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Citations sur Chien du Heaume (66)

L'esprit seul sait ce qui gît près du cœur
on est seul avec soi.

Hàvamàl
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Pour la première fois depuis longtemps, le chevalier avait un air de joie et de plaisir collé au visage, et Chien se sentit mieux de le voir presque sourire. Ils prirent trois chevaux, que Bruec gardait encore par habitude, dans l’écurie désertée du castel de broe . Les stalles avaient autrefois été remplies et tout à côté se trouvait un chenil effondré, autrefois si fourni que les aboiements des chiens s’entendaient de la salle même du grand feu. Tout ceci avait disparu, car si un nouveau chevalier dans le château des brumes avait réveillé la région et donné envie aux artisans, dresseurs et soigneurs de venir y gagner leur or, les hivers trop rudes et la solitude du lieu les en avaient doucement repoussés saison après saison. Les bêtes étaient ainsi mortes sans donner de nouvelles têtes, ou tombées malades sans être soignées, au fil des ans et des fatigues des hommes, du manque de mains pour faire le travail qu’auraient demandé de nouvelles naissances.
Pourtant les trois montures étaient belles, grandes et fortes, et n’auraient en aucun cas démérité aux côtés de celles que Chien avait vues sur les champs de bataille. La femme détestait ces animaux de guerre, sept fois plus lourds que les combattants humains. Ils étaient trop rapides pour espérer les semer lorsqu’ils vous chargeaient, trop agressifs pour éviter qu’ils vous poussent sous les coups de leurs maîtres. De fait, ces bêtes de combat étaient dressées à être aussi mauvaises que les pires voleurs des coins des routes ; c’étaient des forces de la nature à quatre jambes, aux sabots ferrés et taillés pour ouvrir les chairs. Même les hommes vêtus d’acier ne savaient pas tenir face à eux dans la bousculade. Ils savaient mordre aussi bien que frapper du pied, se cabrer, retomber sur les gens et les écraser, comme les ailettes de la masse d’arme se creusent un chemin et fouaillent dans la cervelle de l’homme frappé. De fait, les chevaux de guerre étaient des épées, mais sachant réfléchir.
Bruec avait choisi un alezan à tête large, à la liste jaunâtre, dont il tendit les rênes à Chien. Il se garda pour lui un hongre presque blanc, aux yeux d’un rose éteint, et attacha à sa selle, les longes d’une jument grise et musclée qui porterait leurs provisions et une part de leurs marchandises dans ses fontes. La bête avait une expression d’intelligence toute semblable à celle des poissons que l’on tire hors de l’eau et la mercenaire fit un détour pour ne pas passer à sa portée, de peur de se faire donner un coup de pied. Elle était rarement montée sur des animaux de cette taille et elle grimpa sur la selle de son alezan avec toute la grâce dont elle était capable, devinant dans l’instant que le voyage serait douloureux.
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C'est une des raisons pour lesquelles je me bats, donner le repos à ceux qui marchent et ne trouvent que mauvais accueil dans les villages. Les guerriers, les artistes, les ... différents. Beaucoup de ces gens-là ont une pierre d'or dedans le cœur, sans doute la raison pour laquelle il leur est si lourd.
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Chien était fatiguée, et baissa les yeux sur la mousse du sous-bois. Elle y vit une coccinelle. L'insecte s'y promenait, seul, gouttelette de sang rouge sur le vert de la mousse, et rien d'autre ne semblait bouger. Rien qu'une perle écarlate sur un velours couleur de feuille, avançant résolument vers la jambe de Chien.
Et une réalité énorme frappa la guerrière, cette goutte de sang minuscule était vivante; vivante. Cette petite chose respirait comme elle, avait des pieds. Ce ridicule rien du tout avait un coeur.
