"One Piece" le manga phénomène qui a déjà dépassé les 350 millions de ventes… Il fallait bien que je me lance un jour, et j'y suis allé à reculons tant l'image que je m'en faisais étaient mauvaise : la faute à toutes les fois où je suis tombé à la télé sur l'adaptation animée de bien moyenne facture, techniquement pauvre (comme la plupart des animes à saisons de 52 épisodes), et bien mal doublée (mais ça, c'est la norme depuis bien des années déjà ! VDM), en dépit d'OST que j'ai pourtant trouvées assez réussies. J'ai donc (re)découvert un shonen aux tomes bien remplis, plein de cases et de textes, qui forme une oeuvre mine de rien dense et riche. Les dessins sont bien maîtrisés même s'il on sent que les graphismes qui font la part belle aux loufoqueries diverses et variées (le fameux style d'
Eiichirô Oda) piochent dans la boîte à outil d'
Akira Toriyama qui avait opté pour l'épuration et le cartoonesque, je cite, « parce que c'était plus simple et plus rapide à dessiner » (d'ailleurs
Eiichirô Oda refuse d'utiliser des trames, parce que ça prend trop de temps : toute la profession tombe des nues…). Il faut dire qu'il a été l'assistant de
Nobuhiro Watsuki sur "Kenshin le Vagabond" (qui transformait les samouraïs de l'ère Meiji en super-héros / super-vilains) et le collègue de
Hiroyuki Takei (auteur de "Shaman King", qui commençait bien, qui s'est perdu en chemin et qui a fini en eau de boudin).
L'univers est assez simple dans ses grandes lignes : Red Line, le ruban continental qui s'étend du Nord au Sud, et Great Line, la route maritime qui relie l'Est à l'Ouest, qui séparent les océans North Blue, East Blue, West Blue et South Blue… Et tout le monde est à la recherche du « One Piece », le célèbre trésor du défunt seigneur des pirates Gold Roger
Toujours pas fan des background achronique, qui ici mélange pirates du XVIIe siècle et officiers de marines du XXe siècle pour des raisons que la raison ignore. On m'a dit qu'il fallait attendre la fin d'introduction de 12 tomes (qui correspond grosso modo au temps que met Luffy pour recruter sa fine équipe), puis la fin de l'exposition de 34 tomes pour que la série prenne son envol… Sérieux, il faut plus de 30 tomes pour entrer dans le vif du sujet ? La plupart des bons mangas sont depuis longtemps terminés avec ce nombre de volumes… Mais bon, la série a été conçue pour durer, durer, et durer encore le Weekly Shonen Jump étant encore traumatisé par l'arrêt de "Dragon Ball" qui lui a coûté un tiers de ses lecteurs au début au milieu des années 1990.
Les shonens ont pour public cible les jeunes de 7 à 15 ans, mais celui-ci vise carrément les plus jeunes tellement il est gamin… "One Piece" est parfait pour les moins de 12 ans certes, mais qu'en est-il pour les autres ? Moi perso j'ai eu l'impression d'un mélange entre "Bob l'éponge" et "Inspecteur Gadget" avec des pirates hipsters/gangstas/rastas... (L'auteur dit s'être inspiré de "Vic le Viking", la série animée des années 1970 à destination des plus jeunes, d'où sa vision naïve des vikings d'ailleurs ^^). Bref, il faut quand entrer dans les délires de l'auteur pour profiter du voyage…
Les personnages :
Ils se résument tous à un rêve à atteindre, et une qualité & un défaut, bref malgré leur capitale sympathie ils sont monolithiques, les personnages secondaires sont encore plus simplistes car utilitaires (genre le nain rasta coincé dans un coffre à trésor dans le tome 3). Toutefois force est de constater que c'est compensé par les flashbacks sur fond noirs qui viennent apporter du background auxdits personnages (apparemment c'est Eiichirô Oda qui a lancé inauguré ce truc assez malin)… Et même si c'est vachement moins saoulant que dans d'autres shonens, il y a cette manie qu'on souvent moult personnages de s'exciter en permanence et de gesticuler à tout bout de champs quant ils ne hurlent pas à qui mieux-mieux…
Le nom des attaques du héros :
“chewing punch”, “chewing rocket”, “chewing hammer”, “chewing balloon”, “chewing bazooka”, “chewing rafale”… On se croirait dans une parodie de manga de catch ! (le mangaka semble un grand fan de "Kinnikuman" / "Muscleman" ^^)
Les antagonistes :
Les boss cabotineurs, les lieutenants grotesques, les sbires cartoonesques… On se croirait dans un mauvais tokusatsu ! (Je te vois Hiro Mashima de "Fairy Tail", pas la peine de plagier ça…)
Evidemment les situations, les dialogues et l'humour s'en ressentent car les principaux moteurs de l'action sont la naïveté des good guys et la connerie des bad guys (« OMG on nous a menti », « oh le fourbe avait une armure sous ses vêtements », « il a changé son pavillon, quel tricheur ! », « on a oublié de monter la garde pendant la pause déjeuner », « oh mince, on a pas fermé à clé la porte de la salle au trésor, « nous sommes perdus parque personne nous a dit où était le Nord », « attention Jango l'hypnotiseur est un hypnotiseur qui peut hypnotiser », et autres « les enfants, dites à Guignol où est le méchant qu'il faut bastonner ? »…).
