Toujours il reste assez de tendresse, pour que se forme une nouvelle blessure et qu'apparaisse une nouvelle douleur.
Il n'y a pas d'un côté le bien, de l'autre le mal, il y a de longues glissages dont on ne se relève pas, et des passages quelquefois imperceptibles de l'un à l'autre. Quand on s'en rend compte, il est déjà trop tard.
— Nous aurons, d’ici trente ans, six régiments de plus grâce aux Lebensborn. Mais nous ne pouvons pas accélérer le temps.
— Quelle injustice qu’un soldat meure en un instant et mette seize ans à grandir.
C’est une des phrases qu’il répétait, avant : « On a toujours le choix ». À tous ceux qui disaient, « Je n’ai pas eu le choix ». On l’a toujours. C’est juste qu’il n’est quelquefois pas facile à faire. Que dans certains cas il coûte très cher. Ceux qui disent « Je n’ai pas eu le choix » sont ceux qui ont choisi la facilité. Et soudain, il pense que si Wanda et lui avaient eux aussi fait ce choix-là, ils seraient en ce moment ensemble et heureux et rassasiés.
Et elle ne peut rester ici qu'à cause de l'enfant. L'envahisseur est dehors et dedans : elle est envahie de l'intérieur.
Son dos coule ; pendant la nuit, les feuilles glissent les unes après les autres, il est un arbre nu, dont la vie s'enfuit en même temps qu'une sève malade, une sève grouillante de bactéries qui le dévorent et le digèrent.
Et en ces temps de guerre, la vie fragile d'un enfant n'est faite que pour s'éteindre comme une bougie entre le gras du pouce et l'index.
[...] et est-ce vraiment un mensonge, quand on espère de tout son cœur dire la vérité?
Il n’y a pas d’un côté le bien, de l’autre le mal, il y a de longues glissades dont on ne se relève pas, et des passages quelquefois imperceptibles de l’un à l’autre. Quand on s’en rend compte, il est déjà trop tard. Cette question m’obsède, revient sous des formes toujours nouvelles, comme si elle était infinie. Choisit-on le mal ou est-ce lui qui nous choisit ? J’étais bonne, mais pas du bon côté ?Ne pensons-nous pas tous être du côté de la lumière ?
Sent des mains lui saisir les bras, le soulever, le sortir de la caisse, entend des voix, beaucoup de voix ou alors c’est qu’elles résonnent comme dans une cathédrale. Distingue une odeur intéressante. Du chocolat, qu’on lui tient sous le nez. Il ouvre grand les yeux et le mange, mange presque ses propres doigts, le regard dans le ciel. Le ciel est un éblouissement, Marek est enveloppé de la tiédeur d’une fin de printemps magnifique. Lorsqu’il se relève, le prennent à la gorge les effluves du parc, un mélange de jasmin sauvage, d’aspérule et de violette, il vacille, devant ses yeux tout devient noir, puis le monde s’ouvre de nouveau et il fixe trois hommes, des soldats américains très jeunes, encore plus jeunes que lui, qui remontent dans leur blindé.