J'ai beaucoup apprécié ce roman, et ne suis même pas loin du coup de coeur.
Nous apprenons sur la 4ème de couverture que l'auteure a été bercée avec les contes polonais de sa grand-mère et a grandi avec
Tolkien. On retrouve cette capacité à créer un univers, une cartographie, et une toponymie, ce qui fait souvent le charme des mondes imaginaires de la fantasy.
Nous entrons donc de plain-pied dans un univers d'heroic fantasy mâtiné de sorcellerie, et découvrons peu à peu ce monde et ses dangers dans les pas d'Anieszka, jeune fille terriblement maladroite et délurée, qui vit heureuse avec ses parents, dans cette vallée du Fuseau qu'elle aime de tout son coeur. C'est elle que va choisir, contre toute attente, le seigneur magicien Sarkan, plus communément appelé le Dragon, sec, froid et sarcastique. Il l'emmène dorénavant vivre dix ans dans sa tour, avec l'objectif d'apprendre la magie.
Anieszka irrite son professeur au plus haut point : il est vrai qu'il la laisse livrée à elle-même se débrouiller toute seule, et qu'elle est étourdie et gaffeuse. Elle a même du mal à pratiquer les exercices simples de magie qu'il lui propose au début de son initiation, exécutant tout de travers...
Pourtant, le danger se rapproche, avec le
Bois qui regagne sans cesse du terrain, avalant des villages, commettant diverses horreurs, lorsqu'il possède des hommes ou animaux pour se livrer au massacre, ou les absorbe dans les arbres-coeurs, digérés sous l'écorce de ces êtres avides. le
Bois est à la fois une forêt maléfique entre les villages et les montagnes, et une entité faite de haine, de vengeance, de manipulation, commune aux arbres et aux créatures de cette forêt mortelle.
Alors que les hommes des régions environnantes, divisés, se livrent à la guerre, Anieszka met en oeuvre sa propre façon d'exercer la magie, et s'associe à Sarkan pour tisser ensemble des sorts afin de protéger leur royaume du Mal. C'est en sorcière puissante, à l'écoute de son intuition et de la voix de sa vallée qu'Aniezska se révèle, et affronte le Mal caché dans le
Bois, jusqu'à l'intérieur de ses cauchemars.
Naomi Novik livre ici un roman âpre, parfois violent et cauchemardesque dans la plus pure veine fantastique, parfois doux et chaleureux, voire nostalgique, faisant la part belle à la nature, aux sens et aux mots, magiques ou non, qui les énoncent. Elle nous fait vivre le temps de ces 500 pages dans un univers très réel, et nous nous prenons d'affection pour cette héroïne débrouillarde et volontaire, attachante et... puissante, et pour les personnages qui l'entourent.
L'écriture est toujours efficace, ciselée dans ses évocations, elle nous entraîne dans son cours comme le Fuseau, rivière magique qui serpente en chantant toujours, même dans le territoire ennemi, et par mille détours parvient à son but.