Leur vie pouvait être pénible, et sans doute tous leurs espoirs n'avait pas été comblés, mais il se savaient différents de tous les autres animaux. S'ils avaient faim, ce n'était pas de nourrir des humains tyranniques.
Même une fois décidé — et personne ne pouvait s’élever contre la chose elle-même — d’aménager en maison de repos le petit enclos attenant au verger, un débat orageux s’ensuivit : quel est, pour chaque catégorie d’animaux, l'âge légitime de la retraite ?
Tous les maux de notre vie sont dus à l'Homme, notre tyran.
Bêtes d'Angleterre et d' Irlande,
Animaux de tous les pays,
Prêtez l'oreille à l'espérance
Un âge d'or vous est promis.
L'homme tyran exproprié,
Nos champs connaîtront l'abondance,
De nous seuls ils seront foulés,
Le jour vient de la délivrance.
Plus d'anneaux qui pendent au nez,
Plus de harnais sur nos échines,
Les fouets cruels sont retombés,
Éperons et morts sont en ruine.
Des fortunes mieux qu'en nos rêves,
D'orge et de blé, de foin, oui da,
De trèfle, de pois et de raves,
Seront à vous de ce jour-là.
O comme brillent tous nos champs,
Comme est plus pure l'eau d’ici,
Plus doux aussi souffle le vent
Du jour que l'on est affranchi.
Vaches,chevaux,oies et dindons,
Bien que l'on meure avant le temps,
Ce jour-là préparez- le donc,
Tout est libre absolument.
Bêtes d’Angleterre et d'Irlande,
Animaux de tous les pays,
Prêtez l'oreille à l'espérance
Un âge d'or vous est promis.
L'Homme est la seule créature qui consomme sans produire.
Tous les animaux sont égaux, mais certains le sont plus que d'autres.
Seul Benjamin ne s'enrôla sous aucune bannière. Il se refusait à croire à l'abondance de nourriture comme à l'extension des loisirs. Moulin à vent ou pas, disait-il, la vie continuera pareil - mal, par conséquent.
L'Homme est la seule créature qui consomme sans produire. Il ne donne pas de lait, il ne pond pas d'oeufs, il est trop débile pour pousser la charrue, bien trop lent pour attraper un lapin. Pourtant le voici le suzerain de tous les animaux. Il distribue les tâches entre eux, mais ne leur donne en retour que la maigre pitance qui les maintient en vie. Puis il garde pour lui le surplus. Qui laboure le sol ? Nous ! Qui le féconde ? Notre fumier ! Et pourtant pas un parmi nous qui n'ait que sa peau pour tout bien.
Tous les animaux sont égaux mais certains sont plus égaux que d'autres.
« Quelle est donc, camarades, la nature de
notre existence ? Regardons les choses en face :
nous avons une vie de labeur, une vie de misère,
une vie trop brève. Une fois au monde, il nous est
tout juste donné de quoi survivre, et ceux d’entre
nous qui ont la force voulue sont astreints au
travail jusqu’à ce qu’ils rendent l’âme. Et dans
l’instant que nous cessons d’être utiles, voici
qu’on nous égorge avec une cruauté inqualifiable.
Passée notre première année sur cette terre, il n’y
a pas un seul animal qui entrevoie ce que
signifient des mots comme loisir ou bonheur. Et
quand le malheur l’accable, ou la servitude, pas
un animal qui soit libre. Telle est la simple vérité.