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Critique de jcjc352


Une fois n'est pas coutume Ogawa nous sort de ses microcosmes douillets, ils ne le sont pas tous, et féminins pour nous faire entrer dans le monde de la domination, de la soumission et du jeu de la perversion sexuelle. Mari, une jeune fille, doit choisir entre le cocon familial avec sa mère tyrannique, tenancière avare d'un petit hôtel, la femme de ménage voleuse, avec sa vie étriquée et son emploi insipide d'hôtesse d'accueil et l'aventure d'une île, plutôt îlot, agrémentée de sévices sexuels. Naturellement elle choisit un horizon nouveau et confier sa défloration à un inconnu et en plus un vieux. Quand on est jeune et qu'on aime...
Une atmosphère un peu surprenante et envoûtante car on ne s'y attend pas. D'une scène banale de la vie d'une jeune fille et d'un homme âgé que le hasard réunit, on passe presque sans transition à un acte qu'on pourrait qualifier au premier abord de viol mais qui s'avère, étrangement, être un plaisir consenti et partagé.
L'homme est maître du jeu, perversion du bondage, art ancestral pratiqué au Japon, art du fouettage, art de l'humiliation mais pratiques appréciées par la jeune femme. Elle a choisit sa soumission et, "en même temps", ne l'a pas fait, un peu comme le papillon est attiré irrémédiablement par la lumière.
Une véritable ambiguïté que nous propose Ogawa avec tact mais aussi avec une grande habileté descriptive car peu est épargné au lecteur. La jeune fille apprécie à se faire proie. Est-ce que se sont ses «délices passives»*? Est-ce une «situation spécifique de la femme» *?
Ce serait Gabriel Matzneff qui en serait l'auteur… Hum! Hum! Prendrait-on la chose aussi bien? Certes, certes mais c'est une femme qui écrit et qu'on ne peut soupçonnée de pratiquer la culture patriarcale du viol et de plus on est en 1993 et donc ... L'éventuel sévice(s) sexuel devient délice. voilà tout!
Ainsi donc Ogawa suggère que la femme, en toute connaissance de cause puisse se mettre dans des situations qui lui sont préjudiciables sans que l'homme en porte seul la responsabilité, encore que vu l'âge... mais on est au Japon et là-bas tout est différant...
Tout au long de cette narration Ogawa met en relief les goûts morbides De Mari: goûts pour les histoires de morts, fascination pour le vieux soupçonné d'avoir assassiné sa femme, goût pour la souffrance la sienne, celle de la souris moribonde prise au piège, ainsi que d'un autre coté la déchéance d'un vieux, seul, avec un travail peu apprécié un peu gâteux mais autoritaire, brutal et pervers.
Ogawa accentue tout cela avec une atmosphère lourde et poisseuse. Un été caniculaire, une chaleur à faire pourrir les yaourts, une mer couverte de poissons morts, la mort macabre de la femme du vieux, des clients de l'hôtel abominablement odieux sans parler de la mère et de la femme de ménage. Ce qui donne un récit sinistre et angoissant
Toutefois il me semble qu'Ogawa peine a assembler tout ça: les scènes paraissent un peu rapportées et mises là pour faire du remplissage morbide, les articulations artificielles et on ne sent pas la fluidité qu'ont en général ses autres livres. Celui-ci figure parmi ces premiers livres qui étaient des nouvelles donc courtes. Là on est plutôt dans le roman court mais étoffé ce qui expliquerait un rythme heurté qui se cherche.
de plus il manque une conviction: si on comprend Mari, son penchant pour le SM et la nouveauté du plaisir charnel de la contrainte consentie, il est plus difficile de le faire pour le vieux et surtout le neveu. D'ailleurs que vient-il faire là celui-ci presque un cheveux sur le miso, le personnage de trop?
Par contre on reconnaît déjà ses univers confinés: microcosme de l'hôtel, celui de l'île, nombre de personnages restreint, confidences de l' héroïne telles un journal et surtout l'atmosphère suffocante, fantasmagorique et déconcertante.
Une Ogawa en devenir mais qui surprend par le thème de son roman. Bien sincèrement c'est loin d'être le meilleur de ses livres.

* Simone de Beauvoir
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