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3,78

sur 457 notes
J'ai lu ce livre sans grande passion, mais j'étais intéressée quand même et, une fois refermé, il m'a laissé des impressions agréables, comme lorsqu'on a lu quelque chose qui a de la valeur.

D'abord attirée par la peinture d'Egon Schiele en couverture et par la réputation de l'écrivain, j'ai décidé de lire Les Désarrois de l'élève Törless. Je n'avais pas envie de me livrer à des lectures parlant d'amour ou de passions, de sentiments qui auraient pu raviver ce dont je souhaitais guérir. Je n'étais pas non plus portée vers la littérature de guerre que j'ai pourtant affectionnée en avril avec Les Bienveillantes. Alors, une histoire de pensionnat pouvait me convenir.

Mais on ne peut pas résumer ce livre ainsi. Dès la première page, le lecteur est dans les pensées souvent confuses de Törless, un jeune garçon que ses parents ont placé dans une école. Il est d'abord très triste de cette séparation pour finalement y prendre goût. J'avoue n'avoir pas toujours compris certains de ses désarrois ou raisonnements, mais c'est tellement bien écrit qu'on se laisse porter par le style.

Törless se lie avec Reiting et Beineberg. Tout commence avec cette phrase que s'écrie Reiting au quatrième chapitre : « Dis donc, je l'ai eu ! (…) le voleur de casiers ! » Basini a dérobé de l'argent dans des casiers pour rembourser des dettes qu'il avait, mais il comptait le rendre. Cet événement va être le point de départ d'un chantage cruel auquel les trois camarades vont soumettre le jeune voleur. Il subira des humiliations, des sévices… et sera le révélateur de certains questionnements de Törless…

Musil s'est justifié sur les liens homosexuels qui se tissent dans ces pages :

« Je ne veux pas rendre la pédérastie compréhensible. Il n'est peut-être pas d'anomalie dont je me sente plus éloigné. Au moins sous sa forme actuelle.
On pourrait remplacer Basini par une femme, et l'homosexualité par le sadisme, le fétichisme, tout ce qui a quelque rapport avec des émotions aberrantes. »....

