Cette fable animale, qui pourrait sembler simpliste, ne l'est pas du tout.
Un enfant la prendrait au premier degré, pour ce qu'elle est : des animaux se sont révoltés, ont chassé le fermier, ont pris possession de la ferme et veulent bosser pour leur propre compte.
L'enfer étant pavé de bonnes intentions, si au départ, tout est bien, après quelque temps, ça part en couille puisque les cochons s'arrogent le pouvoir, mais les autres animaux ne s'en rendent pas compte (ou ne veulent pas s'en rendre compte).
L'adulte, lui, lira entre les lignes et y verra (le cas de le dire, puisque l'on parle de cochons) une fable animalière dénonçant le communisme à la Staline ou tout autre régime totalitaire.
Au départ, les intentions sont bonnes puis une certaine élite se dégage, s'arroge des droits (sans les devoirs qui vont avec), des passe-droits, des rations supplémentaires, donne des ordres, considère les autres comme des esclaves, réécrit l'histoire et puisque l'on a réchauffé l'eau doucement, puisque l'on avait une police violente, personne n'a rien senti, personne n'a osé l'ouvrir et ceux qui l'ont ouvert sont morts.
C'est aussi une fable qui parle de toutes les révolutions qui furent confisquées ensuite par certaines personnes qui n'ont eu de cesse, ensuite, de se comporter comme les tyrans qu'ils dénonçaient autrefois et qu'ils avaient renversés, arrivant même à se comporter d'une plus vile manière qu'eux.
J'y ai aussi lu une dénonciation du capitalisme avec la force ouvrière qui est exploitée par une élite intellectuelle et qui malgré qu'elle bosse plus, reçoit de moins en moins de ration alimentaire, tandis que ceux qui ne produisent rien bouffent à s'en faire péter la panse (oui, c'est dit sans les pincettes). Travailler plus pour gagner moins !
Puisque les animaux bossent pour eux (qu'ils croient), ils sont prêts à tous les sacrifices, oubliant que ce ne seront pas eux qui tireront les bénéfices de leur force de travail et finalement, ils sont esclaves de quelqu'un, sauf que ce n'est plus du fermier (qui les faisait bosser moins, même si c'était pour son bénef à lui) mais des cochons.
La descente aux enfers commencera doucement pour nos animaux, sans qu'ils ne s'en rendent vraiment compte au départ puisque tout leur est expliqué simplement : c'est pour leur bien ! Et on avale, pardon, et ils avalent. Et puis, ceux qui n'avalent pas n'auront plus jamais l'occasion de remettre en question les ordres du cochon Napoléon, le chef.
Orwell va droit au but et s'inspire aussi des animaux pour leur donner leur caractère propre et habituel : les moutons bêlent ce qu'on leur dit de bêler, les chiens sont agressifs, les chevaux forts, l'âne intelligent… Chacun est parfaitement à sa place dans son rôle et il ne faut pas franchir des fossés pour assimiler les animaux à des humains, vu leur comportement.
Orwell frappe sous la ceinture, ça fait mal, ce petit livre. Il en ressort qu'en fait, tout le monde peut devenir un libérateur, il suffit juste d'être un bon orateur et la foule de moutons suivra !
Mais une fois le premier tyran éliminé, il faut avoir les pieds sur terre pour ne pas virer dictateur soi-même. Pas besoin de franchir des fossés non plus, la frontière est mince et si facilement franchie… Trop facilement…
Ensuite, le reste vient tout seul, un pas après l'autre, une règle après l'autre, une restriction après l'autre.
Une fable intelligente qui démontre que le totalitarisme n'est jamais loin, qu'il se trouve sous nos yeux, partout et pas que dans les états dictatoriaux, les républiques bananières…
Le totalitarisme ne se trouve pas que dans le passé et que ce salopard peut revenir au galop sans que l'on ne s'en rende compte ou alors, trop tard.
La liberté n'est pas un du, ce n'est pas non plus un droit, c'est un devoir. Mais il n'est pas toujours facile de voir le totalitarisme se mettre en place et encore moins de se rebeller contre des autorités toutes puissantes qui peuvent vous broyer comme on écrase une noisette avec l'outil adéquat.
Et puis, il est souvent plus facile de faire semblant de rien, de se raconter des histoires, de laisser couler, de baisser les bras. Parce que s'opposer de manière intelligente, c'est épuisant, dangereux et bien souvent, on est seul.
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