N°1588 - Septembre 2021
Il mondo deve sapere –
Michela Murgia - Einaudi editore
Il s'agit d'un roman tragi-comique, lu en italien, qui relate l'expérience d'un mois vécu par une télévendeuse précaire travaillant dans l'enfer d'un centre d'appel de Kirby, une multinationale américaine vendant des aspirateurs.
Elle avait déjà publié «
l'Incontro » ( publié en français sous le titre «
la guerre des saints ») qui a déjà fait l'objet d'un commentaire de ma part dans cette chronique.
Ici, elle décrit donc la technique de persuasion destinée a vendre par téléphone des aspirateurs aux ménagères mais elle évoque également les figures de ses collègues et de ses petits-chefs et surtout son expérience personnelle relatée comme une souffrance personnelle, vécue à travers la politique utilisée par l'entreprise qui va des récompenses aux humiliations publiques, les horaires, les punitions ce qui donne une image assez réaliste de ce qu'est le monde du travail dans cette entreprise. Ce que le monde doit savoir ( traduction littérale du titre) c'est précisément les manipulations dont sont victimes les salariés ( avec affiches aux messages subliminaux, présence d'un psychologue au discours surréaliste, le tout ayant pour seul but de motiver les salariés d'en faire encore plus avec création d'objectifs à atteindre et compétition entre collègues sous la férules des incontournables « petits-chefs ») autant que les acheteurs.
Le «call center » est ainsi devenu à la suite de cette publication le symbole de l'emploi précaire en Italie et elle-même, même si elle ne l'avait pas souhaité au départ, la dénonciatrice de ce ce mode de travail. Même si elle n'est pas vraiment la seule à mener ce combat, elle accepta cependant ce rôle de représentation ainsi que ses conséquences, donnant à son travail d'écrivain une dimension sociale de défense des travailleurs qui n'est plus vraiment réalisée par les syndicats dont c'est pourtant le rôle traditionnel. le style volontairement simple, abordable et parfois ironique de ce roman le met à la portée et au service des classes sociales les plus défavorisées et correspond à une prise de conscience du monde du travail aujourd'hui où les « précaires » sont tellement exploités qu'ils ne constituent même plus un prolétariat.
Cet ouvrage, conçu à l'origine sous la forme d'un blog qui a retenu l'attention d'un éditeur, a eu un succès considérable en Italie ce qui a surpris l'auteure elle-même et a fait l'objet d‘une adaptation théâtrale. Cette forme de littérature est peut-être l'émergence d'une nouvelle expression de prise en compte du monde du travail d'aujourd'hui.
Michela Murgia (née en 1972) est également une femme politique sarde qui a été candidate sur une liste indépendantiste aux élections régionales de sa province en 2014.
C'est en tout cas un étude édifiante sur l'espèce humaine à cent lieux de tout ce qu'on nous a dit sur la valeur supposé de l'homme et le respect dû à chacun en tant qu'être humain. S'il est un droit fondamental, s'il correspond parfois à une passion ou à une réalisation personnelle, le travail n'en reste pas moins une nécessité pour la plupart des gens. Ce qui nous est décrit ici est la précarité qui de plus en plus l'affecte et je m'interroge sur sa valeur et sur le respect accordé à ceux qui le font au moment des fusions-absorptions d'entreprises qui génèrent du chômage, considèrent les travailleurs comme des variables d'ajustement et les jettent souvent en marge de cette société au nom du seul profit.