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3,78

sur 457 notes
A priori, je ne suis plus concernée par les tourments de l'adolescence et pourtant je suis restée scotchée par ce texte puissant qui se passe d'étiquette "premier roman" ou "roman de jeunesse" pour être pleinement apprécié. du grand Musil tout court et tout de suite.
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Ce qui frappe immédiatement dans ce roman c'est la rigueur de la construction et la précision au scalpel des descriptions qui évitent la poétisation et créent un univers mental obsessionnel où la rigueur implaccable du récit (simple et très prenant malgré sa violence morale) sert de prétexte à l'exploration des "désarrois" d'un adolescent qui cherche inlassablement de façon circulaire à donner du sens aux perceptions et émotions qui l'envahissent. le vrai sujet du livre étant à mon sens l'impossibilité de rationaliser et de réduire par le langage ce qui relève de l'expérience sensible et aussi de la sensualité.

On retrouve, sans la dimension poétique, l'observation méticuleuse du flux de conscience d'une Virginia Woolf par la volonté de rendre compte de la façon la plus méticuleuse possible de ce qui constitue la richesse et la complexité de l'interaction entre nos pensées et nos émotions. C'est cette dimension de quête fondamentale de sens, illusoire et sans fin, qui donne cet aspect lancinant et aliénant, parfois étouffant ou lassant (?) qui peut faire décrocher du récit mais qui lui donne aussi toute son incroyable puissance (Musil avait 25 ans en écrivant son roman!!!). Les échanges avec le professeur de mathématiques donnent quelques clés pour comprendre le développement philosophique de cet adolescent peu ordinaire qui anticipe probablement le futur "Homme sans qualités". J'ai lu tous ces passages lentement et à voix haute et c'est une expérience grisante et troublante. En gros il finit par montrer que rien ne peut avoir de sens à partir du moment où les prémices de départ sont remis en cause, quelque soit le domaine qu'on explore. Ici comment rendre compte de ce que provoque un tel trouble à la fois sensuellement "excitant" et moralement intolérable face à la soumission effrayante de Basini par Reiting et Beineberg? La plupart des auteurs décrivant un tel "fait divers", réel ou fictif, auraient adopté un point de vu moral, narratif... Musil déplace le problème sur le plan dialectique et abstrait en provoquant une sorte de dissolution du réel et donc de la "responsabilité". Törless concluant que cette histoire aura finalement été une étape constructive et presque libératoire...

Et pour ceux qui auraient peur de toutes ces considérations abstraites, il faut rappeler que cette histoire est d'abord intense et prenante du début à la fin. On peut s'accorder quelques glissements dans la lecture quand les préoccupations obsessionnelles de Törless refont surface. Mais l'interaction des deux en fait un livre unique et fascinant.
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Ce fut une lecture laborieuse, pour ma part. Parce que les codes de l'histoire sont bouleversés, au profit de la réflexion, et je considère Robert Musil comme un intellectuel plus qu'un romancier.

Car, incontestablement, Musil a des choses à raconter. Et le livre ne se lit pas comme les romans traditionnels, on pourrait presque dire qu'il s'agit d'un bouquin de philosophie. D'habitude, les descriptions psychologiques des personnages sont sommaires, alors qu'ici, elles font toute l'oeuvre.

