Seul celui qui a totalement accepté la solitude peut prétendre être accompagné. (p. 105)
Et pourquoi nous ne partons pas ? Pourquoi nous ne quittons pas nos foyers rassurants où l'ennui nous fixe plus sûrement qu'aucun élan nous transcende, pourquoi nous ne filons pas un soir avec trois chemises dans une valise ? Parce que nous avons peur, parce qu'il nous a été enseigné qu'il n'y a point de salut hors du foyer, de la famille, de la sociétè, d'un emploi stable, et pourtant il n'y a rien de plus faux.
Yasuki me dit qu'il y a deux hémisphères sur la terre pour que les êtres humains ne dorment pas tous en même temps ; sans quoi il n'y aurait plus assez de rêves pour faire exister le monde. p 148
Oser demander, en ayant fait le deuil de l'espoir d'être entendu, cela pourrait peut-être se rapprocher d'aimer, pensa-t-il. Oser manifester son besoin de l'autre -- cette beauté de la nécessité de se tresser au monde -- et savoir que l'on sera toujours seul. p 89
"Où puis-je trouver la connaissance ? " Je sais maintenant où elle est : dans le vide. Et j'apprends ainsi cette chose : qu'aller vers la connaissance c'est aller justement vers ce que l'on ne connaît pas. Vers l'inconnu. Et que c'est absolument effrayant.
... c'est un privilège de connaître la perte de son vivant. Avant la mort, et au plus tôt. Car pour perdre, il faut avoir conquis, c'est-à-dire tout misé, il faut avoir pris le risque de vivre. Beaucoup rencontrent l'absence, mais la perte c'est autre chose. Ce sont ces blessures qui nous ouvrent comme une baie en plein poitrail. À un certain moment de la vie, tout le monde abrite peut-être en lui cet espace de terreur désolée. C'est un privilège de l'avoir connu jeune, et même enfant. Car alors il reste toute la vie pour faire le chemin jusqu'à la plénitude du vide. p 99
Il marche lentement, comme accablé par l'illusion du monde. Ses chaussures noires sont élégantes et disent quelque chose de la dignité de son âme. (p. 107)
La littérature est faite d'hommes et de femmes qui, à l'aide du verbe, perforent littéralement le monde pour y faire surgir le réel. Là est la connaissance, là est le vrai travail, là est l'amour.
Que votre livre n'ait pas rencontré de succès, c'est une chose toujours difficile pour un écrivain jusqu'à un certain point. Une fois ce seuil franchi- de la déception profonde et de la blessure effective- on avance, me semble-t-il, au service du verbe sans plus le souci de plaire à quiconque, avec cette seule ambition de nourrir un rêve bien plus grand et bien plus beau : celui d'être un homme, en vérité. (p. 155)
Est-elle [la littérature] plus vivante que la vie? Est-ce elle la vie vivante? Elle qui double la vie, lui ouvrant l'espace divin où être. Elle qui, par la puissance du verbe, en nous séparant du monde nous relie à tous les mondes, supportant de nous faire passer de l'un à l'autre sans devenir fou?
N'y a-t-il rien d'autre à atteindre que soi-même, accomplir sa singularité la plus unique ? (...)
je sais qu'accepter d'être seul est l 'évènement le plus discret et le plus important de toute la vie. (p. 122)
Je pleure comme si j'étais toute petite. Ce que je suis dans la grande cour de l'univers où je viens d'entrer: une toute petite fille avec un immense besoin de consolation. (p. 101)