Et Chien se vit soudain à la place de cette coccinelle, et tous les hommes avec elle; tous, larmes de sang roulant vers d'autres larmes encore, à leur rencontre, avançant sur une mousse qui les buvait doucement. Allant au plus loin avant de disparaître, d'être oubliés, emportés par un monde d'arbres géants et immobiles, sans visages, impassibles et presque immortels.
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Ça puait comme dans l'entrefesson d'un diable, une odeur de pourrissement et de mauvaiseté qui prit la guerrière à la gorge.
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Ils passèrent par des couloirs dont personne n’avait dérangé le sommeil depuis longtemps. Les salles communes et vivantes étaient toutes sur la façade du castel, faites de pierres taillées et de moellons montés les uns sur les autres. Mais ici, le château se perdait dans sa falaise, c’était le roc que l’on avait creusé, percé, et tout son poids qui se faisait sentir.
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Épée : Contrairement à ce qu’on dit souvent, les épées (parlons d’une bâtarde, ce sera plus simple) de l’époque ne sont pas lourdes. Une bonne épée est déjà équilibrée, c’est-à-dire que la moitié de son poids se trouve dans la poignée et la garde, ce qui fait que lorsqu’on la tient en main, on ne fait presque aucun effort. Illustrons : prenez un marteau et portez-le de deux façons différentes. Une fois la main tout au bout du manche, l’auriculaire dans le vide, et une autre l’index et le pouce collés à la tête de l’outil (si un jour cette phrase est sortie de son contexte, ma réputation est faite). Normalement, avec la seconde façon, le marteau semble bien moins lourd. Eh bien les épées, c’est pareil (mais il faut de plus gros clous).
Quant à l’engin lui-même, il pesait entre, soyons fous, un et trois kilos, armes extraordinaires mises à part. Moins lourd qu’un cartable. Moins lourd que certains paquets de lessive. Ça s’envoie en colissimo facile.
Il semblerait que la fameuse épée d’Arnold Schwarzenegger (dans ses films en costumes) ait plus que participé à cette légende tenace, mais ce morceau de métal n’était qu’une haltère en forme d’épée, aussi lourd qu’un âne mort pour bien faire saillir les biscoteaux de notre ami baraqué.
Autre petit détail sordide : oui, les épées médiévales coupaient, et non, leur tranchant n’était pas épais comme un carton de déménagement. Parce que c’étaient des armes, qu’elles tuaient ou blessaient gravement des gens, que de leur qualité dépendait la vie de leur propriétaire, et que des siècles de techniques de forge portent leurs fruits, en général. Elles étaient si coupantes que celles qui ne l’étaient pas portaient un nom : des lames courtoises. Courtoises comme dans « Je vais te fracturer les avant-bras au-dessus du poignet and we’ll call it a day.«
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Bicoque : Malgré un nom étrange que les publicistes d’aujourd’hui hésiteraient à écrire en gros sur les panneaux publicitaires, ce type de casque a été utilisé, non pas à l’époque de Chien du heaume, mais plusieurs siècles après, où il est rapidement tombé en désuétude puisque le moindre choc de moyenne importance brisait ou tordait les charnières, rendant difficile l’extraction de la tête du guerrier. Or, être privé de sa propre tête occasionne certains désagréments au quotidien. Les petites pièces de métal, même d’armure, étaient à l’époque travaillées par des serruriers, métier qui avait en ce temps-là, avouons-le, une autre gueule qu’aujourd’hui.
Il fallait donc un serrurier pour ouvrir les vieilles bicoques, ce qui personnellement me fait beaucoup rire mais explique crûment pourquoi je n’ai pas d’amis.
Le heaume de la Salamandre est une variante de cette bicoque.
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L’archer se nommait Manfred, et aujourd’hui il allait tuer une vieille femme. Une nourrice, plus exactement.
