Je n'aurais pas lu ce livre s'il n'avait pas fait partie de la sélection proposée au jury de lecteurs dont je suis membre et je ne serais pas allée jusqu'au bout si je n'avais pas tenu à respecter la règle tacite de ne donner un avis qu'après avoir lu l'ouvrage en entier.
Ce livre, dont l'auteure est une descendante des Luynes (noblesse d'Ancien Régime) et des Murat (noblesse d'Empire), qui a totalement rompu avec son milieu il y a une trentaine d'années, qui enseigne la littérature française à l'UCLA (Université de Californie de Los Angeles), est, tout à la fois, essai/autobiographie/analyse littéraire/roman.... ,
Laure Murat déclare que c'est
Proust, et en particulier "A la recherche du temps perdu" qui lui a ouvert les yeux sur l'aristocratie dans laquelle elle a été élevée et lui a permis de se libérer d'un carcan qui étouffait ses forces vives. Car, affirme-t-elle, contrairement à certaines interprétations,
Proust n'était pas un dandy snob qui essayait de se faire accepter par l'aristocratie, même s'il le fut un peu au début de sa carrière, mais en est devenu un contempteur ironique et sans pitié.
Même si ce procédé d'entremêler les fils de son passé avec ceux de l'oeuvre de
Proust qui a côtoyé sa famille (il dinait à la table son arrière-grand-mère qui le qualifiait avec mépris et condescendance de "petit journaliste") est intéressant, même si la description de l'aristocratie française m'a appris pas mal de choses, j'ai globalement trouvé cet ouvrage profondément ennuyeux et dérangeant.
Ennuyeux car l'auteure nous abreuve d'une pléthore de noms, plus ou moins prestigieux, plus ou moins connus à tel point qu'elle a ressenti le besoin d'ajouter une annexe intitulée " Index des noms de personnes et personnages" qui compte 490 noms (en moins de 256 pages!!!!); en quoi l'énumération de tous ces noms (les Camondo ???? les Ephrusi???, Mme Furtado-Heine???, Max Fould???........) présente un intérêt quelconque à part nous présenter le Who's who personnel de
Laure Murat,
Ennuyeux, car au risque de faire hurler les aficionados de
Proust, je n'ai jamais pu, ni lire vraiment, ni apprécier cet auteur que ce soit pendant mes études où il m'a été imposé ou plus tard, lorsque saisie d'un grand courage littéraire, j'ai essayé de m'y replonger; je n'ai donc pas pu goûter l'analyse littéraire pointue à laquelle s'est livrée l'auteure dans certains passages.
Dérangeant car
Laure Murat se livre à un dégommage en règle du milieu dont elle vient : d'après elle, les aristocrates sont tous incultes, prétentieux , pleins de morgue, méprisants pour ce qui n'est pas de leur monde, en continuelle représentation, cruels, endogames.... Je comprends parfaitement que l'on puisse critiquer son milieu social, voire le rejeter mais cette description sans nuance, pleine de hargne n'honore pas celle qui la fait. S'appuyer sur
Proust ne rend pas l'attaque systématique plus acceptable d'autant qu'on pourrait se demander, en ayant l'esprit très tordu, s'il n'a pas démoli l'aristocratie car il n'en était pas et surtout parce qu'il en a été rejeté et n'en serait jamais.