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Critique de Oscarchen


Avis sur tétralogie du Yorkshire de David Peace (1974, 1977, 1980, 1983)

J'étais pressé de finir 1983 pour avoir enfin le fin mot de l'histoire, une explication limpide sur ce qui s'est passé durant ces neuf ans, sur qui tire les ficelle derrière tout cela.
Je termine le livre et rien de tout cela. Pas d'explication limpide, veux-je dire. On comprend certains détails mais on n'a pas de conclusion qui éclaire toute l'affaire. Des tas de zones d'ombre persistent et des tas de questions restent sans réponses.

Alors, ma première réaction fut de rester sur ma faim. Je venais de lire 1300 pages d'une lecture éreintante qui me ballote de droite à gauche au milieu de la souffrance de plusieurs personnages ravagés par des secrets enfouis au fond d'eux-même, j'ai souffert avec eux tout ce temps, car comme eux, je veux savoir pourquoi il doivent autant morfler.
Et tout ce que j'obtiens en final c'est: une boite pleine de clés et des tas de portes devant moi!
A moi de me débrouiller avec cela!

Et puis j'y ai réfléchi, et j'ai reconstitué l'histoire. du moins, ma version de l'histoire, ce que moi j'en ai compris, les motivations de chaque personnage et ce qui les a amené à agir de telle ou telle manière, et je me suis rendu compte à quel point cette oeuvre est brillante.
C'est du Lynch en littérature. Peace expose son histoire, il l'envoie en travers de la gueule du lecteur et il lui fait mal, en même temps, il l'accroche, impossible de laisser tomber sans savoir, mais à la fin, il nous laisse conclure. Lire Peace, c'est réfléchir (comme lire Umberto Eco).

Et que dire du style! Hallucinant! J'ai lu des critiques sur internet où bien des lecteurs étaient choqués par le langage (merde, putain qui reviennent sans cesse), ou par les répétitions incessantes (les personnages jettent sans cesse un regard sur leur montre, la scène de torture/interrogatoire au poste de police qui revient une ou deux fois par livre, toujours la même, seule la victime change), et je comprends ce qui les choque: C'est très douloureux à lire. Peace est sans aucune concession envers son lecteur, il le malmène sans cesse.
Je n'ai jamais lu un livre où l'histoire est racontée par plusieurs personnes, chacune présentant son point de vue à la première personne, chaque chapitre changeant de personnage. Là encore on doit à chaque fois faire un effort pour comprendre. Impossible de s'ennuyer en lisant cela. Soit on déteste, soit on adore.

J'ai adoré.

L'amie qui m'en a conseillé la lecture l'a fait suite à une discussion au sujet de James Ellroy. Elle m'a dit: "j'ai trouvé mieux qu'Ellroy, lis la tétralogie du Yorkshire de David Peace"
Et sur internet, ou par les critiques, Peace est souvent rapproché d'Ellroy..
A la suite de cette lecture, je trouve la comparaison avec Ellroy assez injustifiée. Ce n'est pas mieux qu'Ellroy, c'est différent. Plus noir sans doute (cela semblait impossible, pourtant), mais pas mieux. Ellroy utilise aussi les points de vue multiples dans ses livres (par exemple Ed Exley, Jack Vincennes et Bud dans LA confidential sont tous les 3 les personnages principaux), mais il les caractérise mieux. Chez Peace (dans cette oeuvre en tout cas), il sont tous "interchangeables". Pas de différence fondamentale entre le regard qu'ils portent sur les choses et entre les comportements de Eddie Dunford et Jack Whitehead par exemple. Tous les personnages sont en souffrance et dissimulent (à eux-même) un secret indicible. Seul BJ sort du lot, mais comme il le dit à la fin, "il est celui qui s'est échappé". C'est le seul personnage qui n'est pas englué dans sa situation, il fuit et revient pour mettre un terme à tout cela en tuant "le loup".
Cette absence de caractérisation entre les personnages m'a un peu gêné lors de la lecture, mais finalement, cela participe au style: la répétition et le martèlement qui contribuent au malaise du lecteur.

Cela m'a donné envie de relire Ellroy (pour comparer).

Et de lire d'autres livres de Peace. Car son écriture ne m'a pas laissé indifférent, loin s'en faut.
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