Comme il s'agit du premier livre de Musil, je me tente même à suggérer que cette oeuvre était, en quelques sortes, un ballon d'essai pour sa grande fresque de “L'homme sans qualités” ; que l'élève Torless est un livre bâtard mêlant l'essai et roman.
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30 ans plus tard, j'ai eu envie de relire ce roman pour comparer avec mon impression de jeunesse.
On y trouve, en formation mais déjà lui même, le Musil de l'Homme sans qualité. Scientifique de formation, Musil est un rationnel. Il explore les émotions, les réactions et les actes des êtres humains par la rationalité, l'analyse pointue, le raisonnement. Il déploie sa recherche dans toutes les directions de la pensée, à l'infinie, et se perd dans le labyrinthe de l'âme humaine, cherchant l'issue, le logique, dans une tentative d'explication qui s'échappe sans cesse telle une anguille.
Ici, ce sont les affres de l'adolescence que Musil tente de comprendre. Il met en évidence les pulsions, parfois sordides, qui animent l'Homme, surtout en ce moment de remue-ménage corporel et sensuel de son développement. Rien n'échappe à son observation, ni la noirceur de certains comportements, ni le sadisme, ni l'homosexualité, ni la dépression, la peur, les angoisses. Son héros échoue à comprendre les raisons profondes de tout cela. En revanche, pour échapper au pire et ne pas sombrer dans la folie, il se construit un système de vie, il fait finalement des choix, refuse l'avilissement et prépare les bases de sa structure d'adulte.
Un chef d'oeuvre qui, au niveau des affects évoqués, malgré l'époque qui paraît si lointaine, reste et restera toujours d'actualité.
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Törless est comme un oiseau en cage qui finirait par trouver les clés de la liberté en lui. Roman publié en 1906; l'on sent bien la brutalité, la bestialité, le goût pour la torture et l'insensibilité qui seront tous des bases nécessaires pour l'avènement de l'on sait quoi une génération plus tard et au paroxysme de l'inhumanité. Musil n'est pas un voyant, mais simplement très intelligent. Plume subtilement perturbatrice. Méditation assurée.
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Il parait que cette histoire d'adolescents qui s'autorisent à persécuter un des leurs parce qu'ils le considèrent comme inférieur à été vue par d'autres comme une prémonition du nazisme. Mais ce livre nous parle aussi du comportement de la victime, du type d'idées et de calculs qui mènent les tortionnaires et la victime à respectivement humilier et se laisser faire. La vie intérieure et la manière dont elle est secouée ou stimulée par la période de l'adolescence est très bien décrite indépendamment de l'histoire de persécution ou peut-être en rapport avec elle. Les Désarrois (pluriel) de l'élève Törless ne nous parle pas que de persécutions, de harcèlement scolaire, sont présent aussi au fil du roman l'inquiétude liée à notre place dans le monde à l'aube du 20eme siècle, le thème de l'adolescence, la pédérastie et la recherche de sa sexualité, la croyance et le doute en l'institution scolaire, la quête de sens, etc... Un roman très riche, bien écrit, plein d'images et dont le thème principale marque et éduque. A lire dès l'adolescence.
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Les désarrois de l'élève Törless raconte les mésaventures de Törless, jeune autrichien, dans un internat huppé du pays. Mis là par ses parents fonctionnaires qui ont beaucoup d'espoir pour lui, il fait les découvertes de tout adolescent, mais dans un cadre austère et souvent hostile : l'adversité, l'admiration pour un professeur, la plongée maniaque dans une matière qu'on estime essentielle. Mais il fait la connaissance de matières très peu scolaires : les émois, hétéro comme homosexuels, mais aussi le sentiment de domination, et celui de honte. Comme entraîné par deux camarades, Reiting et Beineberg, la vie de Törless à l'internat prend des chemins très aventureux.

Musil signe avec son premier ouvrage un véritable roman d'apprentissage. On y retrouve non seulement la séparation d'avec les parents et la découverte d'un monde inconnu, mais aussi tous les doutes qui assaillent le jeune homme dans cette école a priori très austère. Si les premières aventures se font à l'extérieur, à l'étage d'une auberge avec une jeune fille, ce sont très vite le grenier et les moindres recoins de l'internat qui deviennent les lieux de jeu de Törless. En particulier cette petite pièce sous les combles, tendues de tapisseries, où les trois amis se livrent à tous les jeux, y compris les plus barbares.
Lien : http://livres-et-cin.over-bl..
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Ce roman est marqué par un heureux équilibre entre la réflexion et l'action.

