Les Hommes-Charbon, tome 1 : L'Origine des Anges

Je suis très touchée que Laurence Orsini m'ait envoyé l'Origine des anges pour lecture et avis et je la remercie de sa confiance… C'est vrai qu'en lisant Les Hommes-charbon au début de l'été, j'avais découvert une merveilleuse conteuse et pu échanger ensuite avec cette belle personne qu'est l'auteure…
Ce livre était dans ma PAL depuis fin août et il était grand temps de m'y plonger ; j'avais vraiment été séduite par l'univers de Laurence Orsini, et ce tome 1, préquelle décrite par l'auteure elle-même comme « beaucoup plus sombre et psychologique », m'intriguait.

Après un prologue dans l'ambiance et la tonalité auxquelles je m'attendais, Laurence Orsini choisit de plonger ses lecteurs dans un monde très proche de notre monde contemporain avec ses vicissitudes et ses contingences, notamment en matière de pollution et de partage des ressources. Même le Président de la république française a des faux airs connus avec son ego démesuré, sa petite taille, son goût du jogging et son épouse mannequin : son successeur aussi ressemble d'assez près à un des précédents dirigeants de la France avec son embarrassante compagne et sa petite amie actrice, même si Laurence Orsini extrapole les péripéties de son mandat… L'auteure met en parallèle la vie privée d'une sympathique famille frappée par la maladie et la mort et la sphère publique sur fond de désastre climatique et d'exode dans l'espace.
Les différents chapitres sont tous introduits par des proverbes vietnamiens qui ponctuent le texte de manière poétique et philosophique à la fois. La première partie est ancrée dans le monde terrestre tandis que la deuxième amorce une montée en puissance onirique où les individualités se fondent, se réincarnent, toujours proches mais parentes autrement dans une temporalité étendue en des lieux et des époques improbables. Enfin, la troisième et dernière partie atteint un paroxysme chamanique et cosmogonique.

Je suis un peu déçue par l'écriture parfois trop familière, pas assez soignée à mon goût ; les coquilles et les fautes sont nombreuses ainsi que les maladresses de construction et cela parasite la lecture. Je précise que j'ai eu une version sous Word entre les mains ; le texte a peut-être bénéficié de corrections entre-temps. de plus, l'auteure a fait quelques erreurs : par exemple, la langue officielle du Brésil est le portugais, pas l'espagnol…
C'est dommage car les personnages sont travaillés, attachants et l'intrigue intéressante du fait des problématiques abordées sur les plans individuels et privés ou collectifs et publics : la vie après la mort, le deuil, la résilience, la maladie, le handicap, le rôle et le place des parents, l'inhumanité de services sociaux, le devenir de la terre, les politiques de survie, la corruption des gouvernants, les questions métaphysiques… L'inconscient a aussi sa place dans le récit ainsi que la force inconditionnelle de l'amour et tout ce qui transcende et dépasse l'humain.
À partir de la deuxième partie du roman, certains évènements rappellent notre actualité planétaire et leur mise en scène par Laurence Orisini révèle de sa part un regard aiguisé et analytique quant à leurs causes et leurs conséquences, mais leur succession fait un peu effet catalogue par manque de transition et d'articulation par rapport à la trame narrative.
La difficulté, quand on jongle entre la vie réelle et la fantasy ou la science-fiction, c'est de faire coller ensemble les différents univers, de ménager des transitions entre les mondes pour que l'échafaudage narratif tienne debout. Ici, j'ai eu un peu de mal à rester accrochée au récit tout en passant d'une ambiance à l'autre d'autant plus que certaines péripéties terrestres, telles que le départ précipité et clandestin pour L'Amérique du sud, ne sont pas vraisemblables. Certains sujets semblent importants pour l'auteure, autour de la famille, la santé, l'éducation mettant en opposition la famille monoparentale, l'univers féminin avec les modèles et les clichés véhiculés par les impératifs sociaux et administratifs mais leur traitement occasionne des longueurs dans le récit ; par contre, les rapports d'amitié, trop rapidement évoqués, auraient pu être l'occasion d'étoffer des personnages secondaires dont le rôle sera important pour la suite… Les passages fantastiques qui ont eu ma préférence m'ont cependant paru trop plaqués, pas assez suggérés en amont…

Un bilan de lecture très mitigé donc…
Je préfère lire Laurence Orsini dans son écriture cosmogonique dans laquelle elle est manifestement plus à son aise. L'Origine des anges est un tome rempli de bonnes intentions, de belles idées mais qui n'ont pas su me convaincre et me garder captivée. L'écriture manque trop de finition pour combler mon besoin de littéralité.