisent, se tutoient, se trouvent parents, amis. Ils sont reliés physiquement par un seul baiser qui fait l'objet d'un très beau passage dans le roman sur son origine et son sens.
Ils savent désormais que par leur confrontation, ils existent l'un et l'autre, certainement différents après leur rencontre.
Un roman de questionnements où
Sandor Marai excelle comme à son habitude à sonder l'âme humaine.
C'est avec plaisir que j'attends chaque année la réedition par Albin Michel des romans de
Sandor Marai.
"Nous nous sommes rencontrés et nous nous sommes dit adieu. Ouvre-moi la porte et laisse-moi aller mon chemin".