Elle était assise sur l’herbe du pré et jouait avec une enfant. Manfred les regardait toutes deux ; la nourrice, grasse, des cheveux bruns lui tombant devant les yeux, et la gamine, lisse comme une châtaigne, sa robe tachée du pollen des fleurs et les joues rougies par ses galipettes. Elle courait dans les herbes hautes, le nez au vent, riant de tout son cœur, pendant que sa nourrice restait assise, sans doute fatiguée de ne pouvoir la rattraper.
C’était la fille d’un château qui lui avait fourré des pièces dans la main jusqu’à ce qu’il dise oui. Une petite femme grandie avant l’heure, qui lui avait ensuite ordonné : « Tue-la. Trouve-la et mets-lui une flèche dans le cœur. » C’était la dernière mode chez les pucelles, de faire assassiner leurs gens ; une nourrice, comme ici, ou un lettré, une dame de toilette. Les parents n’en savaient rien en général, regardaient leurs filles d’un bon œil, sans comprendre que les rages et les haines brûlaient tout aussi fortement dans les tripes de ces gamines que dans celles des guerriers au visage mangé par la barbe. Manfred faillit ricaner en songeant que ces petites traînées payaient ces meurtres sans même compter les pièces qui leur tombaient des doigts.
Manfred était caché dans le bois qui surplombait le pré et n’y avait pas bougé de la nuit. Il suivait sa cible des yeux depuis le matin, depuis que la nourrice était sortie avec les premiers rayons du soleil. L’enfant avait accouru à sa suite, déjà décoiffée, son bonnet blanc lui battant les épaules, se gonflant derrière elle comme une toute petite voile de navire. L’archer était couché sur deux planches qu’il avait fixées à un tronc assez fort pour le soutenir, lui, sa plate-forme et son arc. De flèches, il n’en avait qu’une, une seule, pâle et fine comme un oiseau. Elle était plus longue que son bras, et Manfred l’avait faite lui-même, comme toutes les flèches qu’il emportait lorsqu’il fallait tuer quelqu’un avec un nom. Les autres, les morts des champs de bataille, n’étaient que de la viande sans famille et sans appuis ; ses flèches de guerre, Manfred les achetait et prenait toujours les moins chères, les plus barbues, les moins bien forgées. Les guerriers se battaient comme des porcs et les blesser était déjà bien assez bon. Manfred préférait toujours qu’on l’envoie à la tuerie d’un seul parce qu’il était le meilleur, qu’on l’envoie lui, tuer quelqu’un. C’était là qu’il se servait de son don, qu’il transcendait son arc de forge et de bois en instrument de mort. Manfred touchait toujours juste. Manfred faisait d’un tir de flèche une œuvre d’art. Manfred en était fier. Quand l’archer partait en guerre, sa guerre secrète et furtive, sa guerre solitaire, il n’y avait pas de cris, de sang ; aucune violence et pas de chocs fer contre fer. Une seule flèche, douce et nette, le bruit d’un baiser contre la chair, toujours à l’endroit choisi, et un corps qui tombe. C’était tout. Manfred connaissait son art. Il n’avait jamais besoin de deux flèches. Une seule, et la nourrice mourrait.
Il parlait d’expérience, puisqu’il en avait déjà tué plusieurs. Assassiner les domestiques était une bonne façon d’envoyer un message aux maîtres de la maison ; et que l’enfant de ces derniers sente le vent de la flèche lui soulever les cheveux faisait entendre le message d’une oreille bien ouverte. Oui, les domestiques, surtout les vieux, ceux que le labeur avait rendus chenus. Ceux qui n’avaient plus de valeur.
Manfred serra un instant la flèche entre ses doigts avant de l’encocher sur la corde de son arc. L’archer bougeait sans bruit, habitué aux longues attentes presque immobiles. Il ne sentait même pas les crampes lui brûler les muscles. Il visa, lentement, cherchant un point d’entrée. Le cou ou la gorge ? Manfred aimait le travail bien fait, et à voir l’enfant, plus dodue qu’un agneau, la nourrice devait prendre le sien au sérieux. Autant épargner l’outil de la femme. Il visa le cou. Là-bas, dans le champ fleuri, la petite fille s’était réfugiée dans les bras de sa nourrice. La gamine éclata soudain d’un rire joyeux et des oiseaux s’envolèrent, dérangés par sa voix claire.
