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Citations sur Quand on eut mangé le dernier chien (22)

ohnson avait toujours été une gentille bête, loyale et travailleuse. Les hommes furent attristés de sa mort. Ils tentèrent de découper sa viande en lamelles avant de la faire bouillir dans l’eau, et d’y ajouter quelques pincées de pemmican. Le repas les laissa affamés. Les chiens dévorèrent la carcasse, arrachant les tendons et les cartilages, déchirant la peau, broyant le crâne. Mawson se surprit à se demander s’il les enviait de prendre plaisir à ce repas. Lorsqu’il vit la chienne gober les dents nues Johnson tombées dans la neige, il estima que non.
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Mawson connaissait le soudain éclat de lumière pure, reflété par une glace aussi translucide qu’un cristal. Il se souvenait très vivement de cet instant brutal où le soleil frappe sans aucun filtre au fond de l’œil et de la brûlure atroce ressentie par la cornée, frappée comme par la foudre.
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Ici, on ne mangeait pas pour grossir, grandir, se sentir repu. On mangeait pour repousser encore le moment de la mort.
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Mawson avait croisé des tempêtes, aussi bien sur terre que sur mer : elles restaient toujours à une certaine échelle humaine. On pouvait imaginer la volonté d’un Dieu ou d’une déesse s’en prenant aux hommes et à leurs constructions, voulant leur faire revenir en bouche le goût de la boue des débuts du monde. Il y avait de la sauvagerie, mais une sauvagerie que l’on pouvait appréhender. Ici, c’était autre chose. Ici le vent dansait à sa façon et rien, absolument rien, ne savait danser avec lui.
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Hors de la tente, un des chiens se mit à hurler. On ne pouvait guère entendre son cri, mais on le ressentait, dans la chair : une vibration organique, vivante, au milieu des rugissements de vents si durs qu’ils en devenaient minéraux.
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Mawson savait qu’il n’existait pas de mot pour en parler, puisque les mot étaient une façon de communiquer entre les Homme et que le Sud était par essence totalement inhumain.
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L’expédition était composée des trois hommes, Mawson, Ninnis et Mertz, de dix-sept chiens et de deux traîneaux. Les explorateurs se répartissaient les tâches: guider les bêtes, ouvrir la route à skis ou, enfin, se reposer sur le traîneau de queue. L’affaire, sur le papier, présentait une facilité déconcertante : les trois s’étaient entraînés durant des mois et Mawson avait choisi ses deux compagnons parmi les milliers d’autres volontaires venus des quatre coins du monde. Personne n’aurait pu mettre en doute leur motivation et leur compétence. De plus, Ninnis et Mawson étaient d’excellents skieurs, mais Mertz poussait la compétence jusqu’à avoir escaladé les sommets des Alpes et avoir été parmi les champions de ski de Suisse.
C’était lui qui, ce matin, ouvrait la marche et Mawson discernait très nettement, au loin, sa petite silhouette noire glisser sur la surface de la banquise. Mawson vit aussi, malgré l’épaisse couche de vêtements et la distance, s’affaisser les épaules du skieur.
Mawson chuchota pour lui-même :
— Sastrugi.
Mertz se tournait déjà vers les traîneaux et criait :
— Sastrugi !
Les sastrugi étaient une mauvaise nouvelle : la promesse d’heures exténuantes à tirer les traîneaux aux côtés des chiens. Mawson ouvrait déjà la bouche pour faire part de sa déception à Ninnis, mais se retint. Il secoua la tête comme pour changer d’humeur et parvint à lancer d’un ton léger au Lieutenant :
— Nous avons déjà bien avancé ce matin et les sacs de couchage sont secs ! Que pouvions-nous demander de plus ?
Ninnis sourit, aussi serein que s’il était à un pique-nique de printemps.
— Avoir déjà passé, et une poignée d’heures, et ce champ de sastrugi ! Avoir monté la tente et tenir une tasse de thé entre nos mains !
Et Mawson, cette fois-ci, rit franchement.
— Je ne saurais mieux dire, Ninnis! Je ne saurais mieux dire.
Lorsqu’ils rejoignirent Mertz, le Suisse avait déjà retiré ses skis : ils ne serviraient à rien dans un champ de sastrugi.