Le cadre chronologique est très délimité : S'ouvrant sur le départ des parents de Toerless qui sont venus lui rendre visite à son collège, l'intrigue s'achève sur la fin des études et des retrouvailles avec sa mère.
Mais l'essentiel est constitué par les vicissitudes et désarrois de cet adolescent : brimades subies par un jeune garçon coupable de vol, perversions sexuelles, tortures, violences collectives, et méthodes disciplinaires rigoureuses, etc.

Tous ces épisodes (l'égocentrisme, la cruauté et la violence que peut connaître tout homme à l'âge de la puberté) permettent au héros, complice parce qu'observateur (en même temps), d'agir et de réfléchir sur lui-même, et plus largement, sur la condition humaine. le protagoniste est en quête de lui-même et sur lui-même !

Par extension, la structure de « l'Homme sans qualités » élaborée par l'auteur rappelle celle adoptée ici : « Les Désarrois de l'élève Toerless » peut se lire ainsi comme une introduction à « l'Homme sans qualités ».
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J'ai découvert Musil assez tôt, avec Les Désarrois de l'élève Törless. Quelques années plus tard L'Homme sans qualité. Il m'a d'abord intrigué, intéressé. de loin en loin le relisant, en gros tous les six, sept ans, je peux dire que c'est un auteur que j'aime de plus en plus. Séduction intellectuelle, gros plaisir à relire, à redévorer l'Elève Törless par exemple, que je connais par coeur, et pourtant non, à chaque relecture une lecture différente, et ça n'arrive pas avec tant d'auteurs que ça, quoi que l'on dise. Il y a des auteurs que j'ai arrêté de lire et de relire quand j'ai senti tomber mon intérêt parce que je sentais que j'en avais pompé tout le jus, comme un chewing gum trop mâché, c'est le cas de Tournier avec le Roi des Aulnes et des Météores dont je raffolais à 17 ans. Plus rien à en apprendre. Musil non, c'est l'inverse. Il m'a bien moins captivé que le Roi des Aulnes au même âge (fin de l'adolescence en gros) mais le relisant à des années-lumière de qui j'étais à 18, 28 ans, je me sens tout d'un coup en pleine correspondance harmonique, celle fugitive et intense du temps d'une lecture, pas plus, ce n'est pas un maître à penser, mais quelqu'un dont les livres font des clins d'oeil appréciables. Amusant et surprenant aussi de voir des phrases soulignées il y a dix ans qui aujourd'hui ne me parlent plus autant. Quelle naïveté avais-je d'être frappée ainsi, de m'en servir comme marchepied pour la vie... (ça me fait le même effet pour Nietzsche qui vieillit moins bien que Musil, qui finira peut-être comme Tournier, dépassé, usé, car j'ai trouvé plus captivant, intrigant ailleurs). Relire des phrases que j'avais soulignées alors, c'est être replongée d'un coup dans la niaiserie de ma jeunesse, la même qui soulignait fiévreusement des tas d'aphorismes nitzschéens parce que j'avais vingt-cinq ans et que je voulais exister... Or les passages que je bois le plus attentivement, le plus longuement chez Musil, ne sont du tout les mêmes. Là je n'ai plus rien souligné chez Törless. C'est l'oeuvre en général, la virtuosité légère de ce petit chef d'oeuvre que j'ai trouvé goûteuses. Léger, mi-cruel mi-indulgent comme un petit opéra baroque.
Lien : http://vitanova.blogspot.com..
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Un livre très connu parmi les romans d'apprentissage et lu pour la 1ère fois; avec un sentiment un peu mitigé. le sentiment que l'on peut avoir après avoir reposé un de ces livres "qu'il faut avoir lu" et à qui on reconnait des qualités mais qui ne nous a pas touché. Les questions métaphysiques de Törless sont abordées de manière intéressante mais n'ont pas déclenchées une empathie particulière pour le personnage dont finalement on a l'impression que toute sa quête tourne lentement autour d'une homosexualité prévisible.
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