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Critique de Alcapone


En ce début de 19e siècle, la mode est aux aliénistes : alors que mélancoliques, syphilitiques, névrotiques, hystériques et épileptiques s'entassent pêle-mêle dans les asiles et que la médecine capitule face à ces maux de l'air du temps, se distingue la pension du Docteur Blanche. Si les traitements y sont les mêmes qu'ailleurs, Esprit Blanche puis Emile son fils, initient une approche thérapeutique qui inspirera les bases de la psychanalyse. Ainsi, moyennant de rondelettes sommes d'argent, ceux que l'on nomme par abus de langage les fous trouvent enfin une oreille attentive à leurs souffrances ("traitement moral") et un refuge protecteur auprès des Blanches. de De Nerval à Maupassant en passant par Theo van Gogh, nombreuses sont les personnalités du monde qui ont un jour confié leur états d'âme au(x) Docteur(s). En effet, partageant quasiment leur vie quotidienne avec les patients, ce sera toujours avec une humanité et un stoïcisme presque psychorigide que père et fils dirigeront leur célèbre établissement...

Epoque du Spleen par excellence, la période romantique est une machine à faire des fous. Les gens (surtout les femmes) sont alors internés à tout va. La médecine a atteint ses limites pour le traitement des maladies mentales. Seuls quelques spécialistes acharnés continuent d'expérimenter de nouvelles méthodes de guérison. Parmi eux, se trouvent deux grandes figures du corps médical représentées d'un côté par le Professeur Jean-Martin Charcot (Salpétrière) et de l'autre par le Docteur Emile Blanche. Deux titres, deux méthodes. Charcot laissera son nom à la postérité grâce à ses travaux scientifiques et ses services rendus à l'Hôpital de la Salpétrière, la mémoire des Docteurs Blanche ne survivra elle, que grâce aux personnalités accueillies à la pension. Pourtant, l'expérience de ces derniers méritait que l'on s'y penche : comme le dit si bien Laure Murat dans son prologue "L'établissement révèle, comme un précipité chimique, les angoisses et les contradictions de toute une société où scientifiques et artistes, aliénistes et patients, tentent, chacun à leur façon d'explorer les replis de l'âme, comme si d'un tissu, ils s'enfonçaient dans la trame. de l'invention de la psychiatrie à la naissance de la psychanalyse, du romantisme au symbolisme, l'histoire de la Maison du Docteur Blanche est donc celle de tout le 19e siècle, avec lequel deux générations d'aliénistes se confondent : Esprit Blanche (1796-1852) et son fils Emile (1820-1893), le fondateur et l'héritier, protagonistes d'une institution et d'une aventure intellectuelle unique en leur genre, dont le récit restait à faire". (p.13)

On croyait la mémoire médicale de la Maison Blanche perdue avec la destruction volontaire des dossiers médicaux des patients. Il n'en est rien puisque c'est sur la base de riches archives inédites (registres médicaux et correspondances) que Laure Murat a élaboré son projet. Travail de titan s'il en est, cet essai qui prend des formes romanesques, recèle bien de secrets inavouables et de juteuses anecdotes sur les célébrités de l'époque. J'y ai par exemple rencontré un Maupassant vulnérable et particulièrement touchant. J'y ai croisé un De Nerval schizophrène et bien d'autres encore. Formidable laboratoire d'observation de bien de détresses humaines, la Maison Blanche incarne donc un bel échantillon de la mémoire psychiatrique de l'Empire qui méritait d'être exhumé. On pardonnera volontiers à Laure Murat quelques digressions qui éloignent un peu du sujet compte-tenu de l'impressionnante masse d'informations qu'elle a dû étudier et compiler pour rédiger son travail. C'est donc avec enthousiasme que l'on recommandera la lecture de cette étude qui ne manquera pas d'en surprendre certains...
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
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