Il s’agissait de crêtes de neige aiguës, toutes parallèles, montant au moins jusqu’aux hanches, parfois au sternum. Le vent changeait ces dunesen glace transparente et Mawson, en voyant leur dos lisse et bleu percer la surface poudreuse de la banquise, songeait aux ailerons des dauphins qui accompagnaient parfois les bateaux sur l’océan. Les sastrugi étaient dures comme de l’acier et rencontraient presque toujours le chemin des explorateurs de façon perpendiculaire. Les patins des traîneaux ne pouvaient les briser pour s’y faire un chemin et les passer à skis relevait du numéro d’équilibriste: on ne pouvait tenir que sur le sommet de deux crêtes et le bois des skis pliait comme un arc, puis se brisait. Il n’y avait guère que deux solutions : faire un détour, ou s’y frayer un pénible chemin, à pied, en aidant les chiens à faire monter et descendre les traîneaux, tout en s’assurant que les cargaisons ne se renversent pas. Les sastrugi se passaient à la force des bras, et les trois hommes ne le savaient que trop bien.
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Hors de la tente, un des chiens se mit à hurler. On ne pouvait guère entendre son cri, mais on le ressentait, dans la chair: une vibration organique, vivante, au milieu des rugissements de vent si durs qu’ils en devenaient minéraux.
Mertz se mit à rire. Il était brun, petit, physique. Il avait une présence d’ourse au milieu de la tente et de la neige : une présence chaude, réelle. Dans ce désert de glace, il avait une maté- rialité non négligeable, quelque chose de posé, quelque chose qui existait malgré les centaines de kilomètres de banquise s’étendant autour de la petite tente.
Mertz se mit à rire, donc, et Ninnis rit à son tour, parce qu’il savait ce qui allait suivre.
Ninnis était très jeune, comme seuls savent l’être les Anglais à vingt-cinq ans : encore blond d’enfance, délicat et tendre. On aurait dit une poupée de porcelaine et, si on lui avait retiré ses vêtements, on se serait attendu à voir, aux articulations de ses coudes et de ses genoux, de jolies cordelettes tenant les différentes parties de son corps en pâte de verre.
— C’est La Chienne, expliqua Mertz à Mawson. Elle n’est pas contente.
— Il me semble que je n’ai jamais vu La Chienne être contente, répondit Mawson.
Mawson était, lui, aussi fantasque qu’une expérience scientifique. Il était géologue et cette description se suffisait sans doute à elle-même, si on y ajoutait qu’il était anglais.
— Et pourquoi n’est-elle pas contente, d’ailleurs ? demanda Mawson.
Mertz et Ninnis échangèrent le regard des jeunes mères, lorsqu’on leur pose une question d’une incroyable sottise sur les nouveau-nés. Mertz et Ninnis s’occupaient des chiens depuis des mois. Ils les connaissaient comme on connaît sa maison et son domaine, sa poche et sa chambre.
— Elle attend sa portée, Douglas, répondit Ninnis à Mawson avec un sourire.
— Je ne suis pas certain que cet état explique toute sa mauvaise humeur, répondit Mawson. Mertz et Ninnis rirent encore.
— Mawson, ajouta Mertz, je me garderais bien de dire à La Chienne ce qu’elle doit penser. Je ne suis pas aussi brave que vous.
Ce fut au tour de Mawson de rire, ou de sourire en coin, ce qui chez lui revenait presque au même.
Mertz posa le poing sur la toile de tente. Même ici, dans la toute relative chaleur du petit poêle Primus allumé, les trois hommes ne retiraient, au mieux, qu’une couche de vêtements, et Mertz portait encore ses mitaines et ses gants. Ses moufles pendaient au bout du cordon passé dans les manches de son manteau du dessus. Mawson connaissait par cœur ce geste, qu’il faisait lui aussi. Poser le poing sur la toile de tente, tâter le vent, sentir ses coups de boutoir déchirants. Mawson avait croisé des tempêtes, aussi bien sur terre que sur mer : elles restaient toujours à une certaine échelle humaine. On pouvait imaginer la volonté d’un Dieu ou d’une Déesse s’en prenant aux hommes et à leurs constructions, voulant leur faire revenir en bouche le goût de la boue des débuts du monde. Il y avait de la sauvagerie, mais une sauvagerie que l’on pouvait appréhender. Ici, c’était autre chose. Ici, le vent dansait à sa façon et rien, absolument rien, ne savait danser avec lui.
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[...] Confrontés aux longues heures d’efforts et au froid terrible, les trois hommes avaient faim en permanence.
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[...] Les vêtements devaient être imperméables au vent et, de fait, l’étaient aussi à l’eau. La sueur restait dans cette bulle et y moisissait à son aise.
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