Présenté comme un roman de formation, c'est en effet celle de Törless qui s'opère petit à petit sous nos yeux.
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C'est un livre déconcertant. Avec une précision redoutable, Musil explore le monde trouble, ambivalent de l'adolescence, moment buissonnier qui procure notamment « le privilège d'observer le monde démaquillé ».
Rappelons-nous : c'est le temps du grand étonnement face à l'amplitude du réel. D'où le désir de sortir de la vie routinière, emplie de fades certitudes : « il devait exister une porte pour sortir de l'univers de ces êtres irréprochables et sereins » peuplant le monde ordinaire. « Tous ces hommes mûrs, ces belles intelligences n'ont jamais fait que s'envelopper d'un filet dont chaque maille renforce la précédente, de sorte que l'ensemble a l'air merveilleusement naturel ; mais où se cache la première maille, celle dont tout le reste dépend, nul ne le sait ». Rebelle, entier, l'adolescent refuse « cet émoussement de la sensibilité qui fait qu'on ne s'inquiète même plus de voir un autre jour finir ». C'est le comble. Et le fait est : Tӧrless « n'avait pas appris encore à se coucher tous les soirs pour mourir sans y accorder d'importance », pénétré de l'évidence (nullement relevée par les grands esprits de ce monde) que « nous mourons tous les jours, dans les profondeurs sans rêves du sommeil ». Conjointement à ces interpellations, la poésie (comme souvent à cet âge) surgit : « soudain, et il lui sembla que c'était la première fois de sa vie, il prit conscience de la hauteur du ciel. Mais plus il pénétrait loin dans la hauteur, plus il s'élevait sur les ailes de son regard, plus le fond bleu et brillant reculait ». Mais point de “mysticismeˮ pour autant : « Je cherche rien de surnaturel ; c'est le naturel au contraire que je cherche, comprends-tu ? Je ne cherche rien hors de moi, je poursuis quelque chose en moi, en moi, quelque chose de naturel ! et que pourtant je ne comprends pas ».
Ce que les sages de ce monde appellent « l'Âge ingrat » est aussi le temps de la gestation : « un chemin qui menait aux profondeurs de son être », écrit Musil à propos de Tӧrless. « Son âme était une terre noire sous laquelle les germes déjà bougent, sans qu'on sache encore ce qu'ils donneront ». « Des parcelles de sa personnalité attendaient encore, tels des germes, le moment de la fécondation », « comme si ses racines devaient d'abord descendre à tâtons, et bouleverser le sol qu'elles sont destinées à mieux fixer plus tard ».
Cette gestation difficile passe par une expérimentation parfois sauvage, primitive même, souvent exécutée “dans le noirˮ, en tous les cas en dehors de toute règle, de toute morale. Mais ne nous leurrons pas sur l'importance de ces frasques : « Tout ce qu'il faisait n'était qu'un jeu, l'aidait simplement à supporter cette période larvaire de sa vie, et sans le moindre rapport avec sa véritable personnalité qui ne devait apparaître qu'ensuite, dans un délai encore indéterminé ». Car « le chemin sombre et secret » que l'adolescent emprunte est avant tout une « expérience intérieure » : « ce qui l'intéressait, c'était le phénomène mental que ces actes déclenchaient en lui, ce phénomène dont il continuait à ne savoir presque rien et devant la réalité duquel tout ce qu'il pouvait en penser lui paraissait futile ». Ce que Musil résume en une phrase dont il a le secret : « Je ne connais plus d'énigmes : les choses arrivent, voilà l'unique sagesse ».
Mais comment peut-on retraduire aussi bien cet itinéraire initiatique lorsqu'on a vingt-cinq ans (âge auquel Musil écrit cet ouvrage) ? La modernité du processus narratif, la profondeur des analyses, la complexité des thèmes, l'autorité du style, la justesse des expressions attestent de la surprenante maturité de ce très jeune auteur. C'est stupéfiant de précocité.
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Pas facile de pénétrer dans l'univers de Musil et de son Elève Törless. Nous voilà plongés au coeur de la bonne société de l'empire austro-hongrois, au tournant des XIXè et XXè siècles. Au sein d'une école, un groupe d'adolescents décide de "prendre en main" un de leurs camarades, coupable de vol, plutôt que de le dénoncer. Un peu entrainé par les autres, mais aussi un peu en écoutant ses propres pulsions, Törless se laisse aller lui aussi au pire : violence, intimidation, viol, pressions psychologiques, cruauté. Avec un air de ne pas y toucher. Et c'est ça qui est extrêmement gênant. Car Törless observe les faits en éprouvant certes bien un malaise, mais guère plus. Il porte sur les événements un regard intellectualisant qui lui permet de rester à peu près à distance. Je suis un peu circonspect après la lecture de ce roman, qui me laisse une impression étrange et désagréable. L'écriture de l'auteur m'a beaucoup plu. J'ai en revanche eu un peu de mal avec les envolées philosophiques et les considérations mathématiques de Törless. La rencontre avec Musil n'a qu'à moitié fonctionné.
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À quelques exceptions près, je n'apprécie pas outre-mesure la littérature germanophone, que je trouve parfois dénuée d'un je ne sais quoi qui rend la lecture pesante. J'ai retrouvé cette impression au début de ce roman mettant en scène un jeune adolescent étudiant dans un internat renommé, et contant ses premiers émois et ses réflexions sur ses relations avec ses camarades de classe, tous plus imbus d'eux-mêmes les uns que les autres.
Cependant, la lecture se fait plus aisée au fil des pages, et les descriptions extrêmement précises du ressenti ou des questionnements de l'élève Törless se font passionnantes.
Véritable dissection des songes qui parsèment la tête d'un jeune adolescent masculin, et qu'il ne peut que difficilement partager avec son entourage, les désarrois de l'élève Törless fait partie de ces livres qui donnent envie de rencontrer leur auteur par l'extrême intelligence que l'on y ressent.

