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Citations sur Une histoire d'amour et de ténèbres (102)

Il y avait chez nous une loi inflexible selon laquelle on ne devait acheter aucun article d'importation et privilégier la production locale. Mais quand on allait à l'épicerie de M. Auster, à l'angle de la rue Ovadiah et de la rue Amos, il fallait quand même choisir entre le fromage de la Tnouva, fabriqué au kibboutz, et le fromage arabe : le fromage arabe du village voisin de Lifta était-il un produit d'importation ou israélien ? Pas simple. Il faut dire que le fromage arabe était un chouïa moins cher. Mais en l'achetant, n'était-ce pas une légère trahison à l'égard du sionisme : quelque part, dans un kibboutz ou un mochav, dans la vallée de Jezréel ou les monts de Galilée, les yeux pleins de larmes, une pionnière exténuée avait peut-être emballé ce fromage hébreu à notre intention - comment pourrions-nous lui tourner le dos et acheter du fromage étranger ? En aurions-nous le cœur ? D'un autre côté, en boycottant les produits de nos voisins arabes, nous attiserions et perpétuerions la haine entre les deux peuples, et nous aurions le sang versé sur la conscience, le ciel nous en préserve ! Et puis le fellah, cet humble travailleur de la terre dont l'âme simple et honnête n'avait pas encore été corrompue par la pourriture des villes, n'était-il pas le frère basané du brave moujik généreux des récits de Tolstoï ? Et nous aurions la cruauté de nous détourner de son fromage artisanal ? Nous nous entêterions à le punir ? De quoi ? De ce que la perfide Albion et les effendis corrompus excitaient le fellah contre nous et notre entreprise ? Non. Cette fois, nous allions décidément acheter du fromage arabe qui, soit dit en passant, était un peu meilleur et moins cher que celui de la Tnouva. Par ailleurs, ce n'était peut-être pas très propre chez eux. Qui sait dans quel état étaient leurs laiteries ? Qu'arriverait-il si l'on apprenait, trop tard, que leur fromage grouillait de microbes ?
Les microbes étaient l'un de nos pires cauchemars. Comme l'antisémitisme : même si l'on ne s'était jamais retrouvé face à un antisémite ou à des microbes, on savait parfaitement qu'ils nous guettaient de partout, voyant tout sans être vus. (p.24-25)
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Les pires conflits entre les individus ou entre les peuples n'opposent pas forcément des opprimés. C'est une idée romanesque largement répandue que d'imaginer que les persécutés se serrent les coudes et agissent comme un seul homme pour combattre le tyran despotique. En réalité, deux enfants martyrs ne sont pas forcément solidaires et leur destin commun ne les rapproche pas nécessairement Souvent, ils ne se considèrent pas comme compagnons d'infortune, mais chacun voit en l'autre l'image terrifiante de leur bourreau commun.
Il en va probablement ainsi entre les Arabes et les Juifs, depuis un siècle.
L'Europe a brimé les Arabes, elle les a humiliés, asservis par l'impérialisme et le colonialisme, elle les a exploités, maltraités, et c'est encore l'Europe qui a persécuté, opprimé les Juifs et qui a autorisé, voire aidé les Allemands à les traquer aux quatre coins du monde et à les exterminer presque tous. Or les Arabes ne nous prennent pas pour une poignée de survivants à moitié hystériques, mais pour le fier rejeton de l'Europe colonialiste, sophistiquée et exploiteuse, revenue en douce au Proche-Orient - cette fois sous le masque du sionisme pour, recommencer à les exploiter, les expulser et les spolier. Nous, nous ne les prenons pas pour des victimes semblables à nous, des frères d’infortune, mais pour des cosaques fomenteurs de pogroms, des antisémites avides de sang, des nazis masqués : comme si nos persécuteurs européens ressurgissaient ici, en Terre d'Israël, avec moustache et keffieh, nos assassins de toujours, obsédés par l'idée de nous couper la gorge, juste pour le plaisir. (p.362-3)
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... au fond, l'amour est quelque chose de grossier et de maladroit comparé à l'amitié. L'amitié comporte une dimension de sensibilité, d'attention, de générosité et de sens de la mesure.
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Le pouvoir est dangereux et peut se retourner contre ceux qui l'exercent. (...) Ey bien, écoute voir : moi qui ne suis rien du tout, je te dis que le pouvoir est l'opium des puissants. Le pouvoir est l'opium de l'humanité tout entière.
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... maman m'avait affirmé qu'avec le temps les livres pouvaient changer au moins autant que les humains, avec cette différence que les hommes te plaquent tôt ou tard, dès qu'ils ne trouvent plus en toi de profit, de plaisir, d'intérêt ou de sentiment, tandis que les livres ne te laissent jamais tomber. Toi, tu les dédaigneras parfois, tu en délaisseras certains pour de longues années, ou pour toujours. Mais même si tu les trahis, ils ne te feront jamais faux bond, eux : ils t'attendront en silence, humblement, sur l'étagère. Des dizaines d'années s'il le faut. Sans une plainte. Et puis, une nuit, quand tu en éprouveras soudain le besoin, peut-être à trois heures du matin, et même s'il s'agit d'un livre que tu aurais négligé, voire pratiquement rayé de ta mémoire pendant des années, il ne te décevra pas mais descendra de son perchoir pour te tenir compagnie quand tu en auras besoin. Sans réserve, sans chercher de mauvais prétextes, sans se poser la question de savoir si cela en vaut la peine ou si tu le mérites, il répondra immédiatement à ton appel. Il ne t'abandonnera jamais.
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Des mots tels que "chaumière", "pré", "gardeuse d'oies" m'ont fasciné et ému toute mon enfance. Ils avaient le parfum sensuel d'un monde authentique, paisible, loin des toits de tôle poussiéreux, des terrains vagues envahis par la ferraille et les chardons, et des talus arides de Jérusalem, suffoquant dans la chaleur de l'été incandescent. Il me suffisait de murmurer "pré" pour entendre le meuglement des vaches avec leurs clochettes autour du cou et le chant des ruisseaux. En fermant les yeux, je voyais la gardeuse d'oies aux pieds nus, sexy à pleurer, bien avant que j'y entende quelque chose.
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Et j'éprouve peut-être aussi une certaine jalousie pour la sexualité féminine, tellement plus riche, délicate et subtile, comme un violon comparé au tambour.
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"Enfant, j'espérais devenir un livre quand je serais grand. Pas un écrivain, un livre : les hommes se font tuer comme des fourmis. Les écrivains aussi. Mais un livre, même si on le détruisait méthodiquement, il en subsisterait toujours quelque part un exemplaire qui ressusciterait sur une étagère, au fond d'un rayonnage dans quelque bibliothèque perdue, à Reykjavik, Valladolid ou Vancouver. "
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Abandonner, c'est trahir.
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L'amour, c'est la curieuse combinaison d'une chose et de son contraire, un mélange d'extrême égoïsme et d'abnégation totale. Un paradoxe! Tout le monde n'a que ce mot à la bouche, l'amour, mais on ne le choisit pas, il nous attrape, il nous tient comme une maladie, une tragédie.
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