Voilà un roman dont le titre et la quatrième de couverture peuvent être trompeurs.
Me Susane, 42 ans, avocate, qui vient d'ouvrir son cabinet, reçoit Gilles Principaux, qui lui demande de défendre sa femme, Marlyne, qui a assassiné leurs trois enfants. Me Susane croit reconnaître l'adolescent avec qui elle a passé un après-midi, dans sa chambre, 32 ans auparavant, dont elle se souvient comme un pur émerveillement alors que son père y voit peut-être une salissure. Elle emploie Sharon, une mauricienne sans papier, dont elle essaye de régulariser la situation.
Seul, ce résumé est factuel et sert uniquement de point d'appui au roman entièrement fondé sur les pensées, les sentiments, les questionnements de Me Susane.
Me Susane est loin de l'image que l'on se fait d'une avocate : elle est gauche, intimidée, mal à l'aise, à la limite asociale; elle ne semble ressentir d'amour ni pour ses parents qu'elle n'appelle d'ailleurs que M. et Mme Susanne ou pour Rudy, un collègue avocat avec lequel elle a vécu, ravie que celui-ci la quitte après quelques années de liaison. Seule, la petite Lila, la fille de Rudy, semble éveiller ce sentiment. Elle a l'impression de faire face à de l'hostilité de la part de ses parents, de Sharon, à la limite de la paranoïa.
Ce roman fourmille de questions auxquelles nous n'aurons pas de réponse, ce qui peut déranger les esprits cartésiens comme le mien : Gilles Principaux est-il l'adolescent rencontré 32 ans auparavant? Pourquoi Marlyne a-t-elle tué ses enfants? Pourquoi Sharon lui cache-t-elle qu'elle travaille pour d'autres femmes? Et bien d'autres pourquoi.
En fait, les réponses sont peu importantes; ce qui l'est, c'est le rapport de Me Susane à ces questions, le cheminement de ses pensées. A partir du moment, où on accepte de ne pas en avoir, ce qui arrive plus ou moins rapidement dans le roman, on peut se laisser porter.
C'est un roman singulier, à l'atmosphère étrange presque onirique, qui baigne dans une sorte de brume; la langue est magnifique, riche, ample; la construction de nombreuses phrases est désarçonnante car l'ordre auquel s'attend l'esprit, sujet, verbe, est complètement chamboulé; une fois la surprise passée, j'ai été séduite par la musicalité et le rythme des phrases. J'ai cependant complètement buté sur le monologue de Marlyne et celui de Gilles, chacun racontant ses rapports à sa famille et au conjoint. Dans celui de Marlyne, les groupes de mots sont entrecoupés de "mais" et dans celui de Gilles, de "car" qui hachent la lecture et dont je n'ai pas compris l'objectif.
Par certains côtés, "La vengeance m'appartient" m'a rappelé "
Ce que je sais de Vera Candida" de
Véronique Ovaldé.
Je ne me suis sentie proche d'aucun personnage, je n'ai pas ressenti d' émotion pour eux mais j'ai apprécié la beauté de la langue, la musicalité du style de Marie N'Diaye.