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Citations sur Quand on eut mangé le dernier chien (22)

Ici était la terre du dénuement, ici était la terre de la mortification. Pouvait-il mourir, en avait-il le droit, seulement, tant qu il lui restait de quoi manger et de quoi avancer ? Peut-être pas. Était-ce la faute de ce continent était-ce sa volonté de consumer par les flammes de la glace tout ce qui s’y trouvait ? Non sa rudesse composaient toute sa nature. Mawson pouvait-il en vouloir à la banquise ? Il savait qu’il nourrissait une colère contre elle un ressentiment profond, brutal.
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ohnson avait toujours été une gentille bête, loyale et travailleuse. Les hommes furent attristés de sa mort. Ils tentèrent de découper sa viande en lamelles avant de la faire bouillir dans l’eau, et d’y ajouter quelques pincées de pemmican. Le repas les laissa affamés. Les chiens dévorèrent la carcasse, arrachant les tendons et les cartilages, déchirant la peau, broyant le crâne. Mawson se surprit à se demander s’il les enviait de prendre plaisir à ce repas. Lorsqu’il vit la chienne gober les dents nues Johnson tombées dans la neige, il estima que non.
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Mawson connaissait le soudain éclat de lumière pure, reflété par une glace aussi translucide qu’un cristal. Il se souvenait très vivement de cet instant brutal où le soleil frappe sans aucun filtre au fond de l’œil et de la brûlure atroce ressentie par la cornée, frappée comme par la foudre.
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Ici, on ne mangeait pas pour grossir, grandir, se sentir repu. On mangeait pour repousser encore le moment de la mort.
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Mawson avait croisé des tempêtes, aussi bien sur terre que sur mer : elles restaient toujours à une certaine échelle humaine. On pouvait imaginer la volonté d’un Dieu ou d’une déesse s’en prenant aux hommes et à leurs constructions, voulant leur faire revenir en bouche le goût de la boue des débuts du monde. Il y avait de la sauvagerie, mais une sauvagerie que l’on pouvait appréhender. Ici, c’était autre chose. Ici le vent dansait à sa façon et rien, absolument rien, ne savait danser avec lui.
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Hors de la tente, un des chiens se mit à hurler. On ne pouvait guère entendre son cri, mais on le ressentait, dans la chair : une vibration organique, vivante, au milieu des rugissements de vents si durs qu’ils en devenaient minéraux.
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Mawson savait qu’il n’existait pas de mot pour en parler, puisque les mot étaient une façon de communiquer entre les Homme et que le Sud était par essence totalement inhumain.
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Il n'avait pas voulu croire à ce que disaient les lettrés anciens de la nature de la chair: qu'elle était plaie vive, support de la misère humaine.
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Le comptage des rations restantes fut le chant funèbre donné en l'honneur de Ninnis. Les colonnes griffées sur le papier furent son dernier missel. Les chiffres donnés à voix haute rendirent sa mort réelle et, d'une certaine façon, définitive. Elle l'était depuis le premier instant, mais ce témoignage était le premier écrit, la première preuve qui reviendrait avec les deux hommes sur le continent. Mawson en ressentait de la douleur, mais aussi une certaine sérénité. Noter, comptabiliser, lui donnait l'impression de faire quelque chose, d'agir, et il savait qu'il en avait grand besoin.
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Ces dix-sept là étaient des Groenlandais. La sauvagerie de cette race ne savait mentir et ces chiens avaient été utilisés depuis la nuit des temps pour la chasse à l’ours polaire. Les ours faisaient trois mètres de long pour parfois huit cents kilos et ces chiens, d’à peine trente, n’hésitaient guère à s’attaquer à eux. Leur corps était assez trapu, leur tête, semblable à celles des vaches, pensait souvent Mawson : lourde, dense, épaisse comme une enclume. Ils étaient faits pour la glace et l’extrême solitude du dernier continent. Chiens venus de Sibérie, ils possédaient une puissance incroyable, une volonté de brute, une endurance qui dépassait même celle des tempêtes et un tempérament aussi sauvage que la glace elle-même. Mawson avait entendu parler de chiens ayant dévoré leur harnais, clous et chaînes y compris, et ne doutait pas de la véracité de ces histoires.
Mawson n’avait pas le sens des bêtes comme pouvaient l’avoir Ninnis et Mertz, mais il devinait que les Groenlandais ne servaient pas les trois hommes : ayant un besoin viscéral de s’épuiser, ou d’essayer de s’épuiser, les dix-sept profitaient des explorateurs qui les alourdissaient de leurs traîneaux.
La Chienne avait réussi à calmer les seize autres et elle-même, ce qui était sans doute la tâche la plus compliquée, et les trois hommes redressèrent les traîneaux. Mawson fit :
— Mertz, montez sur le premier, prenez une couverture pour vous asseoir sur les caisses. Vous avez ouvert le chemin tout ce matin, vous avez travaillé pour trois. Laissez-moi prendre le relais.
Mertz hésita. Sous une apparence très calme, l’homme avait pourtant quelque chose qui le rapprochait des Groenlandais. Il désirait sentir la banquise sous ses pieds, se dresser contre le vent et sentir la morsure de la glace.
— Mertz, argumenta Mawson. Vous êtes fatigué et nous avons besoin de vous. Prenez soin de Ninnis et de moi en prenant soin de vous-même.
Mertz lança un long regard à Mawson, un regard aussi brun et expressif que celui de ses chiens. Et puis, il hocha la tête et, le cœur lourd, monta sur l’un des traîneaux.
Mawson se concentra, étira ses muscles, et se mit soudain à courir. Il fallait donner un objectif aux chiens, ils étaient faits pour cela et rien d’autre : avancer, avancer encore, et en cela, Mawson les respectait profondément.
Mawson courut ainsi, choisissant le chemin le plus aisé, celui où les traîneaux passeraient le mieux, là où les sastrugi étaient assez basses pour que les chiens les sautent ou les escaladent à grands coups de griffes. L’homme était dans une bulle. Le dernier continent était à la fois très clos et ouvert, jusqu’à un horizon qui semblait donner sur l’espace même. On n’y voyait pas les distances et la lumière y frappait d’un cru impossible à imaginer. Aucun arbre, aucune herbe, aucun animal pour troubler la vue ni la cibler sur un objet quelconque. Rien, rien jusqu’au ciel, ni rien non plus dans celui-ci. Et pourtant : clos, car on ne voyait cet infini qu’au travers de lunettes de bois fendu enfoncées dans plusieurs cagoules encroûtées d’une couche de glace. Il fallait régulièrement briser cette visière qui repoussait presque aussitôt. Les sons semblaient étrangers, eux aussi. La respiration résonnait dans les capuchons, et lorsque le vent ne hurlait pas à vous en arracher l’esprit, les sons semblaient plats, tombant des bouches et des objets. C’était une terre de secrets : on n’y voyait rien, on n’y entendait rien.
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