Bien avant de commencer la lecture de
Surface, j'avais eu des retours assez mitigés de la part de mon entourage, avis mitigés dont j'ai retrouvés quelques-uns dans les chroniques du site Babelio.
Avis empreints de « déclinisme », argumentant sur le supposé pétage de plomb de l'auteur grisé par le succès qui, pour répondre aux oukases de son éditeur ou de son inspecteur du fisc se met à écrire pour des raisons alimentaires, commerciales ou pire les deux
Heureusement, je suis resté sur ma décision de lire ce roman en oubliant ce que l'on m'avait dit ou ce que j'avais lu
Je ne l'ai pas regretté.
Surface est un récit qui s'inscrit dans la geste « norékienne », explorant une facette du métier de policier qui ne l'avait pas encore été.
Quittant les banlieues et la jungle de Calais, Norek nous plonge dans la France rurale, celle que l'on traite de périphérique, oubliée de l'Etat (qui en l'occurrence ne mérite par un E), se débattant pour maintenir une activité économique et les services publics que tout citoyen est en droit d'exiger.
Le récit commence en région parisienne lorsque Noémie Chastain, une inspectrice du 36 reçoit une décharge de plomb en pleine tête, à six heures du matin, alors qu'avec son équipe elle s'apprête à procéder à l'interpellation d'un dealer, Sohan, « Une ordure qui coupait sa coke avec de l'héroïne, histoire de rendre addict au premier sniff. »
La description de la scène est d'un réalisme auquel Norek nous a habitués. Rien à dire.
Pour le Capitaine Chastain, la descente aux enfers commence. Grièvement blessée en opération, elle doit démontrer, après sa convalescence, qu'elle est en capacité de reprendre son activité, sans mettre en danger la vie de ses équipiers. Et là, ça coince.
Sa hiérarchie lui met un marché en mains. Trente jours à la campagne. Au commissariat de Decazeville (Aveyron) ou l'on s'interroge sur la nécessité de maintenir une équipe conséquente, dans cette zone Gendarmerie.
On fait ainsi d'une pierre deux coups, on permet à Chastain de se requinquer et on lui demande de pondre un rapport permettant de « liquider » le commissariat de Decazeville.
Vous l'aurez compris rien ne se déroulera comme prévu.
Chastain arrive auréolée de gloire. Elle ment avec aplomb à ses nouveaux collègues qui se réjouissent « Un nouvel officier, ici, ça prouve que le ministère nous fait encore confiance. », persuadée qu'elle est de leur inutilité, et certaine de rentrer à Paris dans les trente jours qui lui ont été impartis.
Mais pour elle, les choses ne se déroulent pas non plus comme prévu.
Chastain se bat avec ses démons, le coup de feu qu'elle a reçu, l'a complètement défiguré, son compagnon et collègue Adriel, l'a plaqué, et elle doit se soumettre à un suivi psychologique quotidien avec le Docteur Melchior via Skype.
Elle découvre, via la plume ciselée et précise de Norek, ce qu'est la vie dans une commune rurale, elle se confronte avec la proximité des personnes et contrairement à Paris avec le non anonymat du policier dont on attend beaucoup alors qu'il a peu à donner.
Norek décline une vision assez juste et réaliste de sujets qui sont au coeur de l'actualité, comme le maintien des services de police et de gendarmerie dans les zones à faible densité démographique dont on pense à tort qu'elle ne génère qu'une délinquance marginale, peut-être risible pour le policier des villes mais ressenti comme une agression injustifiable pour les habitants de ces zones..
Chastain sourit en voyant le bilan des activités « Diverses dégradations de biens privés, une moissonneuse-batteuse volée et évidemment retrouvée dans l'heure suivante (…) une belle affaire de Bousquet qui avait mis la main sur un champ entier d'herbe de cannabis (…) deux ou trois poivrots à dégriser (…) ». Rien à voir avec son activité du 36 et « L'impression d'être passée au ralenti. »
Norek utilise ce ressort rural contre urbain pour donner une coloration particulière à son récit.
Les choses s'emballent quand la découverte d'un cadavre d'enfant fait ressurgir l'histoire ancienne du village. La construction du barrage d'Avalone en 1994 s'est traduit par l'engloutissement du village et sa reconstruction à l'identique par la société
Le Maire Pierre Valant a été aux avant-postes de ce projet, comme il l'est aujourd'hui pour la création d'un pôle d'activités par une entreprise chinoise.
C'est dans ce contexte de lutte pour la survie du village dans lequel le Maire utilise tous les moyens que lui donne sa fonction que Noémie Chastain va se débattre, n'hésitant pas à remonter vingt-cinq années en arrière pour élucider la disparition de trois enfants du village autour du chantier du barrage malgré la conspiration du silence.
Un récit maîtrisé de bout en bout faisant jouer toutes les facettes des personnages impliqués dans ce drame et restituant le contexte dans lequel se déroule une enquête remontant vingt-cinq ans en arrière.
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