Citations sur Dieu, les affaires et nous. Chroniques d'un demi siècle (37)
La pire erreur à commettre serait de se laisser aller à un rejet en bloc de tout ce qui est islamique, et du même coup arabe, et du même coup de couleur. Dans la situation actuelle, l'impératif capital, tant du point de vue éthique que du point de vue politique, est de rejeter tout racisme et touts intolérance dans le camp de l'ennemi. Les Noirs ne sont pas des ennemis. Les Arabes ne sont pas des ennemis. Et l'islam n'est pas l'ennemi. Il faut le dire haut et fort : l'islam n'est pas l'ennemi.
L'ennemi, le seul ennemi, est la violence, l'intolérance, le racisme.
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Il serait à la fois suicidaire et honteux de rejeter les Noirs, les Arabes, les musulmans.
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Il y faut plus de courage, et aussi plus d'intelligence, que dans l'exclusions brutale et inepte de ceux qui n'ont pas notre couleur de peau ou qui ne partagent pas nos croyances.
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La lutte est entre ceux qui refusent la violence et le racisme et ceux qui veulent les imposer.
In "Le Figaro, 18 octobre 1995"
Je crois au fond de moi-même qu'il y a encore de beaux jours à vivre et de grandes choses à faire. Mais tu ne dois plus compter sur les structures qui nous entourent et qui se sont effondrées. Oublie tout ce que je t'ai dit et ne retiens que ceci : la vie est merveilleuse ; il faut tout trouver en toi-même : la justice, le bonheur, la simplicité, la grandeur. Et alors, peut-être, tu reconstruiras un monde.
Ce qu'il y a de commode, et de dangereux, dans le passé, c'est qu'il est là, tout fait, pesant, insistant, agressif et inerte. L'avenir, évidemment, est plus riche de promesses, plus allègre, plus vivant. Mais il faut savoir le deviner. Et, mieux encore, l'inventer.
En France il faut parler des réformes et il ne faut pas les faire. Les Français sont conservateurs et révolutionnaires. Ils adorent les révolutions et ils adorent leurs droits acquis. Les réformes ils les vomissent.
"Comment va la France, Môssieur ? - Elle broie du noir, Môssieur." Voilà plus de soixante ans qu'elle souffre du mal de vivre. Elle ne s'amuse plus beaucoup. Elle grimace. Elle ricane. Fille du chagrin, de l'amertume, d'un malaise, la dérision règne partout : elle a remplacé la gaieté.
Le pouvoir a cessé d'être l'interprète de la volonté populaire.
Encouragé de toute évidence par le Front National, un climat d'intolérance et de haine est en train de monter en France. Il faut nous y opposer de toutes nos forces, ou tout est perdu. Le mépris et la haine pour un arabe ou un noir sont des sentiments répugnants. On a vu à quoi ont mené le mépris et la haine des juifs. Ne laissons pas ces sentiments-là envahir le pays ni nous-mêmes.
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Ce n'est pas par des injures et des cris dignes du Front National que sera réglé le problème du Front National. C'est par des réformes capables d'améliorer les conditions d'existence de tous et de convaincre les esprits. Si nous ne sommes pas capables de les mener à bien, si nous ne sommes pas capables de nous refuser au mépris et à la haine de l'autre, alors le pire n'est pas impossible.
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Le Figaro, 20 février 1997
Ce qu'il est permis de reprocher à M. Begin et au général Sharon, ce n'est pas tant d'avoir mené une politique pleine de risque et d'avoir gagné en vain des batailles inutiles, ce n'est même pas d'avoir fait ou laisser tuer des civils, des femmes, des enfants par centaines -d'autres, après tout , en ont tué beaucoup plus sans qu'on fasse tant d'histoires - non, la faute peut-être plus qu'historique, la faute métaphysique de M. Begin et du général Sharon, c'est d'avoir brouillé aux yeux du monde l'image du peuple juif : ils l'ont fait basculer, en quelques trente-six heures, du camp des victimes dans le camp des bourreaux.
Il faut être soi-même au-dessus de tout soupçon pour se permettre de faire la morale. Ou, comme le dit la sagesse populaire, il ne faut pas avoir de pièces à son cul pour monter au mât de cocagne.
On découvre aujourd'hui combien la France était heureuse sous la sagesse et la compétence de Georges Pompidou. je doute que l'idéologie mêlée d'opportunisme de M françois Mitterrand laisse jamais pareil souvenir. Peut être son socialisme à la française apparaîtra-t-il comme relativement supportable au prix de ce qui nous attend? Mais il est assez clair qu'en développant outre mesure le domaine de l'Etat et en l'affaiblissant en même temps, il aura préparé tous les malheurs qui risquent de naître de lui et de l'action partisane, équivoque, incohérente que, volontairement ou involontairement, par machiavélisme ou par faiblesse, il n'a cessé de couvrir et d'encourager. (31/03/1984)