Dans la suite du formidable et pessimiste
1984, toujours d'actualité, je me suis mis à la lecture de cette fable ironique et cruelle d'Orwell, pleine d'humour mais au final tout aussi pessimiste.
En choisissant le mode de la fable animalière, Orwell choisit comme notre
La Fontaine de dénoncer les travers humains, en l'occurrence la dictature du prolétariat dans l'Union Soviétique de Staline, une des pires dictatures du 20 ème siècle.
Dans cette fable d'une ferme dont le fermier sera chassé par les bêtes qui l'occupent, tout y est, depuis les harangues de sage l'Ancien un cochon bien vieux (où l'on reconnaît
Lénine) qui meurt peu de temps après la révolte des animaux, les lendemains qui chantent, l'enthousiasme imaginatif et la volonté d'égalité entre toutes et tous de Boule de Neige (Snowball, dans lequel on peut reconnaître Trotski), puis l'éviction de ce dernier et la prise de pouvoir du cochon Napoléon, l'avatar du terrible Staline.
Tous les méfaits de la politique conduite par ce dernier sont transposés dans ce récit, au point de faire sourire un temps avant de nous faire frémir. Entre autres, la propagande menée par BrilleBabil (faut-il y reconnaître Molotov?), la déformation des faits, le culte du leader, l'installation d'une caste dirigeante, la politique du bouc émissaire, les procès et les aveux publics, l'exécution des opposants, la misère et la faim de tous les animaux laborieux, les accords avec l'ennemi qui ne sont pas sans rappeler le pacte germano- soviétique conclu par Staline avec l'Allemagne nazie…..
Cette fable nous montre avec une prodigieuse acuité et autant qu'un récit historique, toutes les dérives terribles et les méfaits des pouvoirs totalitaires.
Et finalement, sous les apparences trompeuses de la dérision, ce court récit est presqu'aussi percutant que
1984.
Et l'écriture est remarquable, pleine de verve et d'ironie grinçante.
Petite réflexion hors cadre à propos de ce récit. Je me suis dit, une fois de plus, que tous ces ressorts du totalitarisme, c'est à dire d'un pouvoir qui régente les esprits et interdit la libre expression, sont encore à l'oeuvre un peu partout dans le monde, d'une façon ouverte et évidente en Corée du Nord et dans les théocraties, mais aussi dans la Chine de
Xi-jinping, la Russie de Poutine, la Biélorussie de Loukachenko qui emprisonnent ou assassinent leurs opposants, et bien d'autres.
Mais la manipulation des esprits est aussi à l'oeuvre d'une façon plus pernicieuse dans les démocraties, avec le pouvoir des médias souvent aux mains des puissants, les fake-news alimentées sur les réseaux sociaux, aux mains de n'importe quels extrémistes ou abrutis, ainsi, on a pu le voir pendant 4 ans, le président de la plus grande puissance mondiale.