Une lecture que l'on ne trouvera pas forcément agréable, mais qui demeure curieuse et parfois si juste qu'elle impressionne.
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Excellent également ! Sans doute moins un texte fondateur que L'homme sans qualités, mais très bonne lecture, très représentative également de l'auteur.
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Le jeune Törless a été envoyé dans un pensionnat renommé, fréquenté par des fils d'aristocrates et de riches bourgeois. Törless, déchiré entre ses désirs pubères hétérosexuels et homosexuels, et une éducation rigide, parviendra-t-il à devenir un homme dans cette jungle de sadiques adolescents et de professeurs admirés.
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Les désarrois de Torless ne sont rien face à mon désarroi à la lecture difficile voire impossible pour moi de ce livre..
Est ce le style?
En tout cas l'écriture est obscure et l'auteur écrit dans la difficulté au risque de ne pas être compris.
Dommage
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Lire les auteurs classiques est avant tout une question d'hygiène !
Se nettoyer l'esprit, clarifier ses pensées, lutter contre les contaminations du langage, réapprendre la syntaxe, enrichir son vocabulaire, se prémunir contre les dangers de la futilité et la facilité contemporaines, ne composent-il pas les pratiques essentielles ayant pour but de préserver le goût de la lecture !
Il faut lire les auteurs classiques pour ne jamais se lasser de lire !
Parmi ces classiques, j'ai lu pour la première fois « Les désarrois de l'élève Törless » de l'un des maîtres de la littérature autrichienne, Rober Musil, dont j'avais tant aimé « L'homme sans qualités ».
« Les désarrois de l'élève Törless » est son premier roman, publié en 1906 à 26 ans. Une remarquable précocité .
L'époque (la fin du 19eS.), le contexte (le crépuscule de la monarchie austro-hongroise) et le lieu du récit (un austère internat) sont assurément ancrés dans le passé, mais la langue est éternelle et la thématique tout à fait pertinente et actuelle.
Le livre raconte l'arrivée et le séjour, bref mais intense, du héros dans une institution militaire élitiste et rigoureuse qui va radicalement le transformer. le titre du livre résume une expérience sensible et intellectuelle d'une rare intensité, que la prose de Musil évoque avec une exactitude et une justesse inouïes.
L'aventure métaphysique de Törless devient la nôtre et l'on approche grâce à lui l'origine de la connaissance intime, cette chose à laquelle ni la science, ni la religion n'apporte une réponse satisfaisante, cette part intangible de notre être, que nous avons tous éprouvée sans parvenir à la circonscrire avec l'exactitude du vocabulaire romanesque de Musil.
Un livre sublime, indispensable à lire.
Question d'hygiène intellectuelle, sans doute…
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nécessite de la patience pour découvrir le meilleur du roman
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La citation de Maeterlinck en épigraphe donne le la du roman. D'emblée, nous plongeons dans les pensées de Törless, jeune étudiant autrichien que ses parents viennent d'inscrire au pensionnat de W. ; et tout au long du roman, c'est avec peine et difficulté que Törless parviendra à mettre les mots sur son expérience. Tel un Sisyphe adolescent, il semble reprendre sans cesse les mêmes chemins, essayant de figurer, contrôler en lui l'énergie fougueuse de la jeunesse.

Törless est pourtant entre deux eaux, bien davantage que ses camarades Reiting et Beineberg. Surtout ce dernier, nourri aux idéaux mystico-philosophiques (i.e. fumeux) d'un père ayant vadrouillé jusqu'en Inde, dernier avatar romantique d'un siècle qui ne l'est plus. Entre le trivial Reiting et le romantique Beineberg, Törless, moins assuré, se pose beaucoup de questions. Un peu trop peut-être, se dit-on, mais néanmoins il semble être le seul de son pensionnat à se poser les bonnes questions, allant même jusqu'à interroger son prof de math au sujet des nombres imaginaires.

On voit qu'en creux, Musil semble dessiner les contours de cette génération et de la précédente. Les professeurs ne sont guère là pour apprendre aux élèves à raisonner (tout au plus à transmettre des connaissances), encore moins à donner des repères moraux. Dès lors, les logiques de domination prennent naturellement leur place avec le drame de l'élève Basini.
Certes, on pourra dire que ces rapports préfigurent ce qui arrivera quelques années plus tard, mais comme dit en introduction, ce ne serait pas forcément faire justice au roman que de le ramener immédiatement à cela. Ce serait d'abord sans compter la qualité de la prose, même s'il est difficile de savoir ce qu'elle doit respectivement à Musil et Jaccottet.
Ce serait également sans compter la quête aux accents proustiens d'une forme de transcendance chez Musil. Si Törless choisira une forme de réalisme qui s'en éloigne, il semblerait que Musil donne sa version par la voix du narrateur.
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