Je remercie
Gabrielle Danoux, croisée sur Babelio qui m'a gentiment proposé de lire ses livres. Sa confiance me touche particulièrement.
Je ne connais pas grand-chose à la littérature roumaine et encore moins les auteurs traduits par
Gabrielle Danoux ; par contre, je m'intéresse beaucoup aux difficiles enjeux du métier de traducteur…
Avant de me plonger dans
Textes choisis d'
Alice Orient, j'ai fait quelques recherches mais les renseignements trouvés furent plutôt maigres. Alice Ștefania Stănescu Călugăru était une poétesse roumaine, née à Paris en 1886, puis retournée à Bucarest avant de revenir en France et d'inaugurer sous le pseudonyme d'
Alice Orient une nouvelle série d'écrivains roumains écrivant en français. Les
Textes choisis comprennent son roman écrit en français et publié en 1924,
La Tunique verte, et quelques poésies traduites par
Gabrielle Danoux.
Gabrielle Danoux en dit un peu plus dans sa préface… Je retiens surtout sa belle démarche de promouvoir et de sauvegarder la parole et l'écriture d'une femme de lettres roumaine aujourd'hui un peu oubliée.
La Tunique verte est l'histoire de Lilis, une mystérieuse jeune femme qui, hospitalisée à cause d'une fracture du poignet, perd son âme et la recherche dans une quête à la fois onirique, poétique, délirante et surréaliste. Aujourd'hui, nous parlerions peut-être d'amnésie partielle…
Ce roman se passe à Montmartre, au gré d'errances nocturnes, de péripéties, de rencontres dans des ambiances noctambules et interlopes, qualifiées d'« inepties de bar en bar ».
C'est à la fois un roman d'aventures avec des récits enchâssés, un enfant trouvé, des parents retrouvés, des personnages hauts en couleurs tel un clown danseur ou encore un alchimiste à la fois faux-monnayeur et indicateur… Et que penser du démon de l'orgueil ?
La narration veut paraître structurée… le prologue annonce le passage d'une âme dans « les régions éblouissantes ». le livre un est celui de la rencontre de Lilis avec Josué, « un esprit » qu'elle croise hors de son corps à la manière d'une voix dans sa tête ou d'un compagnon imaginaire. On y décrit aussi le va et vient des amis, divers et variés qui se succèdent au chevet de la convalescente. le deuxième livre voit apparaître Goerget, nouveau guide, et pêche par certaines longueurs, notamment quand il y est question de musique. le livre trois est une alternance de récits et de points de vue et donne la signification de
la tunique verte du titre.
L'écriture est belle, travaillée et pleines de détails, vestimentaires notamment. L'auteure est souvent dans le registre de la provocation ou du contre-pied ; certaines insistances sont déroutantes, comme celles sur les origines juives de l'une des protagonistes.
La temporalité est imprécise et décousue, au rythme des saisons, l'hiver, puis le printemps. L'époque n'est pas évidente : on y roule en voiture mais on s'y habille de manière tellement farfelue que c'est indatable.
J'ai reconnu des références bibliques autour de Josué, successeur de Moïse dans la conduite des Hébreux vers la terre promise et, ici, guide de Lilis dans sa recherche d'elle-même, et mythologiques aussi avec Orphée.
Je dois avouer que l'ensemble m'a un peu décontenancée… Je dirai que c'est original, à défaut d'être surnaturel ou fantastique.
J'ai abordé les poèmes avec un peu d'appréhension. Je m'intéresse beaucoup aux enjeux de la traduction, je l'ai déjà dit. le traducteur littéraire doit respecter l'esprit du texte original, restituer la singularité d'une oeuvre tout en la rendant accessible dans la langue de destination ; c'est encore plus difficile en poésie où la part d'interprétation s'accroit… Personnellement, je ne possède aucune notion de roumain.
Quelle n'a pas été ma surprise, dès le premier poème, de voir que
Gabrielle Danoux a réussi à maintenir un nombre de pieds à peu près équilibrés et à conserver des rimes, peut-être pas des plus riches mais au moins en termes de sonorités… le registre est soutenu avec des mots rares parfois (amuïr, obérer…)
En matière de poésie, tout est très subjectif… Personnellement, il faut que cela m'embarque et me touche… Ici, j'avouerai que mon préféré est le plus long qui évoque une femme-serpent dans un texte lyrique et audacieux. Les autres sont plus neutres, parlent de la pluie, du ciel ou encore des souvenirs.
Merci,
Gabrielle Danoux, pour cette découverte. J'ai encore dans ma PAL d'autres livres que vous avez traduits et j'ai hâte de vous lire à nouveau.
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