A présent lève-toi et mets-toi en quête, lève-toi d'un pied léger et va t'en tranquillement chercher ce que tu as perdu.
Des olives
Car le goût fort de ces olives qui ont longuement mariné dans l'huile
avec de l'ail, du sel, du citron, du piment et du laurier,
exhale parfois des effluves du passé : des pierres fendillées, un troupeau,
l'ombre et le son d'un pipeau, un souffle mélodieux venu du fond des âges.
La fraîcheur d'une grotte, une hutte cachée au fond d'une vigne, un abri dans un champ,
une tranche de pain d'orge et de l'eau du puits. C'est de là que tu viens. Tu t'es égaré.
Ici c'est l'exil. Quand ta mort viendra, une main omnisciente se posera sur ton épaule,
viens, il est temps de rentrer à la maison.
Le soir. La pluie tombe sur les collines nues du désert. La craie, le silex et l'odeur de poussière mouillée après un été torride. L'envie me prend d'être ce que j'aurais été si j'avais su ce que tout le monde sait. Être avant la connaissance. Comme les collines. Comme une pierre à la surface de la lune. Posé là sans bouger, confiant en la longévité des livres.
« Il ne peut échapper à son odeur. Son odeur sur la serviette son odeur sur les draps qui a-t-elle appelé à qui a-t-elle parlé. Son odeur dans la cuisine où est-elle où est-elle quand va-t-elle rentrer son parfum dans le couloir son parfum dans le salon son parfum avec qui est-elle sortie et qu’y a-t-il entre eux. Son parfum dans la salle de bain où est-elle et va-t-elle encore se faire avoir. Le parfum de son shampoing. Son odeur dans le panier à linge. Où est-elle. Quand rentrera-t-elle. Elle rentrera tard. En Himalaya, c’est déjà demain. Où puis-je fuir son odeur. » (p. 75)
L’été quarante-six mon père et ma mère avaient loué pour les vacances une chambre
chez un tailleur à Bat-Yam. Une nuit, je fus réveillé par une quinte
de toux qui n’en était pas
une, c’était la première fois de ma vie que j’entendais un inconnu
pleurer de l’autre côté du mur. Il avait pleuré toute la nuit et moi,
éveillé, paniqué,
je n’avais pas osé bouger de crainte de réveiller mes parents
jusqu’à ce que le ciel blanchisse et que je me glisse sur le balcon ses
épaules tremblaient
un oiseau s’envola dans le silence de l’aube et l’homme le désigna en
disant n’y crois pas
petit. Cinquante ans ont passé et l’oiseau n’est plus,
ni l’homme. Ni mes parents. Seule la mer est encore là qui de bleue
est devenue grise elle aussi. N’y crois pas petit. Ou plutôt si. Crois-le. Qu’importe.
Il y a un tel vacarme chez nous, ce ne sont plus que clameurs, incantations, amulettes, clairons, tambours et trompettes.
Ou au contraire, cinglants sarcasmes : tout le monde insulte tout le monde.
Personnellement, j'estime que la critique des affaires publiques doit comprendre, disons, vingt pour cent de persiflages et d'injures, vingt pour cent de souffrance et soixante pour cent de sérieux chirurgical. Sinon tout le monde se moque de tout le monde, on répand de faux bruits, et la malveillance règne partout.
Ainsi quelque part une ombre se profile aussi dans l’histoire
Seule la mer est encore là qui de bleue est devenue grise elle aussi. N’y crois pas petit. Ou plutôt si. Crois-le. Qu’importe...Tous les fleuves vont à la mer, et la mer est silence, silence, silence. Il est dix heures du soir. Des chiens aboient. Reprends ton stylo (…) »
"... il s'avérait, que quelque chose qui n'avait jamais été et ne serait jamais était en réalité tout ce que nous possédions..."
(p. 235)
"Les ravages du temps, de la fumée sans feu, sur le dos de ma main je vois ta tache brune qui se trouvait,
exactement au même endroit sur le dos de la main flétrie de mon père.
Ainsi mon père est revenu de dessous la terre.
Des années durant il n'y a plus pensé et voilà que soudain il se souvient de transmettre à son fils un bout de pigment en héritage. Les ravages du temps. Un brûlure sans feu. Un sceau ancestral. Un cadeau posthume sur le dos de la main."
(p. 203)