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Citations sur Une histoire d'amour et de ténèbres (102)

Dans mon enfance, à la fin du mandat britannique, tout Jérusalem écrivait : à l’époque, il n’y avait guère de radio, pas de télévision, de lecteur de CD, d’Internet, d’e-mail, voire de téléphone. Mais n’importe qui possédait un crayon et un cahier.
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La plupart du temps, elle restait à la maison. Mais elle ne se croisait pas les bras pour autant, elle travaillait dur, avec efficacité et en silence. Jamais je ne l’ai entendue fredonner ou grommeler en s’activant. Elle cuisinait, pétrissait, lavait, elle faisait les courses, elle repassait, nettoyait, rangeait, pliait, lavait, étendait, ébouillantait. Mais une fois la maison parfaitement en ordre, la vaisselle faite, le linge soigneusement plié et placé dans l’armoire, maman se blottissait pour lire dans un coin. Détendue, la respiration douce et égale, elle s’installait pour lire sur le canapé. Les pieds ramenés sous elle, elle lisait. Le dos rond, le cou fléchi, les épaules relâchées, le corps pareil à une demi-lune, elle lisait. Le visage à moitié dissimulé derrière l’écran de ses cheveux noirs répandus sur la page, elle lisait.
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Ces arbustes donnaient de minuscules fleurs violettes au parfum si capiteux qu’on s’arrêtait exprès pour les respirer, au point qu’on en avait parfois le tournis et qu’on voyait des étoiles de toutes les couleurs dont je ne pourrai même pas te dire le nom. De toute façon, je pense qu’il existe beaucoup plus de couleurs et de parfums que de mots.
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Au printemps, l’air embaumait les fleurs et les fruits, auxquels se mêlaient les vapeurs de lessive et les odeurs de pain chaud, de pâtisseries, de tourtes et de plats épicés qui montaient des cuisines.
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Je n’avais ni frères ni sœurs, on ne pouvait guère m’offrir de jeux ni de jouets, et la télévision et l’ordinateur n’avaient pas encore été inventés. Durant ma petite enfance passée à Kerem Avraham, à Jérusalem, je vivais en réalité à l’orée de la forêt, près des cabanes, des cheminées, des prairies et de la neige des histoires de ma mère et des livres illustrés qui s’entassaient sur ma table de chevet : j’étais en Orient et mon cœur battait au fin fond de l’Occident. Ou « dans le Grand Nord », comme disaient les livres. Étourdi, j’errais interminablement dans des forêts virtuelles, des forêts de mots, des chaumières de mots, des prairies de mots. La matérialité des mots refoulait les cours écrasées de chaleur, les auvents en tôle ondulée attenant aux maisons de pierre, les balcons encombrés de bassines et de cordes à linge. L’environnement ne comptait pas. Seule importait la consistance des mots.
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À la fin de la Deuxième Guerre mondiale, on clôtura la cour de la maison Finn de hauts barbelés et l’on y enferma des officiers italiens, prisonniers de guerre. Nous nous y glissions à la nuit tombée pour narguer les détenus à qui nous nous amusions à faire des grimaces et des gestes de la main : « Bambino ! Bambino ! Bongiorno bambino ! » nous criaient les Italiens, hilares. « Bambino ! Bambino ! Il Duce morte ! Finito il Duce ! Viva Pinocchio ! » lancions-nous en retour, et par-delà les clôtures et le fossé de la langue, de la guerre et du fascisme, nous revenait invariablement, telle la seconde moitié d’un vieil adage, le cri « Gepetto ! Gepetto ! Viva Gepetto ! »
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Grand-mère disposait les rafraîchissements à la cuisine, sur la table et la paillasse de l’évier – on aurait dit une parade militaire – d’où grand-père partait sans cesse pour le front, portant des plateaux chargés de bortsch glacé, hérissé d’un iceberg de crème fraîche, de clémentines pelées, de fruits de saison, de noix, d’amandes, de raisins de Corinthe, de figues sèches, de fruits et d’écorces d’orange confits, de compotes, de marmelades et autres gelées, de gâteaux au pavot et à la confiture, de strudels aux pommes et d’une délicieuse pâtisserie feuilletée.
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Excepté un portemanteau en bois foncé qui dressait ses patères, un pan de mur nu et un tapis brodé de couleur sombre, le hall était entièrement recouvert de livres : les étagères, tapissant les murs du sol au haut plafond, supportaient des ouvrages dont certains étaient rédigés dans des langues dont je ne connaissais même pas l’alphabet, il y avait des livres debout, sur la tranche desquels d’autres étaient couchés, de splendides manuels, bien épais, prenaient leurs aises quand d’autres, empilés les uns sur les autres, tels des réfugiés entassés sur des châlits à bord de vieux rafiots, vous regardaient misérablement, de lourds bouquins respectables à la reliure de cuir gravée de lettres dorées, et d’autres tout légers, à la fragile couverture en papier, des seigneurs prospères et gras, des mendiants décolorés et dépenaillés, parmi lesquels grouillait une foule d’opuscules, gazettes, pamphlets, journaux, revues, bulletins, magazines et brochures, la racaille suante et bruyante, agglutinée autour de la place ou aux abords du marché.
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« Dis-moi, tu as perdu la tête ? grinça-t-il finalement entre ses dents. Par ordre de taille ? Tu crois que les livres sont des soldats ou quoi ? Une garde d’honneur ? Le défilé de l’orchestre des pompiers ? »
Il se tut. Un long silence terrible à la Gregor Samsa, à croire que je me métamorphosais en cafard devant ses yeux. De mon côté, je gardais un silence coupable, comme si on venait de découvrir que j’avais toujours été un misérable insecte, et que tout était irrémédiablement perdu.
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J’étais haut comme trois pommes quand j’ai commencé à lire tout seul. Il n’y avait rien d’autre à faire. À l’époque, les nuits étaient beaucoup plus longues parce que la terre tournait plus lentement, car la gravitation, à Jérusalem, était alors beaucoup plus forte qu’elle ne l’est de nos jours. La lampe dispensait une lumière jaune pâle et il y avait de nombreuses coupures de courant. Aujourd’hui encore, l’odeur de chandelles fumantes et d’une lampe à pétrole noire de suie me donne envie de lire.
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