Du coup ça peut vite devenir répétitif, d'autant plus que le même schéma revient à chaque arc : nouveau lieu, nouveaux antagonistes (généralement des méchants pirates qui tyrannisent la population locale), la team Luffy se sépare, les potes de Luffy combattent les lieutenants du super vilain of the week, et Luffy se charge lui-même du super vilain of the week. (Je te vois Hiro Mashima de "Fairy Tail" qui a repris tout ça !)
Ce tome 21, intitulé "Utopie", est dédié à la baston :
* La baston entre Sandy et Mr 2 et est un gros pastiche de shonen nekketsu, avec les parodies de scènes cultes d'"Ashita no Joe", "Hokuto no Ken" et "Saint Seiya", (répliques et bruitages compris), mais rien à faire je me bats les steaks des fulguro-travelo-punch, le bal du cygne déchu, l'arabesque du cygne, souvenir d'un jour d'été, souvenir du ciel d'hiver, travelo-manchette, kick-pointe, mascara boomerang d'un côté, et des collier, épaule, côtelette, selle, poitrine, gigot, basse-côte, shoot mouton de l'autre… Je sais que
Mitsutoshi Shimabukuro s'est inspiré d'
Eiichirô Oda, mais rien à faire on plus le Toriko de l'un est vachement plus cool que le Sandy de l'autre…
* La baston entre Nami et Miss Doublefinger met en valeur les petites cellules grises de la cartographe voleuse face boobs et aux muscles de celle qui a mangé le fruit du piquant (Stinger, Double Stinger, Stinger Hedgehog, Sewing Stinger, Sea Urchin Stinger Stinger, Stinger Doping, Stinger Manchette...). Mais ce n'est qu'une suite de gags burlesques autour de la baguette climatique avant le coup de génie de Nami : je trouve vraiment que le mangaka use trop du comique de répétition, parce qu'avec 10 fois le même gag dans le même chapitre c'est too much !
* La baston entre Zorro et Mr 1 qui mangé le fruit tailladant est bien dessinée et très dynamique : c'est Spider, Spur-griffes, Sparkling Daisy, Atomic Spur, Spiral Hollow et Spur Break contre Cornes du Taureau, Demon Slash, Fureur du Tigre, Chasse au Crabe et Danse du lion… Mais là encore on est dans la parodie de shonen nekketsu, et dès qu'on lit les phylactères on tombe sur un détournement complet de "Dragon Quest" et cie… assez classe si on n'est pas très exigent, mais par pas super fin pour autant hein ! (je n'ai jamais été fan des pastiches en fait)
Sinon Crocodile annonce qu'il veut récupérer Pluton, une Arme de Destruction Massive caché dans le trésor royal d'Alabasta… J'ai roulé ma bosse et je sais distinguer au premier coup d'oeil les twists préparés de longue date et ceux qui sont improvisés en cours de route, et là l'histoire vire de bord pour la énième fois avec un truc clairement ajouté en cours de route : le manga doit continuer pour durer, durer et encore durer (traumatisme "Dragon Ball")… mais ce n'est plus une oeuvre c'est un produit, ce c'est plus de l'artisanat mais de l'industrie, ce n'est plus de l'art mais du marketing !