On l'a découvert sortant tout juste de l'oeuf du temps où il faisait ses premières chroniques pour le Petit Journal puis Quotidien, aux côtés de Yann Barthès. Lisse (presque trop), insouciant (presque trop) et décontracté (presque trop), Panayotis était de ceux qu'on jalousait d'être trop drôles et de paraître trop parfaits. Puis, comme par surprise, il avait troqué sa bouille d'ado trop sage pour être honnête contre une moustache et des cheveux en bataille en même temps qu'il avait quitté la télé pour le stand-up. Sur scène, on le redécouvre plus naturel et plus drôle que jamais à aborder questions existentielles et tranches de vie aussi intimes qu'universelles, mais qu'il sait raconter comme aucun autre. Panayotis, c'est ce petit cousin qu'on vénère et qu'on déteste à la fois, parce que trop bon dans tout ce qu'il fait.
Et comme si cela ne suffisait pas, PAF, Pana sort un bouquin. Avant même la publication, les journalistes annoncent l'événement à grand renfort de phrases accrocheuses pour appâter le chaland : "Panayotis dévoile tout !". C'est peu ou prou ce que disent les titres des sites et articles dès lors que vous googlez son nom. Alors, ce bouquin, un grand déballage, mais rien de plus ? Il fallait en avoir le coeur net : on fonce au salon du Livre Sur La Place à Nancy pour l'acheter. La file est hallucinante et le livre a déjà été réimprimé trois fois en deux semaines. Après plusieurs tentatives et de longs moments de solitude au milieu d'ados surexcités, le chroniqueur humoriste auteur vient s'excuser auprès des trois tondus et deux pelés qui font encore la queue, à vingt minutes de la fermeture : il doit filer prendre son train. On se contente d'une dédicace sur le livre tenu à bout de bras pendant qu'il file en direction de la gare. Snif.
On rentre, on lit le livre pendant la nuit. On pleure, on rit, on pleure encore. On ne dort pas. Et force est de constater que c'est bon. C'est très bon. Dans "
La prochaine fois que tu mordras la poussière",
Panayotis Pascot fait plus que "tout déballer". Si les médias n'ont retenu que les révélations sur son homosexualité, ce livre (que l'auteur présente tantôt comme un roman, tantôt comme une auto-fiction) se veut davantage une évocation du passage (compliqué) vers l'âge adulte. La relation père-fils, ambivalente de son traditionnel jeu d'attraction et de répulsion, est à la fois le point de départ et la quête du récit : astre autour duquel tous les enfants gravitent au point de s'y brûler, le pater familias annonce sa mort prochaine. Émerge la nécessité pour le fils de "tuer le père avant qu'il ne meure". C'est cette idée qui trace la ligne principale du texte, cheminement complexe s'il en est, qui permet tour à tour d'aborder la construction de soi à travers la masculinité, ses codes et ses représentations, mais aussi la dépression mélancolique que dissimulait l'insouciance de façade de l'humoriste.
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La prochaine fois que tu mordras la poussière" nous fait redécouvrir la figure qui s'effrite derrière le vernis : celle d'un jeune garçon pas très doué pour le bonheur qui, pour parvenir à dormir, est obligé de se délester en écrivant tout ce qui lui pèse sur l'estomac pendant ses nuit d'insomnie. La plume est fulgurante, habitée d'une forme d'urgence qui ne s'encombre pas de ponctuation, restituant ainsi l'empressement de coucher sur le papier avant d'oublier. A le lire, on perçoit le rythme auquel affluent ses pensées et l'arborescence qui se construit entre les événements vécus et la couleur qu'il leur donne.
Panayotis Pascot se révèle à travers un style aussi rock que poétique, maniant les mots et la métaphore avec naturel et brio. Tout comme Rimbaud, Panayotis "écrit des silences, des nuit, note l'inexprimable et fixe des vertiges".
Récit de contrastes et de nuances, "
La prochaine fois que tu mordras la poussière" est parfois très cru lorsque
Panayotis Pascot aborde sa sexualité, mais il ne l'est jamais gratuitement. Mieux que ça, il persiste même dans ces passages sans concession une certaine pudeur, voire de la tendresse. Il en est de même dans l'évocation, très juste, de sa dépression : sans pathos ni embellissements, il trouve le ton pour raconter la part de soi qui flanche avec une honnêteté qui rend le témoignage utile pour son prochain. Parce que les tranches de vie intimes qu'il nous raconte ont une portée universelle, ses doutes, ses angoisses et ses questions font écho en nous.
En bref : Cru sans être trash, intime sans être impudique, touchant sans le pathos, émouvant sans les clichés, "
La prochaine fois que tu mordras la poussière" est la révélation de cette rentrée littéraire 2023.
Panayotis Pascot y raconte le mal de père et la difficile transition vers l'âge adulte d'une jeunesse qu'on aurait pu croire dorée, mais dont le vernis s'écaille face à la difficulté de vivre le bonheur. Jamais dans l'autoapitoiement, le jeune auteur donne à lire une plume vive, alerte et particulièrement évocatrice. le résultat remue autant qu'il enchante et nous laisse exsangue une fois le livre refermé.
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