Très difficile d'apporter une critique de ce livre, car comme souvent dans ce genre de récits autobiographiques qui traitent de la situation des femmes dans un pays islamique, en version particulièrement archaïque et révoltante, ici le Kurdistan irakien, il est nécessaire de différencier le fond de la forme.
Pour ce qui est du fond, après avoir lu
La perle et la coquille de
Nadia Hashimi, récit glaçant du calvaire des femmes afghanes, et plus récemment
Les impatientes de
Djaïli Amadou Amal, version camerounaise du mariage forcé au sein d'une communauté africaine musulmane et polygame, cette version Kurde du malheur des femmes ne peut que renforcer aversion et colère à l'égard d'une religion rétrograde, arriérée et inhumaine qui par ailleurs, lorsqu'elle est éclairée se réclame de la paix et de l'amour.
En ce qui concerne la mécréante que je suis, avec Bénie soit Sixtine qui parle des femmes dans le milieu catholique intégriste, j'aurai pris cet automne ma dose de barbarie et d'obscurantisme.
Avec
La laveuse de mort, l'abjection est totale du début à la fin, faiblement éclairée par la présence du couple de grands-parents, dont la bonté et l'ouverture d'esprit peine à donner une légère respiration à ce livre. On souffre et on a du mal à concevoir que ce qui est décrit nous est contemporain. C'est tellement inconcevable que la lecture en devient pénible: L'enfant qui naît fille d"un mariage arrangé sans amour, sera menacée entre autres délicates attentions islamistes d'être enterrée vivante par son propre père, sauvée in extremis de la circoncision la plus barbare, mais sera finalement abusée par un oncle imam. le tout servi au milieu de crimes d'honneur qui dézinguent les filles dès le lendemain de la nuit de noces, pour cause d'absence de trace de sang… Chez les Kurdes, les femmes sont impures par nature, donc et par conséquent, couramment menacées, frappées, violentées, violées. Mais ces femmes sont aussi menaçantes, délatrices, perfides, car ignorantes, ou jalouses, elles reproduisent fréquemment cette incroyable infamie pseudo-religieuse sur leurs propres filles. Ça c'est le déstabilisant point commun aux trois livres cités!!!
Poursuivie jusque dans son lit d'hôpital au Danemark où elle a pu se réfugier, la jeune Kurde dont on suit le destin chaotique dans ce milieu d'hommes ignares, jaloux, violents, combattants pro ou anti Saddam dans un pays ruiné par la guerre, après bien des épreuves et des traumatismes, continue de craindre les représailles de son père qui cherche à la tuer pour laver son honneur. C'est totalement ahurissant et probablement en grande partie autobiographique.
Pour le courage dont fait preuve
Sara Omar quand elle questionne le Coran en citant des versets plus que problématiques par la bouche de son grand-père, qu'elle décrit comme un sage cultivé de religion zoroastrienne, elle mérite la plus grande admiration.
De nos jours, compte tenu des risques encourus, il faut oser!!!! Sa description de l'enfer sur terre au XXIème siècle et des invraisemblables dérives religieuses qu'autorise cette lecture obscurantiste du Coran vaut bien 5 étoiles brillant au même firmament que celles de Charlie.
Pour ce qui est de la forme, je suis plus mitigée… Et je n'oublie pas qu'on est sur Babelio, un site dévolu à la littérature...
Peut-être la traduction fait-elle perdre le souffle littéraire, toujours est-il qu'il m'est arrivé de souffrir au cours de passages creux, de dialogues plats ou totalement décousus. En outre, les prénoms kurdes imprononçables et asexués ( Frmesk, Gawhar, Rubar) pour un occidental sont difficiles à associer aux personnages. Une vraie galère! Enfin, je n'ai pas adhéré au choix de l'alternance des chapitres entre l'hospitalisation peu explicite de Frmesk en 2006 au Danemark, avec ses confidences trahies par une infirmière kurde, mi-victime mi-complice, qui ravivent (sans qu'on comprenne comment) le danger et les épisodes de jeunesse au Kurdistan.
Sur ce thème de la condition des femmes et de la violence qui leur est faite sous couvert de coutumes religieuses, c'est
Les impatientes que j'ai préféré mais
La laveuse de mort n'en est pas moins un texte engagé, très poignant qu'il faut absolument lire.