Il avait relevé le col de son pardessus mais sentait la fraîcheur descendre le long de son cou et le glacer totalement. Il marchait cependant. Il ne savait ni vers qui ni où mais il avançait d’un bon pas, suivant, tout le long du trottoir, les autres passants qui, eux, savaient sûrement où ils allaient.
Avec ses questions et ses recherches, il avait bien malgré lui réveillé les souvenirs de Sidonie. Depuis longtemps, elle avait enfoui ses souvenirs et ses regrets au fin fond de son cœur et il était arrivé sûr de son bon droit, cherchant à tout connaître sur sa famille.
Sa mère toute à son idée ne pouvait comprendre cette soif qu’il avait de retrouver sa famille paternelle, de se sentir adopté, d’être pris pour l’un des leurs… Elle croyait à une lubie de sa part et redoutait la solitude.
On était au mois de mars. La terre frémissait sous les coups de boutoir des giboulées. Le jeune blé encore tout jauni par l’hiver commençait à relever ses petites pousses et montait, tout guilleret, dans les champs. Ce spectacle le remplissait toujours d’une joie profonde. Il revivait ce miracle, chaque année, avec le même plaisir.
Cette maison l’attirait. Elle était celle de sa famille. Il n’en savait pas toute l’histoire : une histoire qu’il aurait bien voulu connaître, mais il devait se contenter des miettes qu’il glanait ici ou là et qui le laissaient sur sa faim.
Rémi ferma le livre qu’il avait et en reprit un autre. Tout en se rasseyant, il revit le visage terrorisé de la mère de Germaine et se demanda pourquoi il y avait une telle panique dans son regard. Ce n’était tout de même pas parce que son père était un étranger au pays qu’elle avait une telle peur ! Il y avait sûrement autre chose .
Son seul plaisir était de partir errer le long des rues à la recherche d’un vestige du passé ou, comme aujourd’hui, de rien de précis… Marcher, seulement marcher pour oublier qu’il y avait eu, un jour, un Rémi Lorrain qui avait été heureux.