La femme leva le visage un instant, et Manfred vit qu’elle n’était pas si âgée. Elle avait mangé ses trente ans, ce qui était un peu avancé, mais pas vieux. En fait, son visage était marqué par les rides que creusent les soucis, et ses mains étaient fatiguées par le travail. Elle était grasse et décoiffée, et c’était tout ceci qui lui rajoutait de l’âge. Elle aurait pu vivre encore longtemps.
Manfred avait le cou de la nourrice au bout de sa flèche. Il n’en était pas conscient mais il levait imperceptiblement sa pointe de métal à chacun des souffles de la femme. Il se prépara à armer son arc. Il aimait cet instant, était fier de sa force, de sa capacité à ouvrir lentement un arc qu’il était l’un des seuls à pouvoir maîtriser sans se couper les doigts. Manfred était prêt. Le bois se plia sans effort. L’archer regarda une dernière fois la nourrice, étudia le cou gras que percerait bientôt sa flèche et, soudain, tira. Son trait partit avec un bruit sec, et les gouttes de rosée glissèrent le long des feuilles pour tomber en pluie sur lui. La femme, dans le pré, entendit le tir. En un instant, elle leva la tête, saisit l’enfant par la chemise et la jeta devant son visage comme un bouclier. La flèche vint casser les côtes de la gamine et s’y enfoncer, et Manfred entendit son cri au milieu des herbes, celui d’un chiot qu’on écrase du pied. De surprise, l’archer lâcha son arc. La femme voulut jeter l’enfant au sol, mais trébucha ; la flèche s’était logée dans son avant-bras. Elle fit glisser la gamine jusqu’à l’empennage, et força le corps sur les plumes jusqu’à ce qu’il tombe. Puis elle saisit la flèche à pleine main, cherchant l’archer des yeux, et arracha la pointe sanglante de sa chair.
Manfred ne bougea pas. La femme ne pouvait pas le voir. Il était caché haut dans les arbres, immobile derrière les feuillages. Il tendit la main vers son arc, pour le reprendre. Mais l’arme, comme fâchée de cette trahison, se mit à glisser vers le bord des planches. Manfred tenta de le saisir, mais l’arc tomba de sa plate-forme et alla percuter les branches plus basses sur le tronc.
Manfred leva les yeux. Dans le pré, la femme venait d’entendre, et elle tendit la flèche vers son archer, tout au bout de son bras ensanglanté. Elle se mit à courir au moment où il commençait à descendre de son arbre.
Manfred posa le pied sur le sol de la forêt et comprit, avant la douleur et la mort, que la femme courait bien plus vite que lui. Il comprit aussi que ses rides étaient des cicatrices, et que ses mains étaient brûlées par le travail des armes. Il y pensait encore lorsque la femme le rattrapa, se jeta sur son dos et lui enfonça sa propre flèche sous la mâchoire. Le fer fendit en deux la langue de l’archer, creva son palais et les os de son crâne. La dernière chose qu’entendit Manfred avant que la femme commence à remuer la pointe de flèche à l’intérieur de sa tête pour changer sa fierté et son art en bouillie grise, ce fut :
– Je suis Chien du heaume, fils à putain, et de l’autre côté tu sauras qu’il faut un dard plus puissant que le tien pour me percer le cuir.
Et c’est ainsi que je commencerai mon histoire.
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La survie par les histoires, c'est le seul nerf de celui qui tient une épée, belle dame: il n'y en a pas d'autre. Vivre encore après son trépas, tout auréolé de gloire et de furie. Qui serait assez fol pour s'en aller se faire trouer la panse si personne, une fois qu'il sera mort, ne composait sa chanson?
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